Le veilleur de nuit
img img Le veilleur de nuit img Chapitre 1 Episode 0
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Chapitre 17 Episode bonus: Retour à l'hôtel. img
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Le veilleur de nuit

YÄLROK
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Chapitre 1 Episode 0

Avant-propos

Chers lecteurs, chers lectrices, tout d'abord je vous remercie d'avoir choisi de lire mes petites chroniques pour me soutenir dans ces malheureux événements de l'année passée.

Cet ouvrage réunit tous mes récits écrits sur Twitter dans la période du 15 septembre au 31 décembre 2017, pendant mon expérience particulière de veilleur de nuit dans un hôtel, plutôt étrange et insolite, des Yvelines.

Ce premier emploi me permettait de payer mon année d'études cinématographique, j'ai juste un petit problème, c'est que je flippe assez facilement dans la pénombre.

J'avais décidé de partager sur Twitter mes angoisses liées à ce nouvel emploi et du coup d'en faire une série, un épisode par nuit passée, à suivre chaque semaine selon les contingences nocturnes. J'écrivais dès que quelque chose se passait ou dès qu'il m'en prenait l'envie. L'idée d'être suivi en direct me rassurait, je n'étais plus vraiment seul. Enfin, un peu quand même, finalement.

J'ai appris que cette façon de raconter des histoires, vraies ou fausses, sur ce site communautaire était une tendance déjà reconnue et qu'on lui avait donné un nom officiel.

Vous avez donc entre les mains ce qu'on appelle tout simplement un Tweetstory, qui ressemble à une sorte de feuilletons, qu'on pouvait suivre, à d'autres époques dans les journaux ou magazines spécialisés.

Un Tweetstory est donc composé de Threads (épisodes), eux-mêmes assemblés de nombreux Tweets. Un Tweet est structuré d'une phrase courte ou de quelques mots de dépassant pas 140 caractères.

J'ai donc dû écrire en fonction de cette contrainte avec des mots simples et en allant à l'essentiel, permettant de rythmer le récit, et en arrangeant la phrase pour qu'elle tienne dans un Tweet. Parfois dans l'angoisse de la situation et dans l'urgence, j'ai utilisé de simples abréviations, ou une structure un peu hachée et forcément un langage parlé en adéquation avec mon jeune âge et l'outil utilisé, c'est-à-dire Twitter.

J'ai décidé de ne pas toucher certains tweets et d'en arranger quelques autres pour une meilleure compréhension, sans dénaturer le style lié à cette façon d'écrire.

Pendant cette période, le nombre de caractères pouvant être utilisé dans un Tweet a doublé, permettant une plus grande aisance dans la structure des phrases. Vers la fin du livre vous en verrez le changement, n'en soyez pas étonné.

Autre chose, j'ai commencé l'écriture à l'épisode 0, c'est-à-dire que ce sont les événements avant la première nuit passée en solo à l'hôtel, une sorte d'introduction et de présentation. Il s'y passe peu de chose, mais ça permet de rentrer en douceur dans le contexte avant la première nuit, déjà affolante.

Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une bonne lecture, de préférence nocturne pour mieux en apprécier le caractère traumatisant que j'ai pu y vivre.

Ceci dit, ça va mieux, hein, je suis guéri.

Le veilleur de nuit.

SEMAINE DU 15 SEPTEMBRE

En recherche d'un nouvel emploi le week-end pour payer mes études de ciné. Prêt à travailler la nuit.

J'ai envoyé mes CV un peu partout, une bonne cinquantaine, dans des cinémas parisiens (j'aimerais bien), des restos, des hôtels...

Pratiquement pas de réponse depuis 2 mois, uniquement un hôtel pour travailler la nuit. Je suis pas fan, je vais attendre avant de répondre.

Hôtel des Yvelines, cherche VEILLEUR DE NUIT H/F. 20h/sem. Nous recherchons pour les nuits d'Octobre/Nov suivantes : vendredi/samedi 23h-9h

C'est l'unique réponse que j'ai eu, ce sera peut-être la seule.

Ça correspond ; j'ai p'tet pas le choix, c'est déjà mieux que rien.

Je devrais quand même appeler, mais j'ai un souci: j'ai peur du noir, une vraie flippette. Je trouverais peut-être autre chose d'ici là.

Bon, j'ai appelé: RDV pris demain pour un entretien, 'tain c'est rapide. J'ai pas le choix tant pis, mon école coûte chère.

L'angoisse ; j'aime pas la nuit. Quand j'étais petit, juste sous le plafond de ma chambre, 3 petites créatures aux grosses têtes me fixaient.

Le soir quand j'allais dans ma chambre ou aux toilettes en passant par le couloir, je longeais les murs à tâtons en guettant partout.

Tellement je flippais, ma mère me disait qu'elle me suivait avec ses yeux. Je les imaginais invisibles juste à côté de moi me protégeant.

Mais ça protégeait que dalle, c'était juste des longs yeux blancs comme ceux du loup de Tex Avery ou de "The Mask" avec Jim Carrey.

À chaque fois que je devais traverser un couloir obscur, j'angoissais. Quand tu te retrouves dans le noir, t'imagines plein de trucs ...

... bizarres, chaque bruit, chaque ombre, chaque forme particulière prennent une ampleur plus cauchemardesque, plus angoissante, plus dark.

Même ado, je flippais. En fait j'ai déjà vécu dans un hôtel, bon c'était plutôt une auberge et mes parents ne louaient pas les chambres, ...

... mais tous ces espaces vides sur les 3 étages du bâtiment, entre les deux salles de restos, le bar au plafond haut et sa grande cheminée, ...

... les couloirs plutôt austères menant aux chambres, tout ça n'était pas très engageant pour aller aux toilettes à l'autre bout, la nuit.

Et si elles étaient occupées, il fallait descendre ce vieil escalier en bois craquant pour utiliser celles du bas en évitant les souris.

On en retrouvait déchiquetées par les mâchoires en fer des tapettes, avec les intestins ouverts et cette odeur de méthane et de putréfaction.

On prenait le petit dej' dans la plus petite salle du resto, c'est la seule qu'on allumait.

Du coup j'imaginais toujours un cambrioleur caché dans un coin sombre, prêt à nous sauter dessus, ou un animal, un monstre ou un fantôôôme.

Cette auberge se situait dans un village paumé en pleine cambrousse de la Beauce face au cimetière. Ambiance chelou.

Pour aller au lycée, ma mère m'emmenait à la gare en voiture sur les routes de campagne, tôt le matin avec beaucoup de brouillard.

Là encore, j'avais les chocottes, j'imaginais des créatures qui sortiraient de la brume pour nous attaquer, nous dévorer comme au cinéma.

Encore dernièrement, un truc étrange se produit quand je me promène seul en ville la nuit, les lampadaires s'éteignent sur mon passage ...

... puis se rallume derrière moi, c'est space. Bref tout ça pour dire que je ne suis peut-être pas fait pour ce taf, mais il faut bien que je taf.

Bon, quoiqu'il en soit, rendez-vous demain avec le patron de l'hôtel.

J'ai cherché sur Google Earth, c'est un hôtel excentré de la ville, se trouvant dans la zone industrielle, à côté des champs.

Bon, je reviens de l'entretien qui s'est plutôt bien passé. Le patron est un peu rustre avec sa carrure de rugbyman.

Mais c'est ce que j'appelle un vrai patron. Il m'a présenté sa femme, petite, menue, plus sèche et même un peu froide.

Du coup je commence une petite formation en soirée la semaine prochaine avant de faire ma première nuit le dernier week-end de septembre.

Faut que j'achète chemise, costard, cravate. Ah, la poisse.

Ensuite, il m'a fait visiter les lieux.

C'est une décoration plutôt champêtre, on se croirait sur le plateau de "chasse et pêche", plutôt chasse que pêche d'ailleurs.

Avec des trophées de chasse, des têtes de gibiers empaillées accrochées aux murs, des photos d'ambiance, c'est mignon, c'est cosy.

L'hôtel est composé de deux étages, de 63 chambres, d'une salle de restaurant, de véranda/terrasse, bar, et d'un espace conférence de 120m².

Mon travail consistera à surveiller tout cet espace, faire la réception et le nettoyage du sol, des chiottes et la plonge restante.

Hier soir, j'ai fait ma petite formation à l'hôtel de 17 à 21H. Ça s'est plutôt bien passé. C'est le retour qui a été plus flippant !!!

Comme je devais attendre 1H un train, j'ai décidé de faire du stop pour rentrer chez moi. Normalement on met une demi-heure en voiture.

Un vieux couple a eu la gentillesse de me prendre dans leur vieux tacot puant sans siège à l'arrière. J'étais assis sur une boite trop haute

Du coup, j'ai fait le voyage avec le cou plié touchant le plafond. La poisse.

J'ai compris d'où venait l'odeur de renfermé.

C'est leur chien qui dort à l'intérieur, il avait l'air de bien m'aimer, même un peu trop. Sa tête était un peu proche de la mienne. LA RAGE

Sa bave abondante dégoulinait sur ma veste, mon pantalon et ma main. Non j'adore les chiens, et il avait l'air gentil, mais là c'est abusé.

Bon, le pire arrive après. Ils me laissent au premier village, j'étais soulagé.

Je continue de marcher sur le bord de la route.

Beaucoup de voiture passent sans s'arrêter. Puis une camionnette ralentit. Les deux jeunes à l'intérieur ont l'air chelous ; délit de faciès.

J'accepte quand même, ils me disent de monter à l'arrière. Aucun siège, rien pour s'asseoir, je reste debout me tenant à ce que je peux.

J'y vois une hache, une tronçonneuse, rien de rassurant. Puis sur la route, le conducteur fait des zigzags me ballottant de droite à gauche.

Ça avait l'air de les amuser de me voir perdre l'équilibre. Ça m'amuse moyennement, je leur demande de sortir.

- T'inquiète, on te ramène.

- Je préfère descendre.

- Qu'est-ce qui y a ? On te fait peur ? Dit le conducteur d'un air brut. On te ramène je te dis.

Je ravale ma fierté.

Les coups de volant sont plus violents, les secousses plus dangereuses, je m'étale parterre. Ils éclatent de rire. Bon je reste accroupi.

Plus loin, le véhicule semble sortir de la route principale, je réussis à me relever pour voir où on va. On s'engage sur un chemin boisé.

- On va où là ? Arrêtez-moi là, ça ira.

- Ta gueule, c'est bon, on fait juste un détour.

Là, je m'inquiète.

Le chemin est tout cabossé, le véhicule sursaute violemment. Je suis projeté de haut en bas, puis le freinage est sec m'envoyant à l'avant,

... puis à l'arrière, complètement sonné, mais content que ça se finisse. Moins content, reprenant mes esprits, quand j'analyse la situation.

Pas le temps de réfléchir ou de réagir, les deux gars sont déjà descendus et ouvrent l'arrière de la camionnette.

Ils me tirent par l'arrière pour m'en sortir et me jeter au sol en rigolant.

- Vas-y, fous toi à poil, enlève ton pantalon.

Oh non, pas ça !

En mode sauvage.

Accroupi, je m'avance sur la terre éclairée par les phares arrière rouges. Les deux gaillards me donnent des coups de pieds.

Restant à terre, je tâte le sol de ma main tremblante qui touche une grosse branche. Je la soulève et je me retourne en frappant très fort.

J'ai touché les jambes du premier qui se retrouve au sol en criant. Puis je me lève entièrement, je prends de l'élan en tournant sur 360°.

J'ai touché la gueule du deuxième qui s'est éclatée contre le véhicule. Lui aussi se retrouve au sol. Levant très haut la branche, je frappe,

... je frappe, encore et encore jusqu'à ce que les gémissements s'arrêtent. Ensuite j'ai pris le véhicule, même si je n'ai pas le permis.

J'ai fait demi-tour, j'ai repris la route principale et je suis rentré chez moi. J'ai garé le véhicule près du camp des gitans de la ville.

Ils le trouveront bien et en feront ce qu'ils voudront.

Sympa la première soirée !

Les prochaines fois, je prendrais le train. Ce sera mieux.

            
            

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