Chapitre 3 Chapitre 3

Chapitre 3

Les alliances forcées ressemblaient à des couteaux à double tranchant : elles tenaient bon jusqu'au moment où l'un des deux décidait de s'enfoncer la lame dans le dos de l'autre.

Damian le savait. Sa meute aussi.

L'atmosphère était électrique dans la grande salle où ils s'étaient tous rassemblés. D'un côté, ses loups, silencieux mais alerte, l'instinct en alerte. De l'autre, Rachel et ses hommes, à l'aise en apparence, mais aussi dangereux que des fauves prêts à bondir.

Personne ne faisait confiance à personne.

Rachel se tenait assise au bout de la table, un verre à la main, son air nonchalant tranchant avec la tension dans la pièce.

« On pourrait au moins essayer d'être civilisés, non ? » lança-t-elle, brisant le silence.

Damian croisa les bras. « Civilisés, hein ? C'est toi qui as exécuté un de mes hommes sans prévenir. »

Elle haussa un sourcil, pas impressionnée. « Un traître. »

Connor, toujours aussi furieux depuis la mort de Lenny, tapa du poing sur la table. « Et si on décidait que certains des tiens sont des traîtres, on peut les éliminer aussi ? »

Le bras droit de Rachel, un colosse au regard froid, se tendit. « Tu peux essayer. Mais je te garantis que tu ne sortiras pas d'ici vivant. »

Damian leva une main, imposant le silence.

« On n'est pas là pour régler nos comptes. On est là pour ne pas se faire massacrer par plus gros que nous. »

Rachel sourit. « Voilà qui sonne un peu plus comme un discours d'Alpha. »

Il ignora la provocation et fixa l'assemblée. « Nos ennemis savent qu'on n'est pas unis. Ils vont essayer de nous diviser avant de frapper. On ne peut pas se permettre ce luxe. »

Un des hommes de Rachel, un certain Vito, ricana. « Parle pour toi, loup. Vous êtes peut-être habitués à suivre un chef aveuglément, mais nous... »

La porte s'ouvrit brusquement, coupant court à la conversation. Un des hommes de Rachel entra précipitamment, son souffle court.

« Boss... y a eu une attaque. »

Rachel posa lentement son verre, son regard s'assombrissant.

« Où ? »

« Le Paradise. Ils ont tout saccagé. Des blessés, des morts. »

Un frisson de rage parcourut l'assemblée. Le Paradise était l'un des clubs les plus rentables de Rachel, mais c'était aussi un centre névralgique pour ses affaires.

Damian n'eut pas besoin de poser la question. Il savait déjà.

« Magnus. »

Rachel le regarda, puis se leva lentement. « Je suppose que c'est ta façon de me dire 'je te l'avais bien dit' ? »

Il secoua la tête. « Non. C'est ma façon de dire qu'on n'a plus le choix. »

Elle sourit. « Enfin un peu d'enthousiasme. Allons botter quelques culs. »

***

L'odeur de sang était partout.

Rachel marchait parmi les ruines de son club, son regard glissant sur les corps de ses hommes. Certains étaient encore en vie, gémissant de douleur. D'autres ne bougeraient plus jamais.

Damian sentit la tension monter en elle avant même qu'elle ne parle.

« Magnus a signé son arrêt de mort. »

Il hocha la tête. « Il cherche à te pousser à bout. »

Elle serra les poings, sa respiration mesurée. « Il a réussi. »

Un de ses hommes s'approcha. « On a trouvé un des attaquants vivant. Il est attaché à l'arrière. »

Rachel se retourna vers Damian, une lueur cruelle dans les yeux.

« Tu veux jouer au gentil flic ou au méchant flic ? »

Il la fixa un instant, puis soupira. « On n'a pas le temps pour des conneries. Je pose une question. Il répond. S'il ment... tu fais ce que tu veux. »

Elle sourit, amusée. « Juste ce que je veux ? »

Il l'ignora et la suivit jusqu'à l'arrière du club.

Le prisonnier était un homme dans la trentaine, attaché à une chaise, du sang coulant de son arcade sourcilière. Il releva la tête en les voyant arriver et cracha du sang sur le sol.

« Vous êtes déjà morts. Vous le savez, hein ? »

Rachel dégaina son couteau d'un mouvement lent. « C'est marrant. J'allais dire la même chose. »

Damian s'accroupit devant l'homme, son regard glacial. « Magnus t'a envoyé pour quoi ? »

L'homme rit, un son rauque et douloureux. « Il voulait juste envoyer un message. »

Rachel passa lentement la lame sur la joue du prisonnier, traçant une fine ligne rouge.

« Moi aussi. »

L'homme grimaça, mais il tenait bon.

Damian haussa un sourcil. « Magnus t'a promis quoi en échange de ta loyauté ? »

L'homme cracha à nouveau. « Que je pourrais voir vos têtes au bout d'une pique. »

Rachel lui planta son couteau dans la main, le clouant à la chaise. Il hurla.

Elle se pencha, sa voix douce. « On dirait que Magnus n'a pas bien calculé son coup, alors. »

Damian poussa un soupir. « Putain, Sorrentino... »

Elle haussa les épaules. « T'as dit que je pouvais faire ce que je voulais. »

L'homme suffoquait, ses doigts crispés autour du couteau.

« D'accord ! » haleta-t-il. « Il... il prépare une autre attaque. Demain soir. Il veut raser tout ce qu'il me reste. »

Rachel lui tapota la joue. « C'était pas si compliqué, hein ? »

Damian se releva. « On va devoir le prendre de vitesse. »

Rachel le regarda avec un sourire féroce.

« Oh, crois-moi. Il ne verra rien venir. »

L'alliance forcée venait de trouver son premier test. Et Magnus allait en payer le prix.L'adrénaline vibrait encore dans l'air alors que Rachel essuyait distraitement le sang sur ses doigts. Le prisonnier était toujours là, haletant, tremblant, mais il n'avait plus rien à offrir.

« On en fait quoi ? » demanda-t-elle en haussant un sourcil vers Damian.

Il observa l'homme un instant avant de secouer la tête. « Il est foutu. Laisse-le en vie, et Magnus finira le boulot pour nous. »

Rachel eut un sourire en coin. « C'est presque cruel de ta part, Cross. »

« Juste réaliste. »

Elle fit un geste à l'un de ses hommes. « Larguez-le quelque part en ville. Que Magnus sache qu'on est au courant. »

Le prisonnier tenta un rire nerveux. « Vous êtes finis. »

Rachel s'approcha, se pencha vers lui et murmura contre son oreille. « Rappelle-moi qui est attaché, déjà ? »

Il ne répondit rien. Bonne décision.

Elle se redressa et se tourna vers Damian. « Alors, chef, c'est quoi le plan ? »

Il inspira profondément. « On devance Magnus. On frappe avant qu'il ne s'y attende. »

Elle croisa les bras, sceptique. « Tu crois vraiment qu'il ne s'y attend pas ? »

« Il s'attend à une réaction, pas à une contre-attaque immédiate. Il nous pense en train de panser nos plaies. On va lui montrer qu'on sait encore mordre. »

Rachel sourit lentement. « J'aime bien ça. »

Elle se tourna vers ses hommes. « On prend les armes. Cette nuit, on va rendre visite à Magnus. »

Les regards s'illuminèrent d'une lueur dangereuse. L'heure de la riposte avait sonné.

***

La nuit était lourde de tension quand ils approchèrent du repaire de Magnus.

Rachel et Damian marchaient côte à côte, une alliance encore hésitante, mais unie par une cause commune.

Les ombres se glissèrent entre les bâtiments, les hommes de Rachel et les loups de Damian avançant en silence. Ils n'étaient pas amis. Pas encore. Peut-être jamais. Mais ils avaient un ennemi commun, et pour l'instant, c'était tout ce qui comptait.

Damian sentit le changement avant qu'il ne devienne visible. L'odeur. L'électricité dans l'air.

« Ils nous attendent », murmura-t-il.

Rachel dégaina son arme avec un sourire féroce. « Parfait. »

La nuit explosa en chaos.

Les balles fusèrent, les loups grondèrent, les lames scintillèrent sous la lumière des lampadaires. Magnus avait placé des hommes en embuscade, mais ils n'avaient pas prévu l'agressivité de la riposte.

Damian sentit l'appel du loup, la rage primitive qui réclamait du sang. Il se jeta dans la mêlée, ses crocs déchirant chair et os, ses griffes traçant des lignes de douleur dans l'ennemi.

Rachel, elle, se frayait un chemin avec une précision glaciale. Chaque tir trouvait sa cible, chaque mouvement était calculé. Elle n'avait pas besoin de transformation pour être une prédatrice.

Ils atteignirent enfin la porte du bâtiment principal. Rachel fit sauter la serrure d'un coup de crosse et entra la première, Damian sur ses talons.

Et ils tombèrent nez à nez avec Magnus.

L'Alpha rival était installé derrière un bureau, l'air parfaitement calme, comme s'il les attendait depuis le début.

Il sourit.

« J'espérais que vous viendriez. »

La guerre venait de commencer.