Chapitre 4 Chapitre 4

Le silence pesait encore sur moi alors que je quittais la maison des Darrow après le dîner tendu de la veille. Les mots de Richard tournaient en boucle dans ma tête, comme un écho que je ne pouvais ignorer. Elias avait beau paraître impassible, il était clair que ses nerfs étaient mis à rude épreuve par son père. Ce n'était pas juste une question de tension familiale ; c'était plus profond, plus sombre. Et cela ne faisait qu'attiser ma curiosité.

Le lendemain matin, je me réveillai avec la ferme intention de me concentrer sur mon travail et de ne pas laisser les drames de la famille Darrow perturber ma routine. Pourtant, dès que je mis un pied dans le bureau, je fus immédiatement absorbée par le rythme effréné des tâches qu'Elias m'avait confiées.

Peu après midi, alors que je m'apprêtais à plonger dans une énième série de documents, un bruit léger attira mon attention. En levant les yeux, je vis Liam, accroupi près de la porte de mon bureau, tenant une feuille de papier chiffonnée dans ses petites mains.

- "Salut, toi," murmurai-je avec un sourire, bien consciente qu'il ne répondrait probablement pas.

Liam hésita, puis fit quelques pas timides vers mon bureau, tendant la feuille dans ma direction. Intriguée, je pris le papier et découvris un dessin à moitié terminé, une maison maladroitement esquissée entourée de ce qui semblait être des arbres.

- "C'est toi qui as fait ça ?"

Il hocha la tête, les yeux fixés sur mes doigts qui tenaient le dessin.

- "C'est très beau, Liam. Tu sais, quand j'étais petite, je dessinais tout le temps. Parfois, j'oubliais même de manger tellement j'étais concentrée."

Pour la première fois, je crus voir une ombre de sourire effleurer ses lèvres. Encouragée, je pris un crayon de couleur sur mon bureau et m'accroupis à son niveau.

- "Tu veux qu'on dessine ensemble ?"

Il sembla hésiter, mais finit par s'asseoir à côté de moi, ses petites mains attrapant un crayon bleu. Nous passâmes un long moment à remplir la feuille, en silence, mais dans une étrange harmonie. Je lui montrais comment faire des ombres sous les arbres, et il semblait absorbé par chaque mouvement de mon crayon.

Quand Elias entra dans la pièce un peu plus tard, il s'arrêta net en nous voyant.

- "Je vois que vous avez trouvé un moyen de distraire Liam," dit-il, un sourire en coin.

Je levai les yeux, un peu gênée d'avoir été prise en flagrant délit d'abandon de mes responsabilités professionnelles.

- "Il a un vrai talent," répondis-je, tendant le dessin pour qu'il puisse le voir.

Elias observa la feuille, puis regarda son fils avec un mélange de tendresse et de surprise.

- "C'est... bien," dit-il, comme s'il n'était pas habitué à faire des compliments.

Liam baissa les yeux, mais je pouvais voir qu'il était fier.

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Plus tard dans l'après-midi, alors que je revenais d'un café situé au rez-de-chaussée, une femme élégante entra dans le hall. Elle portait un tailleur crème qui semblait avoir été fait sur mesure, et ses talons claquaient sur le sol comme une déclaration de puissance.

- "Victoria Blake," se présenta-t-elle en me tendant la main avec un sourire poli, mais glacé.

Je ne savais pas exactement qui elle était, mais il était évident qu'elle appartenait à cet univers de privilèges et d'ambition qui entourait les Darrow.

- "Alyssa Reed," répondis-je en serrant sa main, un peu déconcertée.

Elle haussa un sourcil, son regard me scrutant de haut en bas comme si elle essayait d'évaluer ma valeur.

- "Vous êtes donc l'assistante d'Elias," dit-elle, mais sa voix contenait une pointe de quelque chose que je ne pouvais pas définir.

- "Oui," répondis-je simplement, me demandant où elle voulait en venir.

Victoria esquissa un sourire qui n'avait rien de chaleureux.

- "C'est bien. Elias a besoin de gens... compétents, surtout après tout ce qu'il a traversé."

Elle fit une pause, attendant peut-être que je pose une question. Mais je me contentai de hocher la tête, refusant de mordre à l'hameçon.

- "Vous savez," reprit-elle en se penchant légèrement vers moi, "travailler avec Elias peut être... compliqué. Surtout avec tout ce qui s'est passé après la mort de Sophia."

Je sentis mon estomac se nouer à l'évocation de ce nom. Sophia. La femme d'Elias.

- "Je suppose que vous savez déjà tout ça," ajouta-t-elle avec un sourire énigmatique.

- "Je ne vois pas en quoi cela me regarde," répondis-je, tentant de rester calme malgré la colère qui commençait à monter en moi.

Victoria sembla satisfaite de ma réaction, comme si elle avait atteint son objectif.

- "Je voulais simplement vous prévenir. Elias a tendance à attirer les ennuis, et ceux qui s'en rapprochent finissent souvent... blessés."

Elle me laissa sur ces mots, ses talons claquant à nouveau sur le sol tandis qu'elle s'éloignait.

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La soirée avançait, et le bureau s'était vidé peu à peu. J'étais restée tard pour terminer un dossier important, mais l'écho de la conversation avec Victoria me hantait encore. Qui était-elle vraiment pour Elias ? Et pourquoi semblait-elle si déterminée à semer le doute dans mon esprit ?

Alors que je rangeais mes affaires, une voix grave résonna dans le couloir voisin.

- "Je t'ai dit que je ne voulais plus jamais entendre parler de ça."

C'était Elias, et son ton était chargé d'une colère froide que je ne lui avais jamais entendue auparavant.

Je m'approchai discrètement de la porte entrouverte de son bureau, mon cœur battant la chamade.

- "Je m'en fiche si tu penses que c'est une erreur. Tu sais très bien que c'est ta faute si elle est morte !"

Mon souffle se bloqua dans ma gorge.

Il y eut un silence, suivi par un bruit sourd, comme si quelque chose avait été violemment jeté contre un mur.

- "Ne m'appelle plus," grogna Elias avant de raccrocher.

Je fis un pas en arrière, tentant de m'éloigner avant qu'il ne me voie. Mais en me retournant, mon sac heurta légèrement le coin d'un bureau, faisant tomber un classeur au sol.

Elias apparut dans l'encadrement de la porte, son regard sombre et perçant.

- "Alyssa," dit-il d'une voix plus calme, mais toujours tendue. "Vous êtes là depuis combien de temps ?"

- "Je... Je venais juste de finir, je... Je ne voulais pas écouter..."

Il me fixa un moment, comme s'il essayait de décider s'il devait me croire ou non.

- "Ce que vous avez entendu... Ce n'est pas ce que vous croyez."

Sa voix avait perdu de sa dureté, et pour la première fois, il semblait vulnérable. Mais avant que je puisse répondre, il détourna les yeux et retourna dans son bureau, me laissant seule avec une montagne de questions et une peur grandissante de ce que son passé pourrait réellement cacher.

L'écho des pas d'Elias résonnait dans le grand hall de marbre de l'hôtel particulier, où le gala de charité battait son plein. Le bruit des conversations sophistiquées, des rires feutrés et des verres qui s'entrechoquaient emplissait l'air, presque assourdissant. À côté de lui, je me sentais étrangement petite, écrasée par la grandeur de l'événement et l'aura de ces personnalités influentes.

- "Alyssa, respirez," murmura Elias en me jetant un regard rapide.

Je levai les yeux vers lui, surprise qu'il ait remarqué mon malaise. Dans son costume noir impeccablement taillé, il semblait totalement à l'aise, comme s'il était né pour évoluer dans ce monde. Moi, en revanche, je me sentais comme une imposteur, même dans cette robe prêtée par Clara, une robe qui coûtait probablement plus cher que mon ancien loyer.

- "C'est facile à dire pour toi," rétorquai-je à mi-voix.

Elias s'arrêta et posa une main sur mon bras. Ses yeux, d'un gris perçant, cherchèrent les miens avec une intensité qui me déstabilisa.

- "Vous êtes là pour m'assister, pas pour vous inquiéter de ce que pensent ces gens."

Il se redressa, l'ombre d'un sourire adoucissant son expression.

- "Et croyez-moi, leur opinion n'a aucune importance."

Je voulais lui répondre quelque chose, mais les mots restèrent bloqués dans ma gorge. À la place, je hochai la tête, essayant de me concentrer sur ma mission : l'aider à gérer les présentations et les discussions d'affaires tout en restant en retrait.

Nous nous dirigeâmes vers la salle principale, où de larges lustres en cristal projetaient une lumière dorée sur les convives. Les serveurs en uniforme glissaient entre les invités, portant des plateaux de champagne et de petits fours. Elias saluait des visages familiers, échangeant des mots polis avec une facilité déconcertante. Moi, je restais près de lui, un pas en arrière, retenant ma respiration à chaque fois qu'un regard s'attardait un peu trop sur moi.

- "C'est votre nouvelle assistante ?" demanda une femme d'une cinquantaine d'années, habillée dans une robe argentée qui semblait briller de mille feux.

- "Oui, Alyssa Reed," répondit Elias, un ton de fierté perceptible dans sa voix.

La femme me tendit une main ornée de bagues.

- "Enchantée, ma chère. Vous avez de la chance de travailler pour un homme aussi... impressionnant."

Son sourire était chaleureux, mais je percevais une pointe de curiosité qui me mettait mal à l'aise.

- "Merci, Madame," murmurai-je, me sentant rougir malgré moi.

            
            

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