Chapitre 8 Chapitre 8

Le regard des autres pèse lourdement sur Clara alors qu'elle se tient dans l'ombre d'Alexandre, prête à entrer dans un monde qu'elle n'a pas choisi, mais qui semble vouloir la dévorer toute entière.

La soirée était l'une de ces grandes galas mondaines, où les rires se mêlent à la musique douce, où les chandeliers brillent d'un éclat presque irréel et où les gens portent des sourires aussi polis qu'artificiels. Clara se tenait, crispée, à côté d'Alexandre, son mari en apparence, mais presque un étranger pour elle dans ce contexte. Elle n'était qu'une pièce de plus dans ce décor de luxe, une image parfaitement mise en scène pour alimenter les ragots et les murmures des invités.

Lorsqu'ils pénétrèrent dans la grande salle, un murmure s'éleva autour d'eux. Tous les regards se tournèrent vers eux, certains discrets, d'autres non. Les femmes, toutes vêtues de robes éblouissantes, chuchotaient entre elles tout en lançant des regards aussi acérés que des poignards. Clara ne pouvait s'empêcher de se sentir observée, scrutée. Elle aurait voulu disparaître, fondre dans les murs. Mais elle savait que ce n'était pas possible. Elle était là pour une raison, et elle ne pouvait fuir.

Alexandre, indifférent aux regards qui les suivaient, avançait d'un pas assuré, sa posture droite, presque impérieuse. Il ne semblait pas remarquer l'attention qu'ils attiraient. Clara, en revanche, se sentait comme un animal de zoo, exposée dans toute sa fragilité.

La première femme à les aborder était bien trop élégante pour qu'on ne remarque pas immédiatement sa présence. Son sourire était poli, mais ses yeux ne cachaient pas un certain dédain. Elle s'approcha de Clara avec une lenteur presque calculée, se tenant à une distance suffisante pour qu'il soit clair qu'elle ne cherchait pas à être particulièrement amicale.

« Clara, c'est bien ça ? » demanda-t-elle d'une voix mielleuse, son regard glissant sur Clara comme un aigle scrutant sa proie. « Je dois dire que je suis surprise de vous voir ici, aux côtés d'Alexandre. Il y a quelques mois à peine, il semblait tout à fait... libre, disons. Vous devez vraiment être spéciale. » Elle laissa échapper un rire qui n'avait rien de chaleureux, bien au contraire. « Mais je suppose que l'amour n'a aucune logique, n'est-ce pas ? »

Clara déglutit, se sentant piégée par cette attaque subtile mais tranchante. Elle sourit, mais son sourire était plus une tentative de maintien de la dignité qu'une réponse sincère. Elle n'avait pas à justifier sa présence ici. Alexandre l'avait choisie pour un contrat, certes, mais cela ne voulait pas dire qu'elle était une simple marionnette. Pourtant, elle ne parvint pas à trouver les mots pour répondre. Elle baissa les yeux un instant, cherchant une échappatoire, avant de se tourner vers Alexandre.

C'était à ce moment-là que le regard d'Alexandre se durcit, son attitude changeant subtilement. Il se tourna vers la femme avec un air impassible. « C'est un honneur de vous revoir, Camille, » dit-il froidement, en mettant l'accent sur le prénom. « Mais si vous permettez, ma femme et moi avons quelques affaires à régler. »

Clara sentit un frisson parcourir sa colonne vertébrale en entendant son nom prononcé ainsi, mais elle n'eut pas le temps d'y réfléchir davantage. Alexandre prit sa main d'une manière protectrice, comme pour signaler que la conversation était terminée. Et, sans un autre mot, il l'entraîna loin de la femme.

« Tu vas bien ? » lui demanda-t-il, une lueur d'inquiétude dans ses yeux. Clara, encore choquée, hocha la tête sans répondre. Il n'avait pas l'air de vouloir discuter davantage, mais il l'avait défendue, d'une manière qu'elle ne s'attendait pas. Elle se sentit profondément mélangée, entre la gratitude pour sa protection et la surprise de sa réaction.

Ils traversèrent la salle, et Clara remarqua que plusieurs regards se tournaient vers eux, certains curieux, d'autres carrément hostiles. Elle savait qu'elle n'était pas acceptée ici, et plus elle voyait les sourires froids des autres femmes, plus elle comprenait que son rôle dans ce monde n'était pas d'être aimée ou appréciée, mais simplement de remplir une fonction.

Alexandre la guida dans une autre partie de la salle, un peu plus isolée, où ils se retrouvèrent à discuter avec un autre couple influent, des gens que Clara ne connaissait pas mais qui, de toute évidence, faisaient partie de ce cercle très fermé d'Alexandre. Leurs conversations étaient pleines de sous-entendus et de compliments feints, chacun cherchant à se flatter tout en masquant ses intentions. Clara s'efforça de sourire, mais elle n'écoutait plus vraiment. Elle observait plutôt les autres, les femmes surtout, qui semblaient prendre un malin plaisir à l'ignorer ou à la dévisager du coin de l'œil.

Une nouvelle vague de mépris la frappa lorsque Camille, la femme qu'elle avait rencontrée plus tôt, s'approcha à nouveau. Cette fois, elle n'était plus seule. Elle était accompagnée de plusieurs autres femmes, toutes aussi bien habillées et élégantes. Elles se tenaient ensemble, formant un cercle étroit, comme si elles cherchaient à isoler Clara encore plus.

« Alors, comment se passe la vie avec notre cher Alexandre ? » demanda une autre femme, un ton acide dans la voix. « C'est amusant, non, de se retrouver dans ce genre de situation ? »

Clara ne répondit pas immédiatement. Elle chercha les bons mots, mais il n'y en avait pas. Tout ce qu'elle pouvait faire, c'était maintenir sa posture et espérer que ce calvaire prenne fin rapidement.

« Nous allons très bien, merci, » répondit-elle enfin, avec une froideur qu'elle n'avait pas anticipée. Elle ne voulait pas leur donner la satisfaction de la voir perturbée. Et pourtant, chaque mot semblait l'enfoncer un peu plus dans ce rôle qui lui était imposé.

Alexandre arriva alors à la rescousse, comme un chevalier des temps modernes. Il s'approcha d'elle et posa sa main sur son épaule, un geste protecteur mais ferme. « J'ai dit que c'était assez, Camille, » dit-il, son ton plus tranchant qu'elle ne l'avait jamais entendu auparavant. « Ma femme n'est pas ici pour servir de cible à vos petites piques. Si vous avez un problème avec cela, je vous suggère de le régler ailleurs. »

Les femmes autour de lui se figèrent un instant. Clara tourna son regard vers lui, choquée par l'intensité de sa défense. Elle n'avait jamais vu cet Alexandre-là. Il était protecteur, mais d'une manière qui lui donnait presque l'impression d'être un lion prêt à rugir pour défendre son territoire.

Le silence s'installa quelques secondes avant que Camille ne réponde, le visage déformé par une colère contenue. « Tu as bien changé, Alexandre, » murmura-t-elle, avant de se détourner, entraînant avec elle les autres femmes qui la suivaient sans un mot. Clara resta là, à regarder cette scène qui venait de se dérouler devant elle, un mélange d'admiration et de confusion dans les yeux. Alexandre la regardait aussi, mais cette fois, il n'y avait plus aucune froideur. Seulement... une sorte de respect, peut-être. Ou du moins, c'était ce qu'elle avait cru percevoir dans son regard.

Elle se tourna vers lui, la bouche sèche, mais ne sut que dire. « Merci, » murmura-t-elle, presque un peu honteuse de ne pas avoir réagi elle-même.

Alexandre lui sourit légèrement. « Il n'y a pas de quoi. Je déteste qu'on attaque ceux qui sont sous ma protection. »

            
            

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