- C'était une simple conversation.
- Une conversation très intime, semble-t-il.
Il s'arrêta juste devant elle, sa présence imposante la forçant à lever les yeux.
- Dis-moi la vérité, Lisa.
Elle ravala difficilement sa peur.
- Julien est juste l'avocat de mon père. Rien de plus.
Un silence pesant s'installa. Puis, lentement, Enzo esquissa un sourire froid.
- J'espère pour toi que c'est vrai.
Il effleura son menton du bout des doigts avant de reculer.
- Nous nous marions bientôt, Lisa. Il est temps que tu l'acceptes.
Elle resta immobile tandis qu'il quittait la pièce, son cœur battant violemment.
Elle devait trouver un moyen de s'en sortir.
Avant qu'il ne soit trop tard.Julien ne dormit pas cette nuit-là. Il tourna en rond dans sa chambre d'hôtel, le regard perdu sur les lumières de la ville à travers la fenêtre. Les mots de Moretti résonnaient encore dans son esprit. **"Lisa n'a pas le luxe du choix."**
Tout en lui refusait d'accepter cette idée. Lisa n'était pas une marchandise à échanger pour renforcer une alliance. Elle méritait mieux. Mais elle semblait s'être résignée à ce destin. Pourquoi ?
Il devait en avoir le cœur net.
Tôt le matin, avant même que la villa ne s'éveille complètement, il prit sa voiture et roula jusqu'à la demeure des Moretti. Il savait que ce n'était pas une bonne idée, que c'était risqué, mais il s'en moquait. Il devait lui parler, comprendre ce qu'elle ressentait réellement.
Il gara la voiture à bonne distance et marcha jusqu'au portail. À cette heure-là, peu de gardes étaient postés à l'extérieur. Il trouva un passage sur le côté, longea le mur d'enceinte et entra discrètement dans le jardin.
Le silence régnait. Seul le chant des oiseaux brisait la tranquillité du matin. Il savait exactement où aller.
La chambre de Lisa était située à l'étage, mais elle avait un accès à une petite terrasse privée qui donnait sur le jardin. Il se faufila jusqu'à l'endroit et leva les yeux. Elle était là.
Lisa se tenait sur la terrasse, vêtue d'une robe légère, les cheveux défaits. Elle n'avait pas l'air d'avoir dormi non plus.
Quand elle aperçut Julien, elle eut un mouvement de recul, puis s'approcha lentement.
- Julien... qu'est-ce que tu fais ici ? murmura-t-elle, le regard inquiet.
- J'avais besoin de te voir.
Elle baissa la tête, comme si elle redoutait cette conversation.
- Ce n'est pas prudent. Si mon père ou Enzo te voient...
- Je m'en fiche, coupa-t-il. Je veux des réponses, Lisa.
Elle se mordit la lèvre, puis soupira avant de s'accouder à la balustrade.
- Il n'y a rien à dire, Julien.
- Ne me mens pas.
Elle releva brusquement la tête, surprise par l'intensité de son ton. Il continua, plus doucement :
- Ce que j'ai vu dans tes yeux ce soir-là, au gala... Ce que j'ai ressenti quand on s'est retrouvés ici... Ce n'est pas rien. Et tu le sais.
Elle détourna le regard, mais il vit ses doigts trembler légèrement sur la pierre froide.
- Ça ne change rien, Julien.
Il s'approcha un peu plus, parlant d'une voix plus basse, plus intime.
- Dis-moi que tu ne ressens rien pour moi. Regarde-moi dans les yeux et dis-le.
Elle ferma les paupières, comme si elle voulait fuir cette question.
- Je...
Sa voix se brisa.
Julien sentit un frisson parcourir son dos.
- Lisa...
Elle rouvrit les yeux, brillants d'émotion, et dans un souffle presque inaudible, elle lâcha :
- Je t'aime, Julien.
Son cœur explosa dans sa poitrine. Il n'eut pas le temps de répondre qu'elle s'était détournée brusquement, comme effrayée par ses propres mots.
- Mais ça ne change rien, murmura-t-elle.
- Bien sûr que si, ça change tout.
Il monta d'un geste rapide sur le rebord en pierre et se hissa sur la terrasse. Elle recula légèrement, surprise, mais il s'approcha sans hésiter.
- Julien... tu ne devrais pas...
Il posa doucement ses mains sur ses bras, la forçant à lui faire face.
- Regarde-moi.
Elle leva les yeux, et il y vit tout ce qu'elle essayait de cacher : la peur, le désir, l'amour, l'impuissance.
- Je ne peux pas t'aimer, chuchota-t-elle.
- Tu n'as pas le choix, Lisa.
Il se pencha lentement, laissant le temps s'étirer entre eux, comme suspendu. Et enfin, il captura ses lèvres.
Le baiser fut doux, hésitant d'abord, puis plus intense. Elle répondit, comme si elle avait attendu ce moment depuis toujours. Ses doigts s'agrippèrent à sa chemise, le rapprochant davantage.
Mais soudain, elle recula, le souffle court.
- Julien... on ne peut pas...
Il caressa doucement sa joue, le regard brûlant.
- On trouvera un moyen.
Elle ferma les yeux, savourant son contact une dernière fois avant de murmurer :
- J'espère.
Mais au fond d'elle, elle savait que leur amour venait de signer leur perte.Julien se sentait encore enivré par le baiser échangé avec Lisa lorsqu'il quitta discrètement la villa. Il savait qu'il jouait un jeu dangereux, mais il s'en fichait. Elle l'aimait. Elle l'avait dit. Peu importe les obstacles, il trouverait un moyen de la sortir de cette vie.
Ce qu'il ignorait, c'était qu'ils n'étaient pas aussi discrets qu'ils le croyaient.
Dans l'ombre d'un couloir, Enzo avait tout vu.
***
Le lendemain, Julien était dans son bureau, tentant de se concentrer sur les dossiers empilés devant lui, mais son esprit était ailleurs. Chaque fois qu'il fermait les yeux, il revoyait Lisa, sentait la douceur de ses lèvres, entendait le tremblement dans sa voix lorsqu'elle lui avait avoué ses sentiments.
Il était plongé dans ses pensées lorsqu'un bruit attira son attention. Quelqu'un venait d'entrer dans son bureau sans frapper.
Il releva la tête et son estomac se noua en découvrant Enzo debout devant lui.
L'homme referma lentement la porte derrière lui avant de s'installer sans y avoir été invité. Son sourire froid ne présageait rien de bon.
- Julien, lança-t-il d'une voix presque amicale. Je me suis dit qu'on devrait parler.
Julien garda un visage impassible, mais son instinct lui disait de rester sur ses gardes.
- De quoi veux-tu parler ?
Enzo croisa les jambes, posant son bras négligemment sur le dossier du fauteuil.
- De Lisa.
Le cœur de Julien manqua un battement, mais il ne laissa rien paraître.
- Lisa ?
Enzo eut un léger rire.
- Ne joue pas au plus malin avec moi.
Il s'adossa un peu plus, son regard perçant.
- Je sais ce qui se passe entre vous.
Julien soutint son regard sans broncher.
- Il ne se passe rien.
- Vraiment ? fit Enzo en haussant un sourcil. Parce que ce matin encore, j'aurais juré t'avoir vu quitter la villa en douce.
Julien sentit une goutte de sueur froide couler le long de sa nuque, mais il resta impassible.
- J'ai un contrat avec Moretti. Il est normal que je sois présent à la villa.
Enzo hocha la tête lentement, comme s'il réfléchissait.
- Bien sûr. Tu fais juste ton travail. Rien de plus.
Il se leva alors et s'approcha du bureau, posant une main sur le bois verni.
- Mais tu vois, Julien, j'ai un problème.
Il marqua une pause, puis planta ses yeux sombres dans ceux de Julien.
- Lisa est ma fiancée. Et je n'aime pas qu'on touche à ce qui m'appartient.
Julien sentit une colère sourde monter en lui, mais il se força à rester calme.
- Lisa n'est pas un objet.
Le sourire d'Enzo s'effaça légèrement.
- Non, bien sûr. Mais elle m'est promise, et dans notre monde, ça signifie quelque chose.
Julien ne répondit pas.
Enzo reprit, sa voix plus basse, plus menaçante.
- Je vais être très clair. Si jamais je te surprends encore une fois à roder autour d'elle, ça ne se passera pas bien pour toi.
Julien se raidit, mais Enzo se contenta de lui tapoter l'épaule avant de se redresser.
- Passe une bonne journée, Maître Julien.
Puis il tourna les talons et sortit du bureau, laissant derrière lui une tension suffocante.
Julien s'adossa à son fauteuil, sentant pour la première fois que la partie venait de prendre une tournure dangereuse.Les jours suivants furent un tourbillon. Après leur rencontre furtive dans la villa, Lisa et Julien avaient décidé qu'ils ne pouvaient plus se voir ouvertement, du moins pas dans l'immédiat. Le danger était trop grand, et Enzo, avec son regard froid et sa vigilance constante, n'était jamais bien loin. Pourtant, quelque chose de puissant les poussait à défier le monde qui les séparait. Ils se retrouvaient en secret, souvent dans des endroits discrets, des cafés isolés ou des jardins publics, là où personne ne pouvait les observer. Leur amour grandissait à chaque instant, nourri par le désir et la peur.
Les premières fois, c'était Lisa qui avait peur, tremblante à l'idée d'être découverte, mais Julien savait la rassurer, posant ses mains sur ses épaules, lui murmurant des mots tendres pour calmer les battements précipités de son cœur. Ils savaient que chaque baiser volé, chaque regard échangé sous la table, n'étaient que des moments volés au monde, comme des rêves fugaces. Mais ils les savouraient, tous, intensément.
Julien la regardait souvent, fasciné par sa beauté, mais aussi par cette lueur de défi qui brillait dans ses yeux. Elle était un défi en soi, un mystère qu'il voulait percer, une énigme pleine de contradictions. Parfois, elle semblait résignée, presque brisée par le poids de sa situation, mais à d'autres moments, elle faisait preuve d'une force de caractère qu'il n'aurait jamais imaginée. Elle ne se laissait pas abattre, même si, dans son regard, il pouvait voir les chaînes invisibles qui la retenaient captive.
- Julien... commença-t-elle un jour alors qu'ils s'étaient retrouvés dans un parc désert, leurs mains entrelacées. Tu sais ce que je ressens... mais... je ne peux pas continuer à vivre ainsi, dans le secret.