Chapitre 3 Chapitre 3

Je le regardai, assis nonchalamment sur le canapé, un verre d'alcool à la main. Il semblait parfaitement détendu, comme si ma présence ici n'était qu'une formalité. Moi, en revanche, j'étais debout, les bras croisés, la tension crispant chaque muscle de mon corps.

- **Tu vas m'expliquer maintenant ?**

Il leva les yeux vers moi, amusé.

- **Expliquer quoi ?**

- **Pourquoi tu t'accroches à moi comme ça. Pourquoi tu as décidé que ma vie t'appartenait.**

Il prit une gorgée de son verre avant de le poser sur la table basse.

- **Parce que c'est le cas.**

Mon cœur se serra.

- **Je ne suis pas un objet, Adrian. Tu n'as aucun droit sur moi.**

Son sourire s'effaça légèrement, et il se pencha en avant, posant ses coudes sur ses genoux.

- **Ton père m'en a donné un.**

Je fronçai les sourcils.

- **Quoi ?**

Il fit tourner le liquide ambré restant dans son verre, comme s'il pesait ses mots.

- **Ton père m'a laissé une dette de sang.**

Un frisson glacé remonta le long de ma colonne vertébrale.

- **C'est ridicule. Mon père n'aurait jamais...**

- **Tu crois tout savoir sur lui ?** coupa-t-il sèchement. **Tu crois qu'il était un simple homme d'affaires ? Qu'il a juste... disparu un jour sans raison ?**

Je serrai les poings.

- **Je sais qu'il n'était pas parfait. Mais ça ne veut pas dire qu'il t'appartenait.**

Adrian haussa un sourcil, visiblement diverti par ma colère.

- **Il ne m'appartenait pas. Mais il m'a fait une promesse. Et cette promesse, c'était toi.**

Le sol sembla se dérober sous mes pieds.

- **Tu mens.**

- **Vraiment ?** Il haussa légèrement les épaules. **Pourquoi crois-tu que ces hommes te poursuivent ? Pourquoi crois-tu que je suis le seul entre toi et une balle dans la tête ?**

J'ouvris la bouche pour protester, mais aucun son n'en sortit.

Il continua, implacable.

- **Ton père m'a trahi. Il m'a pris quelque chose d'inestimable. Et pour compenser... il t'a laissée en garantie.**

J'étais tétanisée.

- **C'est faux.**

Adrian se leva lentement et s'approcha de moi.

- **C'est la vérité. Que tu l'acceptes ou non, ça ne change rien.**

Je reculai instinctivement, mais il me suivit, réduisant la distance entre nous.

- **Mais je suis généreux. Je t'offre une chance de racheter sa dette.**

Je relevai la tête, défiant.

- **Et qu'est-ce que tu veux ?**

Un sourire s'étira sur ses lèvres.

- **Ta loyauté.**

Je suffoquai presque.

- **Ma... quoi ?**

- **Tu m'appartiens désormais. Pas comme une esclave, détends-toi. Mais ton avenir est à moi. Tes choix sont à moi. Tant que tu vis sous ma protection, tu fais ce que je te dis.**

Je sentis la panique monter en moi.

- **Il doit y avoir une autre solution.**

- **Oh, tu veux négocier ?** Il croisa les bras, faussement curieux. **Dis-moi, princesse, qu'as-tu à offrir ?**

Je réfléchis à toute vitesse. Il fallait que je trouve une faille. Une porte de sortie.

- **De l'argent.**

Il éclata de rire.

- **De l'argent ? Tu crois vraiment que je manque d'argent ?**

Je déglutis.

- **Des informations.**

Il pencha la tête sur le côté, intrigué.

- **Sur quoi ?**

- **Je... je peux trouver quelque chose d'utile pour toi. Quelque chose qui te permettrait d'oublier cette dette.**

Il s'approcha encore, si près que je pouvais sentir son souffle sur ma peau.

- **C'est mignon. Mais inutile.**

Je tentai de garder mon sang-froid.

- **Je suis prête à faire un marché.**

Son regard s'assombrit.

- **Tu n'as rien à marchander, Elena.**

C'était la première fois qu'il prononçait mon prénom. Il l'avait dit lentement, comme s'il goûtait chaque syllabe.

Je frissonnai.

- **Il y a toujours un choix.**

- **Pas cette fois.**

Il leva une main et effleura une mèche de mes cheveux avant de la replacer derrière mon oreille.

- **Tu crois que tu es encore libre, que tu peux te battre. Mais tu fais déjà partie de ce monde. Tu l'as toujours été.**

Ma respiration se fit plus courte.

- **Non.**

- **Si.**

Il recula légèrement, me laissant un mince espace pour respirer.

- **Je vais te laisser le temps de comprendre.**

Je le regardai, confuse.

- **Le temps de comprendre quoi ?**

Son sourire revint, mais il était plus sombre, plus dangereux.

- **Que tu n'as jamais eu d'autre destinée que celle-ci.**

Puis il tourna les talons et se dirigea vers la porte.

Avant de sortir, il ajouta :

- **Tu es à moi, Elena. Que tu l'acceptes maintenant ou plus tard, ça ne change rien.**

La porte claqua derrière lui.

Et moi, je restai seule avec cette vérité impossible à accepter.L'adrénaline tambourinait dans mes veines alors que je jetais un dernier coup d'œil par la fenêtre de ma chambre. La nuit était tombée depuis des heures, et le campus était plongé dans un calme presque oppressant. J'avais attendu ce moment avec impatience, analysé chaque détail, répété chaque geste dans ma tête. Il fallait que je parte. Maintenant.

Depuis la dernière visite d'Adrian, une certitude s'était gravée dans mon esprit : si je restais, je serais à jamais piégée dans son monde. Il prétendait être mon protecteur, mais il n'était rien d'autre qu'un geôlier dissimulé derrière un costume impeccable et un sourire carnassier.

J'avais vidé mon sac à dos de tout ce qui était superflu. Juste un peu d'argent en liquide, une fausse carte d'identité que j'avais trouvée grâce à une amie et un téléphone prépayé. Pas d'objets personnels. Rien qui puisse me trahir.

Je respirai profondément avant d'ouvrir la porte de ma chambre en retenant mon souffle. Chaque pas me semblait assourdissant dans le silence du couloir. Mes colocataires dormaient. Personne ne devait savoir.

Le campus avait plusieurs sorties, mais j'avais choisi la plus discrète : une petite porte de service derrière la bibliothèque. Si mon plan fonctionnait, d'ici quelques heures, je serais dans un bus pour une autre ville, un endroit où personne ne connaissait mon nom.

L'air frais de la nuit me gifla le visage lorsque je quittai enfin le dortoir. Mon cœur battait à tout rompre, mais je forçai mes jambes à continuer d'avancer. L'arrêt de bus n'était qu'à quelques rues.

Chaque pas me paraissait interminable. Je jetais des regards nerveux autour de moi, craignant de voir surgir une silhouette familière. Mais il n'y avait que des étudiants ivres qui riaient en s'éloignant des bars du centre-ville. Personne ne faisait attention à moi.

Lorsque le bus arriva, j'eus un instant d'hésitation. Et si Adrian avait prévu cette possibilité ? S'il m'attendait déjà au prochain arrêt ?

**Non.** Je ne pouvais pas laisser la peur me paralyser.

Je montai dans le bus et me faufilai à l'arrière, espérant disparaître dans la masse. Quelques passagers étaient dispersés ici et là, la plupart somnolant ou fixant leur téléphone.

Je regardai la ville défiler par la fenêtre, chaque bâtiment s'effaçant peu à peu derrière moi. Mon corps se détendit légèrement. J'avais réussi.

Ou du moins, c'est ce que je crus.

La sensation étrange d'être observée revint, me faisant frissonner. J'essayai d'ignorer l'angoisse, me répétant que c'était impossible. Adrian ne pouvait pas être partout.

Le bus s'arrêta à une station presque vide, en bordure de la ville. Je devais descendre ici pour prendre une correspondance.

Lorsque je mis un pied sur le trottoir, une brise glacée me fit frissonner. Je serrai les sangles de mon sac, accélérant le pas.

- **Tu croyais vraiment pouvoir m'échapper ?**

La voix était calme. Tranchante.

Mon sang se glaça.

Je pivotai lentement.

Adrian se tenait là, appuyé nonchalamment contre un lampadaire, les mains dans les poches de son manteau sombre. Il me regardait avec une expression indéchiffrable, un mélange de patience et d'agacement.

- **Comment... ?**

Je n'arrivais même pas à poser la question.

Son sourire s'élargit légèrement.

- **Je connais chacune de tes pensées, Elena. Tu pensais pouvoir partir sans laisser de trace ?** Il secoua la tête. **Tu as encore beaucoup à apprendre.**

Mon cœur battait si fort que j'avais l'impression qu'il allait exploser.

- **Tu n'as pas le droit de me retenir.**

Il haussa un sourcil, amusé.

- **Le droit ?**

En quelques pas, il fut devant moi, si proche que je dus lever la tête pour croiser son regard.

- **Ce n'est pas une question de droit, Elena. C'est une question de réalité. Et la réalité, c'est que tu es à moi.**

- **Je ne suis pas un objet !** explosai-je, reculant précipitamment.

Mais il attrapa mon poignet avant que je ne puisse fuir, serrant juste assez pour m'empêcher de me dégager.

- **Non, tu es bien plus précieuse qu'un simple objet. Et c'est justement pour ça que je ne te laisserai jamais disparaître.**

Je me débattis, mais il me tira vers lui avec une facilité déconcertante.

- **Lâche-moi, Adrian !**

Il soupira avant de m'attirer brusquement contre lui.

- **Je vais être clair une dernière fois.** Son souffle était chaud contre mon oreille, sa voix si basse qu'elle me fit frissonner. **Tu ne t'enfuis plus.**

Il n'attendit pas ma réponse.

Avant que je ne puisse protester, il me souleva sans effort et me hissa sur son épaule comme si je ne pesais rien.

- **Adrian ! Pose-moi !**

Je tambourinai contre son dos, me débattant de toutes mes forces.

- **Cesse de gigoter, sinon je te ligote aussi.**

Sa menace était lancée sur un ton tranquille, presque paresseux, mais je n'avais aucun doute sur le fait qu'il en était capable.

Je sentis un mouvement, puis une portière qui s'ouvrait.

- **Non... Non, je ne monterai pas dans cette voiture !**

- **Trop tard.**

Il me déposa sur la banquette arrière avant de refermer la portière. J'étais piégée.

Je lançai un regard furieux vers lui lorsqu'il s'installa à l'avant.

- **Tu ne peux pas faire ça.**

Il démarra la voiture, ses doigts tapotant distraitement le volant.

- **Je viens de le faire.**

Je me mordis la lèvre, tremblante de rage.

- **Tu ne peux pas me forcer à rester avec toi.**

Il tourna la tête vers moi, son regard sombre et pénétrant.

- **Qui a parlé de force ?**

Il fit une pause, puis ajouta :

- **Je vais simplement te montrer que tu n'as plus d'autre choix.**

La voiture s'éloigna lentement de la station.

Et je compris que ma fuite n'avait jamais été qu'une illusion.L'odeur du cuir et du bois ciré emplissait la voiture tandis que nous roulions dans un silence oppressant. Je regardais par la fenêtre, tentant de retenir chaque détail de la route. Mais plus nous avancions, plus le paysage devenait méconnaissable.

            
            

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