Le premier chariot approchait. Au moment où il passa devant leur position, Darek leva le poing.
- Maintenant !
Les rebelles surgirent des ombres. Marcus, l'épée en main, se jeta sur le premier garde. L'homme eut à peine le temps de lever son arme avant que Marcus ne pare son coup et ne l'assomme d'un revers brutal. Autour de lui, le combat éclata dans un chaos de cris et d'acier.
Un soldat chargea vers lui, une lance pointée droit sur son torse. Marcus esquiva de justesse et attrapa la hampe de l'arme avant de tirer son adversaire vers lui. Un coup bien placé le mit hors d'état de nuire.
Les rebelles prenaient l'avantage. Un à un, les soldats du roi tombaient sous leurs assauts. En quelques minutes, tout était fini. Le dernier garde gisait inconscient, et les rebelles s'emparaient déjà du contenu des chariots.
Darek s'approcha de Marcus, essoufflé mais souriant.
- Pas mal, prince.
Marcus rengaina son épée.
- J'ai appris des meilleurs.
Darek lui donna une tape sur l'épaule avant de se tourner vers Orlan.
- Tu avais raison. Il a du sang royal, mais il sait aussi se battre comme un vrai guerrier.
Un éclat de fierté traversa Marcus. Pour la première fois, il sentait qu'il faisait réellement partie de cette rébellion.
Mais alors qu'ils chargeaient les vivres dans leurs propres chariots, un des rebelles revint en courant, le visage blême.
- Marcus... Tu dois voir ça.
Intrigué, il suivit l'homme jusqu'au dernier chariot. Lorsqu'il ouvrit la bâche, son souffle se coupa.
À l'intérieur, enfermés dans une cage de fer, des hommes et des femmes au visage marqué par la fatigue et la peur se recroquevillaient les uns contre les autres.
- Ce ne sont pas des prisonniers ordinaires, souffla le rebelle. Ce sont des exilés.
Le cœur de Marcus rata un battement.
- Des exilés ?
Il s'accroupit près de la cage, ses yeux parcourant les visages, cherchant...
Jusqu'à ce qu'il tombe sur un regard familier.
Une femme, plus âgée qu'il ne l'aurait imaginée, mais dont les traits lui rappelaient son enfance.
Ses lèvres tremblèrent.
- Tante...
L'expression de la femme changea, passant de la peur à l'incrédulité.
- Marcus ?
Il sentit un nœud se former dans sa gorge.
- C'est moi...
Des larmes roulèrent sur les joues de la femme alors qu'elle tendait une main à travers les barreaux. Marcus l'attrapa, serrant sa paume avec force.
- Nous pensions que tu étais mort...
- Moi aussi, murmura-t-il. Mais je suis là. Et je vais nous ramener chez nous.
Elias s'approcha, observant la scène avec sérieux.
- On doit les sortir de là avant que d'autres soldats n'arrivent.
Marcus hocha la tête, essuyant rapidement ses yeux.
- Brisez cette cage. Emmenons-les avec nous.
Les rebelles s'activèrent, libérant les prisonniers. Marcus aida sa tante à descendre du chariot, la tenant fermement.
Alors qu'ils prenaient la route du retour vers leur cachette, il jeta un dernier regard au ciel étoilé.
Il était sur la bonne voie. Son peuple l'acceptait. Sa famille était encore en vie.
Et bientôt, il reprendrait ce qui lui revenait de droit.Les torches illuminaient la grande salle du palais, projetant des ombres menaçantes sur les murs de pierre froide. Assis sur un trône d'or volé, le roi usurpateur, Aldric, écoutait le rapport d'un de ses espions. Son visage, marqué par les années de règne sans pitié, se tordit de colère à mesure qu'il assimilait les nouvelles.
- Répète.
Le messager, un homme maigre à la peau tannée par la vie de l'ombre, baissa la tête en signe de soumission.
- Marcus est vivant, mon roi. Il s'est allié à la rébellion et a participé à l'attaque du convoi hier soir.
Aldric serra les poings sur les accoudoirs de son trône.
- Impossible...
Le messager hocha la tête.
- Nous avons des témoins. Il a été vu en train de combattre aux côtés des rebelles. Et pire encore... Il a retrouvé certains membres de sa famille parmi les prisonniers.
Aldric sentit un frisson de rage lui parcourir l'échine. Marcus n'était qu'un enfant quand il l'avait fait exiler. Il aurait dû mourir en terre étrangère, disparaître comme un fantôme du passé. Et maintenant, il osait revenir, chercher à reprendre ce qui lui avait été arraché ?
Il frappa du poing sur la table, faisant sursauter les conseillers silencieux autour de lui.
- Si cette vermine pense pouvoir me défier, il est plus stupide que je ne le croyais.
Il se tourna vers un homme en armure sombre, debout dans un coin de la salle.
- Envoie les Fils du Fer.
Un murmure parcourut la pièce. Les Fils du Fer étaient les plus impitoyables des mercenaires du royaume, des chasseurs de sang qui ne laissaient jamais une cible en vie.
L'homme s'inclina légèrement.
- Ils partiront à l'aube, mon roi.
Aldric sourit, mais ce n'était qu'un rictus cruel.
- Alors d'ici la prochaine lune, Marcus ne sera plus qu'un cadavre oublié.
***
La fraîcheur du matin enveloppait encore la cachette de la résistance. Dans la grotte où ils s'étaient établis, Marcus observait sa tante endormie près du feu. La veille avait été éprouvante pour elle et les autres exilés libérés. Mais maintenant qu'ils étaient ici, en sécurité, un semblant de sérénité semblait avoir gagné leurs traits fatigués.
Elias, assis à quelques pas de lui, affûtait son épée d'un geste mécanique.
- Tu ne dors pas ? demanda-t-il sans lever les yeux.
Marcus haussa les épaules.
- Trop de choses en tête.
- Je comprends. Mais tu vas avoir besoin de toutes tes forces si tu veux continuer ce combat.
Marcus esquissa un léger sourire. Elias avait toujours ce ton pragmatique, mais derrière son masque de guerrier, Marcus savait qu'il se souciait de lui.
Il s'apprêtait à répondre quand un cri résonna à l'entrée de la grotte.
- À couvert !
Le sol trembla sous les pas précipités des rebelles. Un sifflement fendit l'air. Marcus eut juste le temps de tirer Elias en arrière avant qu'une flèche ne se fiche dans la pierre à l'endroit où il se tenait une seconde plus tôt.
- À l'attaque ! hurla une voix rauque.
Des silhouettes en armure noire déferlèrent dans la grotte comme des ombres meurtrières. Les Fils du Fer.
L'épée de Marcus sortit de son fourreau dans un claquement sec. Il para un premier coup et riposta aussitôt, transperçant l'assaillant devant lui. Autour de lui, le combat faisait rage.
Elias s'élança à ses côtés, sa lame dansant sous la lueur des torches.
- On est tombés dans un piège !
Marcus enfonça son épaule dans un mercenaire, le repoussant avant de lui asséner un coup fatal.
- On doit sortir d'ici !
Les rebelles se regroupaient autour de lui, repoussant l'ennemi avec l'énergie du désespoir. Mais les mercenaires étaient bien entraînés, et leur nombre semblait illimité.
Un hurlement déchira l'air. Marcus tourna la tête juste à temps pour voir Darek, le chef rebelle, tomber sous la lame d'un Fils du Fer.
- Non !
Il se précipita, mais un bras l'attrapa violemment et le tira en arrière. Elias.
- On ne peut pas sauver tout le monde !
Marcus voulut protester, mais il savait qu'il avait raison.
Orlan apparut près d'eux, le visage couvert de sueur.
- Il y a un tunnel de sortie, derrière la grotte !
- Guide-les ! Je vais couvrir la retraite ! cria Marcus.
Elias hésita une seconde, mais acquiesça.
- Ne meurs pas, gamin.
Puis il disparut avec Orlan et les survivants, tandis que Marcus se retournait pour faire face à l'ennemi.
Les mercenaires avancèrent en cercle autour de lui, lames dégainées. Leur chef, un colosse au crâne rasé, sourit d'un air carnassier.
- L'héritier en personne. Tu as survécu longtemps... mais c'est fini.
Marcus serra les dents.
- Venez me chercher.
Le colosse attaqua le premier, rapide malgré sa carrure. Marcus para le coup de justesse, reculant d'un pas. Un deuxième mercenaire se jeta sur lui. Il esquiva, pivota, et planta sa lame dans la jointure de son armure. L'homme s'effondra en poussant un râle.
Mais ils étaient trop nombreux.
Un coup violent lui fit perdre l'équilibre. Il sentit un choc contre sa tête et sa vision se brouilla.
Il allait mourir ici.
Non.
Pas maintenant.
Dans un dernier effort, il roula sur le côté, évitant une lame qui s'abattait sur lui. Puis il vit une ouverture.
Un pan de la grotte s'ouvrait sur un précipice. Une chute abrupte, mais une chance de s'en sortir.
Il n'avait pas le choix.
Avec une ultime impulsion, il se jeta dans le vide.
Le vent hurlait à ses oreilles alors qu'il tombait.
Puis, soudain, l'eau glacée le happa.
Tout devint noir.L'eau glacée engouffra Marcus dans ses abysses, enveloppant son corps d'un froid mordant. Le courant, puissant, le tira violemment vers l'aval. Il lutta pour garder la tête hors de l'eau, mais la rivière était traîtresse, parsemée de rochers tranchants qui menaçaient de l'écraser à chaque instant. Son souffle se fit court, ses muscles crièrent grâce. Puis, soudain, il sentit le sol sous lui.
Le choc fut brutal. Il roula sur la rive boueuse, crachant de l'eau et haletant, les poumons en feu. Pendant un instant, il ne bougea pas. Tout son corps était endolori, mais il était vivant.
Un bruissement dans les fourrés le fit sursauter. Il attrapa son poignard, prêt à se défendre, mais une silhouette émergea lentement de l'ombre des arbres.
Une femme.
Elle était drapée dans une cape de voyage brodée de fils d'argent, son capuchon relevé cachant en partie son visage. Mais lorsqu'elle s'approcha, la lune éclaira son regard : perçant, intelligent, et étrangement familier.
- Vous devriez éviter de vous jeter des falaises, murmura-t-elle d'une voix calme.
Marcus la fixa, méfiant.
- Qui êtes-vous ?
Elle abaissa légèrement son capuchon, révélant des traits fins et aristocratiques.
- Je suis la princesse Elena de Valoria.