Chapitre 2 Chapitre 2

Clara n'avait jamais autant regretté une décision de sa vie que lorsqu'elle posa un pied sur le marbre immaculé de la salle de réception du **Hôtel Particulier Saint-James**.

Le faste du lieu était écrasant. Des lustres de cristal scintillaient au-dessus des invités, jetant une lumière dorée sur les robes de créateurs et les costumes taillés sur mesure. Des serveurs en gants blancs évoluaient avec une précision millimétrée, offrant champagne et amuse-bouches aux élites de la haute société. Clara se sentit minuscule.

Elle ajusta nerveusement la robe que Léa lui avait prêtée – une magnifique pièce noire, élégante mais sobre, qui soulignait sa silhouette élancée sans en faire trop. Pourtant, malgré la beauté du tissu contre sa peau, elle avait l'impression de porter un costume qui n'était pas le sien.

- Arrête de te crisper, murmura Léa à son oreille en lui tendant une coupe de champagne. Tu es parfaite.

- Facile à dire, souffla Clara en scrutant la salle bondée. Tout le monde ici respire l'aisance et la confiance.

- Eh bien, fais semblant.

Clara prit une gorgée du champagne pétillant et fit rouler le liquide sur sa langue pour calmer son trac. Elle savait pourquoi elle était là. **Ce soir, elle devait convaincre un investisseur de croire en son projet.** Son entreprise était au bord du gouffre, et cette soirée représentait peut-être sa seule et dernière chance d'obtenir une aide financière.

Elle inspira profondément et s'avança dans la foule, cherchant du regard un visage familier ou un nom connu. Léa l'avait briefée sur les invités les plus influents, et elle espérait pouvoir approcher **Louis Blanchard**, un homme d'affaires réputé pour investir dans les jeunes créateurs de mode.

Elle l'aperçut enfin, près du bar, entouré de quelques personnes en pleine conversation animée.

C'était maintenant ou jamais.

Clara raffermit sa prise sur sa coupe de champagne et s'avança avec assurance.

- Excusez-moi, monsieur Blanchard ?

Le quinquagénaire tourna la tête vers elle, son regard bleu acier détaillant son visage avec une pointe de curiosité.

- Oui ?

- Je suis Clara Morel, fondatrice de la marque Morel Créations. J'admire énormément votre travail et je voulais vous parler d'un projet qui pourrait, je pense, vous intéresser...

Un léger sourire flotta sur les lèvres de Blanchard, mais il n'eut pas le temps de répondre.

- Oh, ma chère, ce n'est pas **du tout** le moment de parler affaires ! s'exclama une femme perchée sur des talons vertigineux, accrochée au bras du milliardaire.

Clara sentit la chaleur lui monter aux joues.

- Je... je pensais juste...

Blanchard leva une main apaisante.

- Mademoiselle Morel, je suis flatté que vous ayez pensé à moi, mais je suis ici pour me détendre, pas pour parler d'investissements.

Clara hocha la tête, mortifiée.

- Bien sûr... Désolée de vous avoir dérangé.

Elle fit un pas en arrière, le cœur serré. Elle venait de perdre sa seule opportunité d'aborder un investisseur. Elle recula, tentant d'échapper à la foule avant que son humiliation ne devienne publique.

Mais c'est là que tout bascula.

Son talon glissa légèrement sur le sol poli, et dans un réflexe maladroit, elle bascula en avant. Sa coupe de champagne échappa à sa main et se renversa... **directement sur le costume d'un homme qui se trouvait juste derrière elle.**

L'impact fut immédiat. Le liquide doré éclaboussa la chemise immaculée et la veste hors de prix de l'inconnu, qui eut un bref mouvement de recul.

Clara resta figée, horrifiée.

- Mon Dieu, je suis **désolée** !

Elle leva enfin les yeux et son souffle se coupa.

L'homme sur lequel elle venait de renverser son verre était **sans doute l'homme le plus impressionnant qu'elle ait jamais vu.**

Grand, charismatique, avec une prestance qui imposait le respect, il la fixait avec un mélange de surprise et d'amusement. Son regard, d'un gris perçant, semblait capable de lire en elle comme dans un livre ouvert. Son costume sur-mesure – désormais taché de champagne – trahissait une richesse indéniable, et chaque trait de son visage semblait sculpté avec une précision troublante.

- Eh bien, c'est une façon originale de faire connaissance, murmura-t-il d'une voix profonde et maîtrisée.

Clara sentit ses joues s'embraser.

- Je suis **vraiment** désolée, je ne voulais pas... Je suis maladroite, et...

L'homme leva une main pour l'interrompre.

- Ce n'est rien. Un costume se remplace.

Un sourire amusé joua sur ses lèvres tandis qu'il attrapait une serviette tendue par un serveur et essuyait calmement les dégâts.

Clara, complètement paniquée, se confondit en excuses.

- Je peux vous rembourser le pressing... ou vous acheter une nouvelle veste... enfin, pas une comme celle-ci, parce qu'elle doit coûter plus cher que mon appartement... mais...

L'homme rit doucement, et Clara sentit un étrange frisson lui parcourir l'échine.

- Vous êtes toujours aussi nerveuse, ou c'est juste en présence d'un homme trempé de champagne ?

Elle ouvrit la bouche, cherchant une réponse adéquate, mais rien ne lui vint. Il la scrutait avec une intensité troublante, comme s'il cherchait à percer le mystère de son existence.

- Comment vous appelez-vous ? demanda-t-il enfin.

Elle déglutit difficilement.

- Clara Morel.

Un léger sourire s'étira sur ses lèvres.

- Alexandre Duval.

Clara sentit son cœur rater un battement.

**Duval.**

Ce nom n'était pas anodin. C'était **Alexandre Duval**, le milliardaire, l'homme d'affaires le plus influent de Paris, propriétaire d'une holding regroupant des dizaines d'entreprises prospères dans la finance, l'immobilier et... la mode.

Elle venait de ruiner le costume de **l'homme qui aurait pu être son plus grand allié.**

- J'imagine que vous n'êtes pas ici par hasard, continua-t-il en croisant les bras.

Clara sentit une vague de panique l'envahir. Elle avait **déjà** raté une opportunité en approchant Blanchard trop directement... allait-elle maintenant perdre une seconde chance avec Alexandre Duval ?

Elle prit une inspiration et tenta de retrouver un semblant de dignité.

- Non... en effet.

- Alors dites-moi, mademoiselle Morel, que cherchez-vous ?

Son ton était intrigué, mais sans mépris. Il semblait **réellement** vouloir entendre sa réponse.

Clara raffermit sa posture.

- Un investisseur.

Un silence s'installa.

Puis Alexandre sourit légèrement.

- Ambitieuse.

- Réaliste, corrigea-t-elle. Mon entreprise est en difficulté. Je suis designer, et je crois fermement en mes créations, mais le marché est impitoyable. Si je ne trouve pas de soutien financier, je vais devoir fermer boutique.

Alexandre la scruta, silencieux.

Puis, à la grande surprise de Clara, il esquissa un sourire énigmatique.

- Alors dans ce cas, nous devrions en parler plus en détail.

Elle haussa les sourcils.

- Vous voulez dire... maintenant ?

- Non. Pas ici, pas entre deux coupes de champagne renversées.

Il sortit une carte de visite en argent et la glissa dans la paume de Clara.

- Demain, huit heures. Mon bureau. Ne soyez pas en retard.

Clara fixa la carte comme si elle venait de recevoir un billet gagnant de loterie.

Quand elle releva les yeux, Alexandre la regardait toujours, une étincelle amusée dans le regard.

- Et cette fois, précisa-t-il, évitez de me tremper.

Elle sentit son cœur s'emballer tandis qu'il s'éloignait, disparaissant dans la foule élégante du gala.

Clara était venue ce soir chercher un investisseur.

Elle venait peut-être de **trouver bien plus que ça.**

            
            

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