Chapitre 4 Chapitre 4

Cassiopée se réveilla en sursaut, le souffle court, le cœur battant à tout rompre.

Les images étaient encore gravées dans son esprit, aussi claires que si elles s'étaient imprimées dans sa chair : la forêt en flammes, les arbres éclatant sous l'impact des flammes, les triplés... Ses enfants... criant son nom, appelant à l'aide, leurs voix déformées par la peur et la douleur.

Elle se redressa brusquement, haletante, les mains tremblantes. La chambre était plongée dans l'obscurité, seule la lueur vacillante d'une bougie jetait une lumière morne sur les murs de pierre. Elle tourna la tête, cherchant Lysandre, qui se tenait dans un coin sombre, la silhouette massive et tendue comme un fil prêt à se rompre.

- *Lysandre...* Sa voix était faible, comme un souffle brisé.

Il se tourna lentement vers elle, les traits marqués par la même terreur qui défigurait son propre visage.

- *Tu l'as vu aussi, n'est-ce pas ?* demanda-t-il, sa voix rauque.

Elle acquiesça lentement.

- *Oui...* Elle se leva précipitamment, le regard perdu dans les ombres. *C'était eux. Je le sais.*

Les flammes, la chaleur, la peur dans leurs yeux. Les triplés... Leur souffrance. Tout était trop réel. Trop vivant.

Lysandre s'approcha, son regard profondément troublé.

- *Je ne comprends pas...* Sa voix tremblait, déchirée par l'incertitude. *Comment est-ce possible ?*

Cassiopée ferma les yeux un instant, essayant de chasser les images du rêve, mais elles restaient, fixées, comme une vérité à laquelle il était impossible d'échapper.

Elle frissonna.

- *Ils sont en danger, Lysandre.*

Il hocha la tête, son visage durci par la détermination.

- *Alors nous allons les sauver.*

Mais au fond de ses yeux, elle percevait une angoisse qu'il ne pouvait masquer.

Ils étaient liés, tous les trois, par ce qu'ils avaient partagé et perdu. Un lien de sang, d'âme, un lien qu'ils ne pouvaient plus ignorer, même dans les pires épreuves.

Elle tourna la tête lorsque la porte s'ouvrit brusquement.

Élodie entra, la silhouette souple et dangereuse, son regard encore marqué par les ombres de la nuit. Elle s'arrêta un instant, observant les deux loups qui se tenaient là, dans la lumière tremblante.

Cassiopée la scruta sans un mot. Il y avait toujours quelque chose d'étrange chez elle, une froideur qui ne pouvait pas être dissimulée.

- *C'est toi qui les as appelés, n'est-ce pas ?* dit Lysandre d'une voix tendue, son ton plus accusateur qu'il ne l'avait prévu.

Élodie ne réagit pas immédiatement. Elle s'avança, ses yeux s'éteignant légèrement dans la lumière vacillante.

- *Je...* Elle s'arrêta, cherchant ses mots. Puis, d'un geste, elle se jeta dans le vide de la confession. *Je n'avais pas le choix.*

Les mots flottèrent dans l'air.

Cassiopée, sur ses gardes, attendait la suite, consciente que chaque révélation en devenait plus dangereuse.

Élodie s'approcha lentement d'eux, sa voix plus faible, presque un murmure.

- *Je vous ai menti.* Elle s'arrêta, le regard fuyant, avant de poursuivre. *Tout ce que vous savez est faux. Je ne vous ai pas trahis. Je n'étais pas... ce que vous pensiez.*

Lysandre se raidit, un éclair de méfiance traversant ses yeux.

- *Qu'est-ce que tu veux dire ?* demanda-t-il, la voix glacée.

Élodie inspira profondément, comme si elle se préparait à un combat qu'elle ne pouvait plus éviter.

- *Le véritable responsable de tout ça...* Elle marqua une pause, cherchant une manière d'expliquer l'inexplicable. *C'est lui. C'est mon frère.*

Les mots tombèrent dans la pièce comme des pierres. Un frisson parcourut la peau de Cassiopée, une sensation de vertige immédiate, comme si le sol venait de céder sous ses pieds.

- *Ton frère ?* répéta Lysandre, son ton incrédule.

Élodie hocha lentement la tête, son regard se fixant au loin.

- *Il n'est pas mort. Il n'est jamais mort.*

Les bras de Cassiopée se tendirent, un frisson glacial la traversant. Tout à coup, les pièces du puzzle semblaient se mélanger dans un tourbillon de confusion.

- *Mais...* Elle peina à articuler, ne comprenant pas. *Si ton frère est... si tout ça est vrai, alors comment as-tu pu...*

Élodie se tourna alors vers eux, ses yeux brillants de larmes non versées.

- *Je n'avais pas le choix. Il m'a menacée. Il a manipulé tout le monde, y compris toi, Lysandre.* Sa voix se brisa presque sous le poids du poids du secret. *Il voulait te détruire. Il voulait te faire douter de toi, te faire croire que tu étais celui qui avait tout perdu...*

Elle s'arrêta un instant.

- *Il a manipulé chaque geste. Chaque parole.* Elle baissa la tête, honteuse. *Je n'ai fait que le suivre. Je pensais que je n'avais pas le choix. Mais il...*

Le nom de ce frère défiguré, réanimé par des secrets et des sombres manipulations, résonnait encore dans les esprits des deux loups.

La vérité venait d'éclater dans une lumière crue, impitoyable.

Mais avant qu'ils ne puissent en dire plus, un bruit sec fit écho dans la pièce, coupant l'atmosphère tendue.

Les trois se tournèrent.

Un cri perça la nuit.

Tristan.

Le loup était là, la silhouette déjà en fuite. Dans sa main, un paquet de documents.

- *Il a pris...* souffla Lysandre, ses yeux se fixant sur la forme qui s'éloignait.

- *Il a pris tout ce qu'il fallait.*

Cassiopée et Lysandre échangèrent un regard, puis foncèrent.

Les secrets de leur passé, les mystères sur les enfants, tout était en jeu désormais. Et Tristan... Tristan savait tout.

- *On le rattrape,* grogna Lysandre, un éclat de rage dans les yeux.

Cassiopée sentit son cœur battre plus fort, chaque battement résonnant comme un tambour de guerre dans ses oreilles. La traque était lancée.

Lysandre n'avait jamais voulu que ça se produise. Jamais. Mais parfois, même les plus grands désirs de contrôle se fracassent contre la réalité.

Ils étaient en plein combat, traquant Tristan, et tout était devenu flou. Le rythme effréné de leurs pas, les éclats de rage dans l'air, les échos de la quête qui les avaient poussés ici, dans cette ruelle sombre où la vérité semblait être une illusion aussi brumeuse que la brise de minuit.

Cassiopée, d'un mouvement furtif, évita une attaque de Lysandre, mais dans l'élan, elle se retrouva face à lui, trop proche. La rage qui brûlait dans les yeux de l'Alpha se mêla à une impulsion incontrôlable. Il mordit.

Un cri perça l'air. Celui de Cassiopée. Un cri qui résonna à travers son corps, une onde de douleur pure, brûlante, mais qui se transforma immédiatement en quelque chose de plus complexe. Quelque chose de plus puissant. Un lien qu'il n'avait jamais voulu réactiver, un lien qu'il pensait avoir perdu à tout jamais.

Il s'écarta précipitamment, la main déjà pressée contre la plaie qu'il venait de créer. Mais trop tard. Il avait rompu un pacte ancien, trop puissant pour être ignoré.

Cassiopée, haletante, s'éloigna de lui d'un pas incertain, son regard devenu lointain, comme si un voile de brume l'enveloppait. Puis, tout à coup, elle se figea.

Lysandre s'approcha lentement, la peur montant en lui, une peur nouvelle, qui n'avait rien à voir avec le combat ou les ennemis.

- *Cassiopée...* souffla-t-il, sa voix vibrante d'inquiétude. *Je ne voulais pas...*

Elle leva la main, le regard perdu dans un abîme qu'il n'aurait jamais cru possible.

- *Non...* Sa voix tremblait. *Ne t'inquiète pas. C'est... c'est nous.*

Elle ferma les yeux, comme si elle essayait d'assimiler ce qui venait de se produire. Lysandre sentit le lien, bien que fragile, se renforcer. Un lien d'âmes, celui qu'ils avaient jadis partagé et qu'il pensait déchiré à jamais, se formait à nouveau. Une connexion qui les unissait d'une manière qu'il n'aurait pas cru possible.

Les bruits du combat s'éteignirent, laissant place à une toute autre sensation, une sensation plus lourde. Ils étaient liés. Par-delà les mots, au-delà de la douleur. Ils étaient de nouveau un.

Il tendit une main hésitante, mais elle ne la repoussa pas. Ses yeux s'ouvrirent lentement, remplis d'une douleur qu'il connaissait trop bien. Ils avaient passé des années séparés, des années à fuir cette vérité. Mais il n'y avait plus de fuite possible.

Lysandre baissa la tête, les mots lui échappant. La seule chose qu'il pouvait faire maintenant était de rester là, d'être présent. De comprendre.

- *On va les retrouver, Cassiopée...* murmura-t-il. *On va retrouver nos enfants. Je te le promets.*

Elle hocha lentement la tête, mais son regard se perdit à nouveau dans le vide.

Ils étaient devenus des pions dans un jeu plus vaste, un jeu dont ils n'avaient pas encore vu l'étendue. Mais l'Alpha sentait au fond de lui que l'heure du combat venait de changer. Ce qu'il venait de découvrir n'était qu'un fragment de l'horreur qui se cachait derrière tout ça.

Il la regarda un instant, puis, avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, un cri résonna dans l'air. Cassiopée leva brusquement la tête. Il y avait un bruit lointain, comme un cri de guerre, et au fond de son esprit, une lueur d'avertissement apparut. Ce n'était pas fini.

Cassiopée se retourna, et sans un mot, elle se précipita dans la direction du bruit, Lysandre à ses côtés. Il savait qu'elle ne le laisserait pas partir seule. Même s'il avait réactivé ce lien qu'ils pensaient éteint, elle restait Cassiopée, la louve sauvage, la guerrière.

Ils arrivèrent rapidement sur une plateforme surélevée, un vieux pont de pierre qui enjambait un abîme sans fin. Là, dans les ténèbres, une silhouette se dressait. Il y avait quelque chose d'effrayant, d'étrange dans cette figure, un pouvoir ancien, une présence qui les figeait.

Cassiopée s'arrêta. Son cœur s'emballa, une peur glacée envahissant son corps. Un frisson la parcourut lorsqu'un éclat de lumière verte illumina la silhouette, et elle reconnut immédiatement l'identité de l'individu.

- *Corvus.* Sa voix était à peine un murmure.

Lysandre s'avança, prêt à tout, mais un choc électrique le stoppa dans son élan. Le regard de Cassiopée était dévasté.

- *Il... il est réel, Lysandre. Corvus... il est vivant.*

Les mots tombèrent dans le vide, lourds, accablants. Corvus, le frère mort de Lysandre, celui qu'il avait pleuré pendant des années, celui qui avait disparu dans les ténèbres. Mais il n'était pas mort. Il était ici. Et il avait tout manigancé depuis le début.

Corvus se tourna lentement vers eux, un sourire sinistre étirant ses lèvres.

- *Ah... Lysandre. Toujours aussi impressionnant...* Sa voix était glacée, presque douce, mais il y avait un ton de mépris sous-jacent. *Mais tu vois, tout ceci n'a été qu'un jeu. Et tu es trop lent à comprendre la partie.*

Lysandre serra les poings, un grondement menaçant émanant de sa gorge.

- *Pourquoi ?* hurla-t-il. *Pourquoi avoir manipulé tout ça ? Pourquoi nos enfants ?*

Le sourire de Corvus s'élargit, presque sadique.

- *Nos enfants ? Oh non, Lysandre. Pas nos enfants.* Il se pencha légèrement, comme pour mieux observer le visage de son frère. *Vous avez été trop naïfs. Vous ne voyez toujours pas ce que vous êtes vraiment. Vous n'êtes que des pions, tout comme moi.*

Il fit une pause, l'expression sur son visage se durcissant.

- *Il est temps de finir ce que nous avons commencé. Rendez-vous au Château des Ombres. Seule.*

Un frisson glacial traversa l'échine de Cassiopée. Elle savait que ce n'était pas une simple invitation. C'était un ordre. Et comme toujours, Corvus ne laissait aucune place à la discussion.

Le message était clair. Ils allaient devoir entrer dans son territoire, se soumettre à ses règles. Mais la question qui brûlait dans l'esprit de Lysandre et Cassiopée était la même : qu'attendait vraiment Corvus derrière les murs du Château des Ombres ?