- "Alyssa, dans mon bureau. Immédiatement."
Sa voix, coupante comme un couteau, résonna dans l'air. Je levai la tête précipitamment de mon ordinateur et rencontrai son regard à travers la vitre de son bureau. Il était déjà retourné à son écran, comme si le simple fait de m'appeler n'avait nécessité aucun effort.
Je pris une grande inspiration et attrapai mon carnet avant de me diriger vers son antre.
- "Oui, monsieur Darrow ?" demandai-je en entrant, essayant de masquer le tremblement dans ma voix.
Il leva à peine les yeux de son écran.
- "Monsieur Darrow ? Vraiment ?" lança-t-il avec une pointe d'ironie.
Je rougis.
- "Elias, pardon."
- "Mieux." Il tapota sur son clavier avant de se tourner vers moi. "J'ai besoin que vous organisiez une réunion avec l'équipe marketing pour demain matin. 9h. Pas une minute de retard."
- "Compris."
Je griffonnais sur mon carnet, notant chaque détail.
- "Et je veux que vous vous chargiez de revoir leur présentation avant. Elle était... catastrophique, la dernière fois."
Je hochai la tête, mais au fond de moi, je bouillonnais. Il était incroyablement exigeant, presque froid, et pourtant, il y avait une aura autour de lui qui me troublait.
- "Autre chose ?"
Il me fixa un instant, comme s'il cherchait à lire mes pensées.
- "C'est tout. Vous pouvez y aller."
Je retournai à mon bureau, essayant de calmer les battements frénétiques de mon cœur. Cet homme avait une manière de me déstabiliser que je n'avais jamais connue auparavant.
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Les jours suivants, je découvris rapidement qu'Elias n'était pas seulement perfectionniste ; il était obsédé par le moindre détail. Chaque e-mail, chaque rapport, tout devait être impeccable, sous peine de recevoir un regard glacial qui vous faisait remettre en question toutes vos compétences.
- "Alyssa, ce rapport..." commença-t-il un après-midi en brandissant une feuille imprimée.
Je déglutis.
- "Qu'est-ce qui ne va pas ?"
- "Rien. Pour une fois, c'est parfait."
Son compliment, bien que rare, me déstabilisa presque autant que ses critiques.
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Un soir, alors que je terminais une pile de dossiers tardifs dans le silence de l'étage désert, un bruit léger attira mon attention. Je levai les yeux et vis une petite silhouette près de la porte de l'ascenseur.
C'était un garçon, pas plus haut que ma taille de hanche, avec des cheveux bruns en bataille et des yeux immenses. Il me fixait sans dire un mot.
- "Oh, salut," dis-je doucement, essayant de ne pas l'effrayer.
Il ne répondit pas, mais s'avança un peu, son regard passant de mon bureau à moi.
- "Tu t'es perdu ?"
Toujours pas de réponse. Je posai mon stylo et m'agenouillai pour être à sa hauteur.
- "Tu sais comment tu t'appelles ?"
Elias apparut soudain dans l'encadrement de la porte de son bureau.
- "Liam. Qu'est-ce que tu fais là ?"
Sa voix, bien que douce, portait une pointe d'autorité.
Le petit garçon se tourna vers lui, mais ne dit rien. Elias s'approcha et posa une main sur son épaule.
- "C'est mon fils," m'expliqua-t-il sans détour.
Je restai figée, un peu surprise. Clara ne m'avait jamais dit qu'Elias avait un enfant.
- "Je suis désolé pour ça," continua-t-il, son ton plus doux. "Il ne parle pas beaucoup."
Je me relevai lentement, observant l'interaction entre eux. Il y avait une tendresse dans les gestes d'Elias que je ne lui avais jamais vue auparavant.
- "Il est adorable," murmurai-je.
Elias leva les yeux vers moi, et pendant un instant, nos regards se croisèrent.
- "Merci," dit-il simplement avant de conduire Liam hors du bureau.
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Quelques jours plus tard, Clara m'appela pour m'inviter à dîner chez les Darrow.
- "C'est une tradition familiale," expliqua-t-elle. "On se réunit tous les mois pour un grand repas."
Je hésitai, mais elle insista tant que je finis par céder.
La maison des Darrow était somptueuse, un manoir digne des plus grands magazines de design. Je me sentais déplacée, comme une intruse dans ce monde de luxe et de privilèges.
Elias était déjà là, vêtu d'un costume impeccable, et Liam jouait silencieusement avec des Lego dans un coin du salon.
Mais ce qui m'impressionna le plus, ce fut l'entrée de Richard Darrow, le patriarche de la famille. Grand, imposant, avec des cheveux grisonnants et un regard perçant, il semblait dominer la pièce rien qu'avec sa présence.
- "Ah, vous devez être Alyssa," dit-il en m'observant attentivement.
- "Oui, monsieur," répondis-je timidement.
Il sourit, mais son sourire ne toucha pas ses yeux.
Le dîner fut... tendu. Richard ne cessa de poser des questions sur mon travail avec Elias, et chaque réponse semblait le rendre plus curieux.
- "Alors, vous pensez être capable de gérer mon fils ?" demanda-t-il avec un ton mi-moqueur, mi-sérieux.
Je lançai un regard à Elias, qui semblait agacé.
- "Je fais de mon mieux," répondis-je avec un sourire nerveux.
Richard haussa un sourcil, mais n'ajouta rien.
Cependant, au fil du repas, une tension palpable s'installa entre Elias et son père. Ils échangeaient des regards lourds de sous-entendus, et je pouvais sentir que quelque chose de plus profond bouillait sous la surface.
Alors que je m'apprêtais à poser une question à Clara pour détendre l'atmosphère, Richard lança soudain :
- "Alors, Elias, qu'as-tu prévu pour la succession ? Tu ne comptes quand même pas tout gâcher, n'est-ce pas ?"
Le silence tomba, lourd et oppressant.
Elias posa lentement sa fourchette et fixa son père avec un calme glacial.
- "Ce n'est ni le moment ni l'endroit pour parler de ça, père."
Richard sourit, mais ce sourire était empli de mépris.
- "Ah, toujours si émotif. C'est pour ça que tu n'as jamais été à la hauteur."
Le choc de ces mots résonna dans la pièce, et je vis la mâchoire d'Elias se contracter.
Je détournai les yeux, mal à l'aise, sentant que j'assistais à une scène qui ne m'était pas destinée.
Mais au fond de moi, une question s'imposa : quelle était cette histoire de succession, et pourquoi semblait-elle déclencher une telle guerre froide entre Elias et son père ?