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Clara n'aurait jamais imaginé que sa vie prenne un tournant aussi radical. Elle s'était attendue à une certaine aisance financière, mais elle n'avait pas anticipé à quel point l'univers d'Alexandre, son mari de convenance, serait loin de ce qu'elle avait connu jusqu'alors. Ce n'était plus simplement une question d'argent ou de statut, mais d'un monde à part, régi par des règles tacites et un luxe déroutant.
Le premier matin dans la maison d'Alexandre, Clara se réveilla dans une chambre qui ressemblait à un décor de rêve. Les murs étaient couverts de papier peint en soie, et les draps de son lit étaient en coton égyptien. Chaque objet semblait avoir été placé avec une précision presque clinique. Tout était impeccable, mais un peu froid. La lumière du matin filtrait à travers des rideaux en dentelle, projetant des ombres délicates sur le sol en marbre poli. Clara se leva, encore un peu engourdie par la transition brutale de sa vie précédente.
Elle avait fait ses valises la veille, et ce matin-là, elle se tenait là, dans ce grand espace qu'elle n'avait pas encore totalement apprivoisé. Il y avait quelque chose d'intimidant dans cette maison. Elle avait l'impression d'être observée, de ne pas être tout à fait à sa place, même si elle savait que c'était désormais sa vie.
Après un petit déjeuner presque trop parfait pour être réel – des croissants frais, des fruits coupés avec une précision qui frôlait la folie, un café noir au goût riche et intense – Clara descendit dans le grand hall de la maison. C'était une demeure somptueuse, un mélange de modernité et d'antiquités, avec des statues imposantes et des tableaux de maîtres anciens. Mais au-delà de l'éclat du luxe, il y avait un vide étrange, une sorte de distance entre les objets et les personnes. Tout semblait figé, comme si la vie réelle n'avait pas sa place ici.
Un majordome âgé, impeccablement vêtu d'un costume sombre, l'accueillit dans l'entrée. « Bienvenue, madame, » dit-il d'une voix aussi polie qu'indistincte, sans même un regard vers elle.
Clara se sentit soudainement en décalage. Elle avait l'impression d'être une simple spectatrice dans ce monde si différent, comme si elle n'était qu'une intruse dans cette scène parfaitement orchestrée. Le personnel de maison semblait presque trop formel, trop respectueux, mais sans chaleur. Tout le monde savait exactement ce qu'il devait faire et comment il devait le faire, mais aucune personne ne semblait y mettre de l'émotion, de l'humain.
Les règles étaient claires dès le départ. Le majordome lui donna des instructions sur la manière de se comporter dans la maison, de ne jamais être en retard aux repas, de respecter les moments de solitude d'Alexandre, de ne jamais parler de certains sujets. L'atmosphère était rigide, comme un ballet de gestes millimétrés où Clara se sentait comme une danseuse maladroite, toujours un pas derrière. Chaque action semblait avoir un but, une raison cachée qu'elle ne comprenait pas encore.
L'après-midi se passa dans une sorte de calme glacé. Clara parcourut la maison, s'installant dans les différentes pièces. Il y avait la bibliothèque, avec ses étagères pleines de livres reliés en cuir, et le salon, dont les canapés semblaient faits pour l'apparence plus que pour le confort. Le jardin extérieur, quant à lui, était un véritable chef-d'œuvre de perfection, mais Clara n'arrivait pas à se détendre. Tout semblait trop propre, trop ordonné. Elle se sentait comme un animal dans une cage dorée, coincée dans un décor trop parfait pour y exister pleinement.
Elle n'avait pas vu Alexandre de la journée, et cela ne la surprenait pas vraiment. Leur mariage, après tout, n'était qu'un arrangement. Il était souvent absent, plongé dans ses affaires, et Clara commençait à accepter l'idée qu'ils ne partageraient probablement jamais une véritable vie commune, au-delà des apparences.
Mais ce soir-là, Alexandre rentra plus tôt que prévu. Clara était dans le salon, en train de feuilleter un livre qu'elle n'avait pas vraiment l'intention de lire. Elle avait l'esprit trop occupé pour se concentrer. Elle l'entendit entrer, sa silhouette imposante se dessinant dans l'embrasure de la porte. Elle leva les yeux, et un frisson la traversa.
« Clara », dit-il, son ton un peu plus froid qu'à l'accoutumée. Il se dirigea vers un fauteuil sans lui accorder plus d'attention. « J'espère que tu t'es bien installée. »
Elle hocha la tête, un peu nerveuse. « Oui, merci. C'est... c'est magnifique ici. » Elle s'efforça de ne pas paraître trop déstabilisée, mais la vérité était qu'elle avait du mal à s'adapter à ce monde qui ne lui appartenait pas.
Il la regarda un instant, comme s'il mesurait ses mots. « Tu sais, il y a des règles ici. Des choses que tu dois comprendre, des comportements que tu dois adopter. »
Clara le fixa, l'estomac noué. Elle avait l'impression qu'il allait lui parler d'un sujet plus important que la simple organisation de la maison. « Des règles ? Quelles règles ? »
Il s'installa dans le fauteuil avec un soupir. « Le personnel attend de toi une attitude irréprochable. Pas de débordement, pas de décisions impulsives. Chaque geste compte. » Il la fixa intensément. »Tu ne dois jamais te laisser emporter par l'émotion. Tu comprends ? »
Clara sentit la tension monter en elle. « Je... je comprends. Mais il y a quelque chose qui m'échappe », dit-elle, le ton légèrement plus ferme. « Tu m'as dit que ce mariage était une simple formalité. Mais comment ça peut être une simple formalité si je dois suivre toutes ces règles ? »
Il la regarda sans répondre pendant un long moment, ses yeux sombres fixés sur elle. Puis il se leva et s'approcha lentement, sans la quitter des yeux. « Tu sais, Clara, il y a une différence entre ce que nous ressentons et ce que nous faisons. Ce mariage, ce contrat... tout ça, c'est une question d'apparence. Ce que nous faisons ici n'a rien à voir avec des sentiments. »
Clara sentit un mélange d'agacement et de confusion grandir en elle. « Alors pourquoi me demander d'agir comme si j'étais réellement mariée à toi ? Pourquoi m'imposer des règles aussi strictes ? »
Il la regarda, et un petit sourire, presque imperceptible, se dessina sur ses lèvres. « Parce que c'est ce que la situation exige. Et que tu savais très bien ce dans quoi tu t'engageais. » Il s'éloigna d'elle, comme s'il ne voulait plus discuter davantage.
Clara se sentit seule, plus seule que jamais. Elle avait du mal à comprendre ce qui se passait dans l'esprit d'Alexandre. Pourquoi agir comme cela ? Pourquoi imposer des règles aussi strictes pour une union qui n'était rien d'autre qu'une façade ? Elle avait signé ce contrat, mais à cet instant, elle se rendait compte que les choses étaient bien plus compliquées qu'elle ne l'avait imaginé.