Chapitre 4 Chapitre 4

Les lettres empilées sur son bureau étaient devenues un mur de papier, un obstacle qu'elle n'osait plus affronter. Clara les avait toutes lues. Chacune d'elles, avec cette même angoisse serrant sa poitrine, avait prononcé la même sentence : une mise en demeure. Ses créanciers avaient décidé de passer à l'action. Plus de temps. Plus de délais. C'était le dernier avertissement avant que tout ne s'effondre.

Assise dans son petit bureau en désordre, Clara fixait la lettre, les mains tremblantes. Elle n'avait pas dormi depuis des jours, l'angoisse l'empêchant de fermer l'œil. L'entreprise qu'elle avait bâtie, brique après brique, était en train de lui échapper. Elle sentait l'étau se resserrer autour de son cou, chaque échéance qui passait la plongeant un peu plus dans la panique. Ses économies étaient épuisées, ses alliés inexistants, et les portes des banques restaient fermées. Clara n'avait pas d'autre option. Il n'y avait plus de solution magique. Plus de dernier recours. Jusqu'à ce qu'Alexandre revienne dans ses pensées.

La proposition qu'il lui avait faite à ce dîner semblait encore irréelle, comme un rêve étrange, comme une proposition d'un autre monde, un monde où les règles étaient totalement différentes. Elle avait quitté ce restaurant avec plus de questions que de réponses, mais aussi un étrange sentiment de besoin, une sensation de vide qui lui disait que ce contrat pouvait peut-être être la seule porte de sortie.

Léa entra alors dans la pièce, brisant la torpeur dans laquelle Clara se trouvait. Elle avait son éternel sourire en coin, cette lumière malicieuse dans le regard qui l'avait toujours rendue si dynamique. Mais aujourd'hui, elle semblait plus sérieuse que d'habitude.

- Ça va ? demanda Léa en fermant doucement la porte derrière elle.

Clara secoua la tête, les yeux rivés sur le tas de lettres.

- Pas vraiment. Les créanciers ne me laissent plus de répit. Je n'arrive même pas à respirer.

Léa s'approcha, s'installant en face d'elle sur le canapé en cuir usé de l'atelier.

- Tu sais, Clara, il faut que tu arrêtes de te martyriser comme ça. Les choses n'ont pas l'air d'aller dans ton sens, mais tu as une solution à portée de main.

Clara leva les yeux vers elle, une lueur d'agacement dans le regard.

- Tu veux dire ce contrat absurde qu'Alexandre m'a proposé ? Tu veux que je vende mon âme et que je me marie avec un inconnu pour sauver mon entreprise ? C'est ça ta solution ?

Léa sourit légèrement, un sourire presque compatissant, mais aussi résigné.

- Oui, c'est exactement ça. Je comprends que tu sois réticente. C'est énorme, c'est impensable, mais regarde autour de toi. Quelles sont tes autres options ?

Clara serra les poings sur le bureau, son corps tendu par la frustration.

- J'ai refusé son offre, Léa. Je ne peux pas faire ça. Je... je ne suis pas comme ça.

Léa la fixa un instant, puis se leva pour s'approcher de la fenêtre, son regard se perdant dans la rue qui défilait en contrebas. Après quelques secondes de silence, elle se tourna vers Clara.

- Tu n'es pas comme ça, je te l'accorde. Mais si tu ne fais rien, tu vas perdre tout ce pour quoi tu as travaillé. Tu vas perdre l'entreprise que tu as créée. Et après ? Tu repartirais à zéro ? Tu accepterais de tout abandonner, de laisser tomber ta passion, ton rêve ?

Clara laissa échapper un soupir. Elle savait que son amie avait raison. Mais l'idée de se soumettre à un tel arrangement la révoltait. Elle ne pouvait tout simplement pas imaginer sa vie liée à un homme qu'elle connaissait à peine, sans réelle affection, sans réelle promesse, sans rien de plus que des mots et un contrat. Mais la pensée de tout perdre, de tout voir s'effondrer, la paralysait.

- Si tu veux garder ton entreprise, Clara, il faut être réaliste. Ce qu'il te propose, c'est une bouée de sauvetage. Ça ne te convient peut-être pas, mais c'est un moyen de sortir la tête de l'eau. Tu veux vraiment risquer de tout perdre par fierté ?

Clara resta silencieuse, absorbée par ses pensées. Ses yeux se posèrent sur la mise en demeure, sur le courrier menaçant qu'elle avait en face d'elle. Les mots qu'elle avait entendus à propos de l'offre d'Alexandre résonnaient dans sa tête. Un contrat. Un mariage sans engagement. Un soutien financier pour sauver son entreprise. Mais quel prix devait-elle payer pour ce soutien ? C'était là toute la question.

- Léa, tu ne comprends pas... Je ne sais même pas ce qu'il veut vraiment. Pourquoi moi ? Pourquoi moi, parmi toutes les femmes qu'il pourrait choisir ?

Léa se tourna alors, ses mains croisées sur le ventre, son regard déterminé.

- Je pense que c'est une question de logique pour lui. Il voit en toi quelqu'un qui ne va pas chercher à manipuler la situation. Il n'a pas besoin de toi pour de l'amour, Clara, il a besoin de toi pour une façade. Et toi, tu as besoin de lui pour sauver ton entreprise. C'est un accord simple, une transaction. Oui, peut-être un peu froide, mais c'est un deal. Pas de sentiments. Juste des résultats.

Clara ferma les yeux, le cœur lourd. Elle savait qu'elle était coincée. Elle savait que son entreprise, son rêve, étaient en jeu, et qu'elle n'avait plus beaucoup de temps pour réfléchir. Chaque jour passé à tergiverser était une journée de plus où elle perdait du terrain. Chaque jour de plus où elle refusait de prendre cette décision la rapprochait un peu plus du gouffre. La réalité la frappait violemment, comme un coup de poing dans l'estomac. Elle devait faire quelque chose.

- D'accord, j'y vais, dit-elle finalement, la voix faible, mais déterminée. J'ai besoin de comprendre ce qu'il attend exactement de moi. J'ai besoin de savoir ce que je risque.

Léa hocha la tête, satisfaite, et se précipita vers elle pour lui donner une tape affectueuse sur l'épaule.

- Bien joué, Clara. Tu fais ce qu'il y a de mieux. Ne laisse pas ta fierté t'empêcher de prendre la bonne décision.

Clara se leva et se dirigea vers la porte, son esprit tourmenté par les questions qui se bousculaient dans sa tête. Elle n'avait pas encore pris de décision, mais au moins, elle savait qu'elle devait affronter la réalité. Qu'elle allait le revoir. Qu'elle allait lui poser des questions. Et peut-être que cette fois, elle aurait les réponses qu'elle cherchait.

À ce moment-là, un petit frisson d'angoisse traversa son corps. Quelles conséquences pourrait avoir cette rencontre ? Mais il était trop tard pour faire marche arrière. Elle se tourna vers Léa.

- Merci, Léa.

Léa lui adressa un sourire encourageant.

- Bonne chance. Fais attention à toi.

Clara ferma la porte derrière elle, le souffle court, alors qu'elle se préparait à prendre la décision la plus difficile de sa vie.