Chapitre 9 Chapitre 9

La maison semblait plus silencieuse qu'à l'ordinaire depuis l'incident de la veille, mais ce n'était pas une paix apaisante, plutôt une tension palpable qui s'étendait à chaque recoin. Depuis le coup de téléphone menaçant, Elias semblait s'être refermé sur lui-même, encore plus qu'à son habitude. Il passait de longues heures au téléphone dans son bureau, discutant à voix basse avec ses avocats ou les agents de sécurité qu'il avait doublés autour de la propriété. Mais, au-delà de cette hypervigilance, c'était son comportement envers moi qui me déconcertait le plus.

J'avais l'impression qu'il évitait intentionnellement de me croiser. Chaque fois que je m'approchais de lui pour discuter, il trouvait une excuse pour s'éclipser, ou pire, il restait impassible, comme si mes paroles n'avaient aucune importance.

Ce matin-là, alors que je m'occupais de Liam dans la bibliothèque, Elias fit une apparition brève, mais marquante. Il avait à peine franchi la porte qu'il se dirigea directement vers son fils, ignorant totalement ma présence.

- « Liam, viens ici, » dit-il d'un ton qui n'admettait aucune contestation.

Le petit garçon abandonna immédiatement son livre de contes et courut vers son père.

- « Qu'est-ce qui se passe, papa ? »

Elias s'accroupit pour être à sa hauteur, et sa voix se fit plus douce.

- « Rien, fiston, je voulais juste m'assurer que tu te sens en sécurité, que tout va bien. »

Liam hocha la tête, visiblement confus mais satisfait de l'attention.

Quant à moi, je ne pouvais m'empêcher de ressentir une frustration croissante. Non pas à cause de son inquiétude pour Liam, mais de la manière dont il me reléguait au second plan. C'était comme si tout ce qui s'était passé entre nous n'existait plus.

Quand Elias se releva, je pris une profonde inspiration et tentai de l'aborder.

- « Elias, on peut parler ? »

Il fit une pause, mais sans me regarder.

- « Pas maintenant, Alyssa. »

Il quitta la pièce avant que je ne puisse ajouter quoi que ce soit. Son refus cinglant me laissa abasourdie, une boule d'amertume se formant dans ma gorge.

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Plus tard dans la journée, Clara entra dans ma chambre avec une pile de linge dans les bras. Son regard vif s'attarda sur moi alors que je fixais la fenêtre, perdue dans mes pensées.

- « Tu comptes rester plantée là toute la journée ou tu vas bouger un peu ? » lança-t-elle d'un ton faussement léger.

Je soupirai, incapable de cacher mon agacement.

- « Il m'ignore, Clara. Depuis hier soir, il agit comme si je n'existais pas. »

Elle déposa le linge sur le lit avant de croiser les bras.

- « Je t'avais prévenue, Alyssa. Elias ne laisse personne entrer dans son monde. Il peut être charmant et attentionné, mais quand il décide de se refermer, c'est comme parler à un mur. »

- « Ce n'est pas juste, » répondis-je en me retournant brusquement. « Je sais qu'il est sous pression avec tout ce qui se passe, mais pourquoi est-ce qu'il me traite comme ça ? »

Clara haussa les épaules.

- « Peut-être qu'il essaie de te protéger. Ou peut-être qu'il a peur. Elias a toujours été compliqué, et toi, tu es là, au milieu de tout ça... Tu le troubles plus que tu ne veux bien le croire. »

Je ne répondis pas, mais ses mots résonnaient en moi. Était-ce vraiment ça ? Était-il possible qu'il se protège en érigeant cette barrière ?

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En fin d'après-midi, une réunion était prévue au bureau de Darrow Industries, et Clara m'avait convaincue de l'accompagner pour « changer d'air ». Bien que l'idée de sortir me paraisse séduisante, je ne savais pas à quoi m'attendre, surtout avec la présence potentielle de Victoria.

Lorsque nous arrivâmes, je repérai immédiatement Elias dans une salle de conférence vitrée, debout à côté de Victoria. Elle était élégante, comme toujours, vêtue d'une robe noire qui mettait en valeur sa silhouette impeccable. Mais ce qui me dérangeait le plus, c'était leur proximité. Ils semblaient engagés dans une conversation animée, et Elias affichait un sourire rare, presque complice.

Mon estomac se noua, et malgré moi, une vague de jalousie monta en moi.

- « Tu devrais arrêter de fixer comme ça, sinon on va croire que tu veux la tuer, » murmura Clara à mon oreille, un sourire narquois sur les lèvres.

- « Je ne la fixe pas, » rétorquai-je, bien que mon ton trahissait mon malaise.

- « Oh, mais si. Et ça se voit à des kilomètres. »

Je détournai les yeux, tentant de masquer mon trouble, mais l'image d'Elias et Victoria resta gravée dans mon esprit. Pourquoi devait-elle toujours être si proche de lui ? Et pourquoi semblait-il si détendu en sa présence alors qu'il était froid et distant avec moi ?

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Ce soir-là, alors que je m'apprêtais à me coucher, une notification vibra sur mon téléphone. C'était un message d'Elias.

"Dîner demain soir. Nous devons parler."

Mon cœur rata un battement. Que signifiait ce message ? Était-ce une tentative de rapprochement ou une nouvelle manière de me repousser ?

Le lendemain, je me préparai avec soin, oscillant entre excitation et appréhension. Lorsque je descendis dans le hall, Elias m'attendait près de la porte, impeccablement vêtu d'un costume sombre.

- « Prête ? » demanda-t-il en me tendant la main.

Je hochai la tête, bien que mes mains tremblaient légèrement.

Nous arrivâmes dans un restaurant chic du centre-ville, où une table privée avait été réservée. L'atmosphère était intime, mais une tension palpable régnait entre nous.

Elias commença par des banalités, parlant des affaires et de la sécurité renforcée autour de la maison. Mais je ne pouvais plus contenir mes frustrations.

- « Elias, pourquoi m'as-tu invitée ici ? » demandai-je, ma voix légèrement tremblante.

Il posa son verre de vin et me regarda droit dans les yeux.

- « Parce que nous devons clarifier certaines choses, Alyssa. Ce qui s'est passé entre nous... »

Je l'interrompis, incapable de supporter qu'il puisse réduire tout cela à une erreur.

- « Ce qui s'est passé entre nous était réel, Elias. Tu ne peux pas faire comme si ça n'avait pas existé. »

Il soupira, passant une main dans ses cheveux, visiblement tiraillé.

- « Ce n'est pas si simple. Tu sais à quel point ma vie est compliquée. Avec tout ce qui se passe, je ne peux pas me permettre de... de me laisser aller à des sentiments. »

- « Des sentiments ? Donc tu en as, » lançai-je, un mélange d'espoir et de colère dans la voix.

Il ne répondit pas immédiatement, mais son regard trahissait une lutte interne.

- « Alyssa, tu es importante pour moi, plus que tu ne le crois. Mais je ne veux pas que tu sois prise dans tout ça. Les menaces, les dangers... Tu mérites mieux. »

Son aveu me laissa sans voix. Mais avant que je ne puisse répondre, il se leva brusquement.

- « Allons-y. On parlera une autre fois. »

La soirée semblait sur le point de s'achever sur une note amère, mais alors que nous quittions le restaurant, Elias s'arrêta soudainement sur le trottoir.

- « Je ne peux pas continuer comme ça, » murmura-t-il avant de se tourner vers moi.

Et sans prévenir, il m'attira contre lui et m'embrassa. C'était un baiser à la fois doux et désespéré, comme s'il avait enfin cédé à ce qu'il essayait de réprimer.

Quand il se recula, son regard était empreint d'une intensité que je n'avais jamais vue auparavant.

- « Je suis désolé, Alyssa. Mais je ne peux plus nier ce que je ressens. »

Mon cœur battait à tout rompre, et les mots me manquaient. Mais avant que je puisse dire quoi que ce soit, un cri lointain brisa le moment.

Un homme, vêtu d'un manteau sombre, se tenait de l'autre côté de la rue, fixant Elias avec un sourire étrange.

- « Monsieur Darrow, » lança-t-il d'une voix moqueuse. « Vous pensiez vraiment que vous pourriez fuir vos péchés ? »

Elias se raidit immédiatement, son expression passant de la tendresse à une froide détermination.

- « Reste derrière moi, » murmura-t-il en me plaçant doucement mais fermement derrière lui.

Le danger que j'avais ignoré jusque-là semblait enfin prendre forme, et je compris que ma vie allait devenir encore plus compliquée.

            
            

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