Chapitre 2 Chapitre 2

Grand, vêtu d'un costume parfaitement taillé, il entra comme s'il était chez lui. Ses yeux, d'un gris perçant, s'ancrèrent dans les miens. Il n'avait pas besoin de dire son nom. Je savais déjà qui il était.

Adrian.

- **Tu devrais fermer ta porte à clé.**

Sa voix était calme, posée. Il referma derrière lui, sans la verrouiller, comme pour me rappeler qu'il pouvait entrer et sortir à sa guise.

Je me levai brusquement, reculant d'un pas.

- **Sors de chez moi.**

Il haussa légèrement un sourcil, amusé.

- **Je viens juste discuter.**

Je sentis ma respiration s'accélérer.

- **Comment tu es entré ?**

- **Je n'ai pas besoin d'invitation.**

Mon cœur battait trop fort. Il n'avait pas fait un geste menaçant, mais sa simple présence était une menace en soi.

- **Qu'est-ce que tu veux ?** demandai-je d'une voix plus tremblante que je ne l'aurais voulu.

Il prit son temps pour observer mon appartement, comme s'il évaluait mon environnement.

- **Te protéger.**

Un rire nerveux m'échappa.

- **Je n'ai pas besoin de protection.**

Il reporta son regard sur moi, intense, calculateur.

- **Détrompe-toi.**

Je croisai les bras, essayant de masquer mes tremblements.

- **Pourquoi maintenant ?**

Il s'approcha, et je reculai instinctivement.

- **Parce que tu es devenue une cible. Parce que ton père t'a laissée un héritage que tu ne peux pas refuser.**

Je serrai les dents.

- **Je ne veux rien de lui. Ni de toi.**

Il sourit légèrement, mais ce n'était pas un sourire rassurant.

- **Ce n'est pas à toi de décider.**

La peur céda un instant à la colère.

- **Ah oui ? Et c'est qui, alors ? Toi ?**

Il ne répondit pas immédiatement. Il me jaugeait, comme s'il évaluait mes limites.

Puis, il se pencha légèrement vers moi, et sa voix se fit plus basse.

- **Moi, oui.**

Un frisson me parcourut.

Je ne pouvais pas le laisser m'imposer sa volonté. Je n'étais pas un pion dans un jeu dont je n'avais jamais voulu faire partie.

Sans réfléchir, je me ruai vers la porte, attrapai la poignée et tentai de la tirer.

Mais en une fraction de seconde, Adrian fut sur moi.

Son bras se tendit au-dessus de mon épaule, refermant la porte avant que je ne puisse l'ouvrir. Mon souffle se bloqua alors qu'il se tenait tout près, trop près.

- **Tu n'as nulle part où aller.**

Je sentis la chaleur de son corps derrière moi, la force contenue dans son immobilité.

- **Laisse-moi partir,** murmurai-je.

Il resta silencieux un instant. Puis, lentement, il recula.

Je me retournai, le cœur tambourinant.

- **Tu as jusqu'à demain.**

Mon estomac se serra.

- **Pour quoi ?**

- **Pour choisir.**

Son regard se fit plus sombre.

- **Soit tu me suis de ton plein gré... soit je viens te chercher.**

Puis, aussi calmement qu'il était entré, il tourna les talons et quitta mon appartement.

Je restai figée, incapable de bouger, incapable de respirer.

J'avais cru être libre.

Je venais de comprendre que je ne l'avais jamais été.La normalité. C'était ce que je voulais. Ce à quoi je m'accrochais désespérément.

Après le passage d'Adrian dans mon appartement, je m'étais enfermée à double tour, comme si une simple serrure pouvait me protéger de lui. De ce qu'il représentait. J'avais passé la nuit à fixer le plafond, repassant en boucle ses mots, son regard froid, la manière dont il m'avait enfermée entre lui et la porte avec une facilité déconcertante.

Mais ce matin, j'avais pris une décision : faire comme si rien de tout cela n'existait.

J'étais partie en cours avec mon sac sur l'épaule, m'efforçant de paraître normale. C'était ça, ma seule arme. Faire comme si.

Sauf que ce n'était pas aussi simple.

Dès que je mis un pied sur le campus, je sentis ce poids invisible sur mes épaules. Cette sensation d'être suivie. Observée.

Je marchai d'un pas rapide, la tête haute, tentant de me convaincre que tout était dans ma tête. Mais plus j'avançais, plus cette impression devenait oppressante.

Puis je le vis.

Adrian.

Assis sur un banc, en retrait, vêtu d'un costume sombre qui le distinguait immédiatement des étudiants autour de lui. Son regard était posé sur moi, tranquille, comme s'il avait tout le temps du monde.

Je fis semblant de ne pas le voir.

Je continuai mon chemin, le cœur battant à tout rompre.

Il ne bougea pas. Il se contenta d'être là.

Présent.

Un rappel silencieux que je ne pourrais pas lui échapper.

La matinée passa dans un brouillard d'anxiété. En plein cours, j'étais incapable de me concentrer, jetant des regards furtifs vers la fenêtre ou la porte, m'attendant presque à le voir surgir à tout moment.

Quand la pause de midi arriva, je décidai d'aller à la bibliothèque. Un endroit public. Un endroit où je pourrais au moins prétendre être en sécurité.

Je me faufilai entre les rayons, cherchant un coin tranquille. Les rangées de livres formaient un labyrinthe silencieux, et je me détendis légèrement en m'éloignant du bruit des étudiants.

Mais alors que je tendais la main pour attraper un livre, une ombre apparut derrière moi.

Avant que je ne puisse réagir, une main se referma sur mon bras.

- **T'as l'air bien seule.**

La voix était grave, mielleuse. Un frisson d'alerte parcourut mon échine.

Je me retournai brusquement.

L'homme était grand, blond, avec un sourire en coin qui ne laissait rien présager de bon.

- **Lâchez-moi.**

Il resserra sa prise.

- **Je crois pas, non. On doit parler, toi et moi.**

Un froid glacial s'empara de moi. Ce n'était pas un simple dragueur lourd. Il savait qui j'étais.

Je tentai de me dégager, mais sa prise était ferme.

- **Tu crois pouvoir nous ignorer, princesse ?**

Princesse.

Le même mot que dans la lettre.

Mon estomac se retourna.

Je pris une inspiration tremblante.

- **Je vais crier.**

Son sourire s'élargit.

- **Vas-y. Vois si quelqu'un arrive à temps.**

Il m'attira un peu plus contre lui.

J'allais frapper, me débattre, faire quelque chose...

Mais soudain, il me lâcha brutalement.

Je titubai en arrière, le souffle court.

Et devant moi, Adrian.

Sa main refermée sur la gorge de l'homme, le poussant contre l'étagère avec une violence terrifiante.

- **Tu viens de faire une grave erreur.**

Sa voix était glaciale.

L'homme essaya de protester, mais Adrian resserra son étreinte.

- **Je... Je voulais juste lui parler !** balbutia-t-il, luttant pour respirer.

Adrian ne répondit pas immédiatement. Il l'observa, impassible, puis avec une précision chirurgicale, il l'attrapa par le col et le projeta contre le mur.

Le bruit du choc me fit sursauter.

- **Parle encore d'elle et je t'arrache la langue.**

Il n'y avait aucune hésitation dans sa voix. Aucun doute.

Il le pensait réellement.

L'homme hocha frénétiquement la tête, les yeux écarquillés.

Adrian le relâcha brusquement, et il s'écroula au sol, toussant et haletant.

Je restai figée, la poitrine soulevée par des respirations saccadées.

Adrian se tourna vers moi, et pendant une fraction de seconde, son regard se radoucit.

- **Tu vas bien ?**

Je ne savais pas quoi répondre.

Il s'approcha doucement, comme si j'étais un animal sauvage prêt à fuir.

- **Dis-moi que tu as compris maintenant.**

Je déglutis avec difficulté.

- **Compris quoi ?**

Il soupira, puis, d'un geste lent mais implacable, il attrapa mon poignet.

- **Que tu n'as plus le choix.**

Je tentai de me dégager, mais sa prise était ferme, sans être douloureuse.

- **Adrian...**

- **Regarde autour de toi.**

Je le fis.

Le blondinet était toujours au sol, en train de ramper pour s'éloigner.

Mais ce n'était pas lui qui attira mon attention.

C'était les autres.

Des regards furtifs. Des hommes que je n'avais jamais remarqués auparavant, disséminés dans la bibliothèque. Tous nous observaient.

- **Ils sont partout,** murmura Adrian. **Ce n'est qu'une question de temps avant qu'ils ne fassent pire que t'attraper le bras.**

Mon estomac se noua.

Il me relâcha doucement, comme s'il me laissait absorber ce qu'il venait de dire.

Puis il ajouta, plus bas :

- **Je suis la seule chose qui te maintient en vie en ce moment.**

Je secouai la tête, reculant d'un pas.

- **Je ne peux pas... Je ne veux pas de cette vie.**

Son regard s'assombrit.

- **Ce n'est pas une question de vouloir.**

Je levai les yeux vers lui, tremblante, révoltée.

- **Alors quoi ? Je dois juste accepter que ma vie m'échappe ? Que tu prennes toutes les décisions pour moi ?**

Il se pencha légèrement, son visage à quelques centimètres du mien.

- **C'est exactement ce que tu vas faire.**

Mon souffle se bloqua.

- **Je te laisse une dernière chance,** reprit-il. **Soit tu me suis maintenant... soit je t'emmène de force la prochaine fois.**

Le silence s'étira entre nous, pesant.

Je savais qu'il disait la vérité.

Et le pire, c'est qu'une part de moi commençait à comprendre qu'il était peut-être mon seul espoir.Le silence dans l'appartement était oppressant. J'avais suivi Adrian, pas tant par choix que par nécessité. Son avertissement résonnait encore dans ma tête : **"Soit tu me suis maintenant, soit je t'emmène de force la prochaine fois."** J'avais voulu croire que je pouvais encore lui échapper, mais après ce qui s'était passé à la bibliothèque, je savais que c'était impossible.

            
            

COPYRIGHT(©) 2022