Chapitre 10 Chapitre 10

La lumière du jour perçait à travers les immenses baies vitrées du salon, baignant la pièce d'une douce chaleur matinale. Elias était là, debout près de la fenêtre, la silhouette droite et imposante. Il tenait une tasse de café fumante dans une main, l'autre enfoncée dans la poche de son pantalon. Son regard était perdu, fixé sur un point invisible au-delà des jardins parfaitement entretenus.

J'hésitais à le déranger. Après la soirée d'hier et cette étrange altercation avec cet homme dans la rue, quelque chose semblait encore plus peser sur ses épaules. Mais il était le premier à briser le silence.

- « Alyssa, je vais avoir besoin de toi aujourd'hui, » déclara-t-il, sans même tourner la tête.

Sa voix grave avait cette autorité naturelle qui semblait impossible à ignorer.

- « Bien sûr, qu'est-ce que je peux faire ? »

Il se retourna finalement, et je vis un mélange d'hésitation et de fatigue dans son regard.

- « Je dois m'absenter pour des affaires importantes. Je voudrais que tu restes avec Liam toute la journée. Il t'apprécie beaucoup... »

Sa voix traîna légèrement sur la fin, comme si avouer cela lui coûtait.

- « Je ne veux pas qu'il se sente seul. »

Je souris doucement, touchée par sa demande.

- « Tu peux compter sur moi, Elias. »

Il hocha la tête, visiblement soulagé, et déposa sa tasse sur la table basse avant de quitter la pièce.

Quelques minutes plus tard, Liam entra en courant dans le salon, tenant un camion en plastique rouge vif dans ses petites mains. Ses boucles blondes rebondissaient à chaque pas, et son sourire innocent éclaira immédiatement la pièce.

- « Alyssa ! Regarde mon camion, il fait du bruit ! » s'exclama-t-il en appuyant sur un bouton pour faire retentir une sirène mécanique.

Je me penchai à sa hauteur, feignant l'émerveillement.

- « Oh, mais c'est incroyable, Liam ! Tu sais conduire ça ? »

Il éclata de rire, secouant la tête.

- « Non, mais je peux essayer ! »

Son énergie était contagieuse, et avant même de m'en rendre compte, nous étions installés au sol, entourés de ses jouets. Nous construisions des routes avec des blocs et faisions des courses de camions imaginaires. Il me racontait des histoires farfelues, mêlant des pirates, des dinosaures et des extraterrestres, et je l'écoutais avec une attention sincère.

Au fil des heures, je remarquai un changement subtil. Liam, habituellement réservé, semblait s'ouvrir davantage. Il riait plus fort, cherchait mon regard avec confiance, et se blottissait même contre moi lorsqu'il avait besoin de réconfort.

- « Tu es drôle, Alyssa, » dit-il soudainement, avec une sincérité désarmante.

Je souris, émue par sa remarque.

- « Et toi, tu es le garçon le plus courageux que je connaisse. »

Il rougit légèrement, avant de me demander timidement :

- « Tu seras là demain aussi ? »

Je restai silencieuse un instant, prise au dépourvu par sa question.

- « Je serai là aussi longtemps que tu voudras que je reste, » répondis-je finalement.

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Elias rentra plus tôt que prévu, juste avant le dîner. Il entra dans le salon et s'arrêta net en nous voyant, Liam blotti contre moi, à moitié endormi après une longue journée de jeux.

- « Il s'est bien amusé, » dis-je doucement pour ne pas réveiller l'enfant.

Elias s'approcha, un léger sourire se dessinant sur ses lèvres.

- « Ça se voit, » murmura-t-il.

Il s'assit sur le fauteuil en face de nous, ses coudes reposant sur ses genoux. Pendant un instant, il sembla simplement observer la scène, comme s'il essayait de capturer ce moment dans sa mémoire.

- « Merci, Alyssa. »

Je relevai les yeux vers lui, surprise par la sincérité dans sa voix.

- « Tu n'as pas à me remercier, Elias. Liam est un garçon merveilleux. »

Il hocha la tête, mais son sourire s'effaça légèrement.

- « Il me rappelle tellement Sophia, » dit-il après un moment de silence.

Je ne répondis pas tout de suite, le laissant choisir ses mots.

- « Après sa mort, je ne savais pas comment continuer. Je crois que je ne sais toujours pas, à vrai dire. »

Sa voix était empreinte d'une vulnérabilité que je n'avais jamais entendue auparavant.

- « Elle était tout pour moi, Alyssa. Mon pilier, ma force. Et quand elle est partie... tout s'est écroulé. »

Il se passa une main sur le visage, comme pour chasser un souvenir douloureux.

- « Liam est la seule chose qui me rattache encore à elle. C'est pour ça que je suis aussi protecteur. Je ne peux pas me permettre de le perdre, lui aussi. »

Ses mots me touchèrent profondément, et pour la première fois, je compris l'ampleur du poids qu'il portait.

- « Tu fais du mieux que tu peux, Elias. Et Liam le sait. »

Il releva les yeux vers moi, et pour un instant, un silence chargé de compréhension s'installa entre nous.

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Plus tard dans la soirée, après avoir couché Liam, Elias et moi nous retrouvâmes dans la cuisine, partageant un verre de vin. La conversation était légère au début, mais la tension qui avait toujours existé entre nous refit surface, inévitable.

Je me levai pour ranger mon verre, mais Elias se rapprocha, se tenant juste derrière moi.

- « Alyssa... » murmura-t-il.

Je me retournai, mon cœur battant à tout rompre. Ses yeux étaient fixés sur les miens, emplis d'une intensité qui me coupait le souffle.

- « Pourquoi fais-tu ça, Elias ? Pourquoi m'attirer pour ensuite me repousser ? » demandai-je, ma voix tremblante.

Il s'approcha encore, réduisant la distance entre nous.

- « Parce que je ne peux pas te sortir de ma tête, Alyssa. Peu importe combien j'essaie, tu es là, toujours là. »

Ses paroles me firent l'effet d'un choc, et avant que je ne puisse répondre, il se pencha vers moi. Nos visages n'étaient qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, et je pouvais sentir son souffle chaud sur ma peau.

Mais avant que nos lèvres ne se touchent, une petite voix résonna dans le couloir.

- « Alyssa ? »

Nous nous éloignâmes brusquement, pris de court. Liam se tenait dans l'encadrement de la porte, frottant ses yeux ensommeillés.

- « Je peux pas dormir, » dit-il doucement.

Je jetai un regard vers Elias, qui sembla à la fois soulagé et frustré par l'interruption.

- « Viens ici, bonhomme, » murmurai-je en lui tendant les bras.

Il se précipita vers moi, et je le pris dans mes bras, le berçant doucement.

- « Tu veux que je reste avec toi jusqu'à ce que tu t'endormes ? »

Liam hocha la tête, mais avant de reposer sa tête contre mon épaule, il murmura quelque chose qui me serra le cœur.

- « Je t'aime bien, Alyssa. »

Ces mots simples mais sincères me bouleversèrent, et je croisai le regard d'Elias par-dessus la tête de Liam. Dans ses yeux, je vis une émotion que je ne pouvais pas encore déchiffrer, mais qui me laissa comprendre une chose : quoi qu'il se passe entre nous, rien ne serait plus jamais pareil.

Les jours suivant l'interruption de Liam furent marqués par une tension palpable entre Elias et moi. Nous dansions sur un fil invisible, entre attirance évidente et distance imposée. Ses regards se faisaient parfois plus longs, plus lourds, mais il se fermait dès que j'essayais d'amorcer une conversation plus personnelle.

Ce matin-là, alors que je travaillais dans le bureau, triant des dossiers pour une future réunion avec les investisseurs, Elias entra avec une démarche nerveuse. Il portait son costume gris anthracite, impeccablement taillé, mais son expression trahissait une agitation intérieure.

- « Alyssa, je dois te prévenir... » dit-il en croisant les bras, son regard fixé sur un point au-delà de moi.

Je levai les yeux vers lui, perplexe.

- « Me prévenir de quoi ? »

Il hésita un instant, comme s'il cherchait ses mots.

- « Une personne de mon passé va probablement réapparaître aujourd'hui. Je voulais que tu le saches avant qu'elle ne débarque à l'improviste. »

- « Une personne ? » répétai-je en fronçant les sourcils. « Quel genre de personne, Elias ? »

Il soupira, visiblement gêné, et passa une main dans ses cheveux sombres.

- « Chloé Vance. C'est... une ancienne relation. Elle a tendance à surgir quand on s'y attend le moins, toujours avec un agenda caché. »

L'évocation de son nom déclencha une sensation étrange en moi, un mélange d'appréhension et de curiosité.

- « Et pourquoi elle reviendrait maintenant ? » demandai-je en croisant les bras, essayant de dissimuler la pointe de jalousie qui menaçait de percer dans ma voix.

- « Parce que Chloé n'a jamais su accepter un "non" comme réponse. Elle prétend vouloir m'aider, ou plutôt, elle veut m'aider à sa manière... en se plaçant au centre de tout. »

Je restai silencieuse un moment, digérant l'information. Avant que je ne puisse poser une autre question, Liam entra en courant dans le bureau, tenant un avion en papier. Sa présence brisa momentanément la tension, mais je n'oubliai pas les paroles d'Elias.

            
            

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