Mais ce n'était pas la sienne.
Et elle devait oublier.Le bureau de Julien était plongé dans une lumière tamisée lorsque son téléphone vibra sur son bureau. Il jeta un coup d'œil distrait à l'écran avant de voir le nom de son supérieur s'afficher.
- Julien, passe dans mon bureau, maintenant.
Le ton était sec, autoritaire, ce qui ne laissait présager rien de bon. Il raccrocha et prit une profonde inspiration avant de se lever. Depuis quelques jours, il était distrait, préoccupé. Lisa hantait ses pensées comme une ombre insaisissable. Il se sentait stupide de s'attarder sur une femme qu'il n'avait croisée qu'une seule fois. Une femme qui, en plus, était fiancée.
Il traversa le couloir en ajustant machinalement sa cravate, tentant de remettre de l'ordre dans ses pensées. Lorsqu'il entra dans le bureau de son patron, celui-ci était assis derrière un immense bureau en acajou, les mains croisées devant lui, son regard acéré braqué sur Julien.
- Ferme la porte, ordonna-t-il.
Julien obéit, son esprit déjà en train d'analyser la situation.
- Je suppose que tu sais pourquoi je t'ai convoqué, reprit son patron.
- Pas encore, mais je sens que ça va me plaire.
Un sourire en coin apparut sur le visage de l'homme, mais il s'effaça aussi vite qu'il était venu. Il prit un dossier sur son bureau et le fit glisser vers Julien.
- Lis ça.
Julien attrapa le dossier et l'ouvrit. Le nom en première page lui fit immédiatement froncer les sourcils.
**Marco Moretti.**
Son sang se glaça.
- C'est une blague ? lâcha-t-il en relevant les yeux.
- Non. Marco Moretti a besoin d'un avocat. Et pas n'importe lequel. Il veut le meilleur.
Julien sentit une vague d'adrénaline parcourir son corps. Défendre un client comme Moretti, c'était jouer avec le feu. Tout le monde savait qui il était réellement. Son empire s'étendait bien au-delà de ses affaires officielles. Il régnait sur un réseau puissant, influent, intouchable.
- Pourquoi moi ? demanda Julien d'une voix plus posée.
- Parce que tu es talentueux. Et parce que Moretti t'a choisi.
Cette phrase résonna étrangement en lui.
- Il me connaît ?
- Il connaît tout le monde, Julien.
Un frisson le parcourut. C'était logique. Un homme comme Moretti n'engageait jamais quelqu'un sans s'être renseigné au préalable. Il devait savoir où Julien travaillait, où il vivait, peut-être même des détails plus personnels.
- Quelle est l'affaire ? demanda-t-il en feuilletant rapidement les pages du dossier.
- Rien d'inhabituel pour lui. Blanchiment d'argent, détournement de fonds, corruption. On doit s'assurer qu'il sorte blanc comme neige.
Julien referma lentement le dossier et le reposa sur le bureau.
- Et si je refuse ?
Son patron arqua un sourcil.
- Ce n'est pas une option.
Un silence pesant s'installa. Julien savait qu'il n'avait pas vraiment le choix. S'opposer à Moretti, c'était s'attirer des ennuis qu'il ne voulait même pas imaginer.
- Très bien, souffla-t-il. Quand a lieu la première rencontre ?
- Ce soir. Sa villa.
Julien hocha lentement la tête.
Il sortit du bureau, le dossier toujours en main, une étrange sensation dans l'estomac. Il savait qu'il allait entrer dans un monde dont on ne sortait pas indemne.
La nuit était tombée lorsqu'il arriva devant la demeure de Moretti. Une immense propriété, perchée sur les hauteurs, surplombant la ville avec une arrogance évidente. De grandes grilles noires s'ouvrirent lentement devant lui lorsqu'il s'annonça, et il pénétra dans l'enceinte sous le regard impassible de deux gardes armés.
La villa elle-même était un chef-d'œuvre d'architecture, mélangeant le moderne et le classique avec une élégance calculée. Mais derrière cette façade luxueuse, Julien savait qu'il n'y avait que pouvoir et violence.
Un majordome l'accueillit et l'invita à le suivre à travers de longs couloirs richement décorés.
- Monsieur Moretti vous attend dans son bureau, déclara-t-il d'une voix neutre.
Julien inspira profondément et entra.
La pièce était vaste, luxueuse, mais ce fut l'homme assis derrière le bureau qui capta immédiatement son attention. Marco Moretti. Grand, imposant, vêtu d'un costume parfaitement taillé. Ses cheveux grisonnants et son regard perçant lui donnaient une aura intimidante.
- Julien, dit-il d'une voix calme, presque amicale. Asseyez-vous.
Julien obéit, posant son dossier devant lui.
- Vous savez pourquoi vous êtes là, reprit Moretti.
- Oui.
Le silence s'étira, lourd, pesant.
- J'ai entendu beaucoup de bien de vous, continua Moretti en croisant les mains devant lui. Vous êtes un homme intelligent.
- Merci.
- Je ne travaille qu'avec des hommes intelligents. C'est pour ça que vous êtes ici.
Julien garda le silence. Il savait que Moretti testait ses réactions.
- Cette affaire doit disparaître, continua le mafieux d'un ton plus sérieux. Je suis certain que vous en êtes capable.
- Je ferai tout ce qui est légalement possible, répondit Julien, choisissant soigneusement ses mots.
Un sourire s'étira sur les lèvres de Moretti.
- Le légal a toujours une marge d'interprétation, non ?
Julien ne répondit pas. Il sentait que le moindre mot de travers pouvait être une erreur.
- Une dernière chose, ajouta Moretti en se levant lentement.
Il se tourna vers l'escalier qui menait à l'étage.
- Ma fille va descendre.
Julien sentit son cœur s'arrêter une seconde.
Il vit d'abord les talons élégants, puis la silhouette gracieuse qui descendait lentement les marches. Son souffle se coupa.
Lisa.
Elle s'arrêta en bas des escaliers, figée en le voyant.
Le regard de Moretti passa de sa fille à Julien, et un sourire subtil s'étira sur son visage.
- Vous vous connaissez déjà ?
Julien croisa le regard de Lisa, une étincelle troublée dans ses yeux.
Et il comprit que cette histoire allait être bien plus compliquée qu'il ne l'avait imaginé.Julien gara sa voiture devant l'immense portail en fer forgé de la villa Moretti. L'endroit respirait la puissance et l'exclusivité, un domaine où seuls les élus pouvaient pénétrer. Une caméra fixée sur un pilier tourna lentement vers lui, l'observant comme un œil inquisiteur. Quelques secondes plus tard, les lourdes grilles s'ouvrirent dans un silence presque solennel.
Il avança lentement sur l'allée parfaitement entretenue, bordée de palmiers majestueux et de statues en marbre. L'endroit dégageait une opulence calculée, un luxe qui n'avait rien d'ostentatoire mais qui imposait le respect. Il coupa le moteur et inspira profondément avant de sortir de la voiture.
Deux hommes en costume sombre attendaient près de l'entrée, impassibles, leurs épaules carrées trahissant une carrure forgée par des années de service dans l'ombre. L'un d'eux ouvrit la porte sans un mot, l'invitant à entrer.
L'intérieur de la villa était à l'image de son propriétaire : raffiné, puissant, mais froid. Un sol en marbre poli reflétait la lumière des lustres en cristal suspendus au plafond. De larges tableaux aux couleurs sombres ornaient les murs, probablement des pièces de collection inestimables.
- Monsieur Moretti vous attend dans son bureau, déclara l'un des gardes d'un ton neutre.
Julien hocha la tête et le suivit à travers un couloir aux portes imposantes. Son cœur battait légèrement plus vite qu'il ne l'aurait voulu. Ce n'était pas la première fois qu'il défendait des clients aux affaires troubles, mais Marco Moretti appartenait à une toute autre catégorie. Il n'était pas simplement un homme influent. Il était une légende dans les milieux où l'on murmurait son nom avec un mélange de respect et de crainte.
Le garde s'arrêta devant une porte en bois massif et frappa deux coups avant d'entrer.
- L'avocat est là, annonça-t-il.
- Faites-le entrer.
Julien pénétra dans la pièce, une vaste bibliothèque au parfum de cuir et de cigare. Des étagères remplies de livres anciens couvraient les murs, et un imposant bureau en bois sombre trônait au centre de la pièce. Derrière, Marco Moretti était assis dans un fauteuil en velours, vêtu d'un costume impeccablement taillé.
L'homme leva les yeux vers lui et un sourire imperceptible passa sur son visage.
- Julien, dit-il en inclinant légèrement la tête. Asseyez-vous.
Julien s'exécuta, posant son dossier sur ses genoux.
- Vous savez pourquoi vous êtes ici, reprit Moretti en croisant les doigts devant lui.
- Votre dossier est complexe, mais rien d'insurmontable, répondit Julien d'un ton maîtrisé.
Moretti le fixa un instant, comme s'il jaugeait la sincérité de ses paroles. Puis il se leva et marcha lentement vers une étagère, effleurant du bout des doigts la reliure d'un livre.
- Je n'aime pas les complications, monsieur Laurent. C'est pour cela que j'engage des gens compétents.
- Je suis ici pour ça.
- Bien.
Moretti revint vers son bureau et posa ses deux mains à plat sur le bois.
- Cette affaire doit disparaître. Je ne veux pas de procès, pas de médiatisation. Vous comprenez ?
Julien hocha lentement la tête.
- J'ai déjà étudié les accusations. Nous avons plusieurs options. Certains témoins sont peu fiables, d'autres pourraient... être convaincus de garder le silence.
Un sourire étira légèrement les lèvres du mafieux.
- J'aime votre façon de penser.
Le silence s'installa quelques secondes. Julien sentit l'odeur légère du cigare que Moretti avait dû fumer avant son arrivée.
Puis, un bruit léger résonna dans la pièce. Des pas.
Il tourna la tête vers l'escalier qui menait à l'étage, et son cœur rata un battement.
Lisa.
Elle descendait lentement, vêtue d'une robe fluide couleur ivoire qui contrastait avec ses cheveux blonds tombant en cascade sur ses épaules. Ses yeux bleus croisèrent les siens, et il y lut la même stupeur que celle qui venait de le traverser.
Moretti remarqua immédiatement leur réaction.
- Vous vous connaissez déjà ? demanda-t-il avec une pointe d'amusement.
Lisa détourna rapidement le regard et termina sa descente avec une grâce naturelle.
- Nous nous sommes croisés, répondit-elle d'une voix douce mais maîtrisée.
Julien ravala difficilement sa surprise. Elle n'avait pas menti, mais elle n'avait rien dit de leur soirée non plus.
- Lisa, viens dire bonjour à notre invité, insista son père.
Elle s'approcha lentement, chaque pas résonnant comme un battement de tambour dans la tête de Julien. Lorsqu'elle arriva près de lui, elle esquissa un léger sourire poli.
- Enchantée de vous revoir, Julien.
Le simple fait d'entendre son prénom prononcé par elle suffit à lui serrer la poitrine.
- Moi de même, répondit-il en tentant de masquer son trouble.
Moretti observa la scène avec un intérêt à peine dissimulé.
- Lisa est très précieuse à mes yeux, déclara-t-il en la regardant. Son avenir est déjà tracé.
Julien comprit immédiatement ce qu'il insinuait. Il voulait lui rappeler que Lisa était intouchable, que tout écart serait une erreur.
Lisa baissa légèrement les yeux, et Julien ressentit un pincement au cœur.
- Lisa, tu devrais aller retrouver Enzo. Il est arrivé il y a quelques minutes.
Elle se raidit à l'évocation de ce nom, mais hocha la tête avant de s'éloigner.
Julien suivit du regard sa silhouette disparaître dans le couloir, un goût amer dans la bouche.