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Tensions croissantes, invisibles mais palpables, s'enroulaient autour de la meute comme une brume lourde. Depuis l'arrivée de Lydia, le climat avait changé. Les conversations s'arrêtaient brusquement lorsque Gabriel entrait dans une pièce, des regards en coin se croisaient, et des murmures, impossibles à ignorer, se faufilaient dans les ombres.
Gabriel observait tout cela depuis la haute fenêtre de son bureau, son regard rivé sur la cour où quelques loups s'entraînaient. Il serra les poings. La meute, sa famille, semblait glisser doucement hors de son contrôle. Et il savait exactement qui en était la cause.
- Alpha.
La voix rauque de Caleb, encore affaibli mais debout malgré sa blessure récente, interrompit ses pensées. Gabriel se tourna vers lui.
- Entre.
Caleb avança lentement, sa démarche trahissant encore une légère douleur.
- Les choses... ne vont pas bien, dit-il avec hésitation, comme s'il redoutait de prononcer ces mots.
- Je suis au courant, répondit Gabriel, la voix basse mais tendue. Qu'est-ce que tu as entendu ?
Caleb inspira profondément avant de répondre.
- Lydia s'entretient avec les anciens. Elle leur parle de la nécessité d'un changement. Elle insinue que ta décision d'honorer cet accord de mariage est la seule chose qui maintient la paix. Mais elle ne s'arrête pas là.
Gabriel releva un sourcil.
- Continue.
- Elle suggère que ton jugement est... compromis.
Le silence qui suivit cette déclaration était glacial. Gabriel sentit son loup gronder en lui, prêt à bondir, à déchirer.
- Compromis ? répéta-t-il, sa voix tranchante comme une lame.
- Elle parle d'Elena, finit Caleb, son regard se baissant légèrement. Elle insinue que... tu passes trop de temps avec elle.
Gabriel resta figé un instant, une tempête grondant dans son esprit. Lydia, calculatrice et rusée, avait trouvé son angle d'attaque. Elle exploitait la moindre fissure, la moindre faiblesse perçue, pour semer le doute dans les esprits.
- Qu'on convoque un conseil, dit-il finalement, sa voix glaciale. Je vais régler ça.
Mais avant même que Caleb ne puisse acquiescer, un bruit de pas précipités retentit dans le couloir, suivi de la porte qui s'ouvrit violemment. Marcus, grand, imposant, et l'ombre du mépris dans les yeux, fit irruption.
- Gabriel, il faut qu'on parle.
- Marcus, grogna Gabriel. Qu'est-ce qui te donne le droit d'entrer ici sans permission ?
- Le droit que j'ai gagné en servant cette meute bien avant que tu sois né, répliqua Marcus avec un sourire narquois.
Caleb fit un pas en avant, prêt à intervenir, mais Gabriel leva une main pour le calmer.
- Parle, Marcus.
L'ancien rival croisa les bras, un sourire froid étirant ses lèvres.
- Il y a des rumeurs, Gabriel. Des rumeurs qui ne devraient pas exister dans une meute forte et unie. Pourtant, elles se propagent comme un feu de forêt.
- Tu veux en venir à quoi ?
- Certains se demandent si tu es encore apte à diriger.
La déclaration fit l'effet d'un coup de tonnerre. Caleb grogna, mais Gabriel resta immobile, son regard perçant fixé sur Marcus.
- Ceux qui remettent en question mon autorité peuvent venir me le dire en face, dit-il calmement, bien que chaque mot était chargé d'une menace implicite.
- Je suis là, répondit Marcus, défiant. Alors dis-moi, Gabriel, où va ta loyauté ? Vers cette meute ou vers cette humaine ?
Le silence qui suivit était assourdissant. Les mots de Marcus étaient une provocation claire, et Gabriel le savait. Mais il savait aussi que répondre sous le coup de la colère ne ferait qu'aggraver la situation.
- Ma loyauté est, et sera toujours, envers cette meute, dit-il enfin, sa voix basse mais pleine de conviction.
Marcus ricana, mais avant qu'il ne puisse répondre, Lydia entra à son tour, un sourire faussement aimable aux lèvres.
- Qu'est-ce que tout ce vacarme ? demanda-t-elle d'un ton innocent.
- Rien qui te concerne, Lydia, répondit Gabriel d'un ton tranchant.
Elle s'approcha, ignorant délibérément son hostilité, et posa une main légère sur le bras de Marcus.
- Oh, mais tout ce qui concerne la meute me concerne aussi, n'est-ce pas ?
Son sourire était doux, mais ses yeux brillaient d'une lueur glaciale. Gabriel sentit la colère monter, mais il se força à respirer profondément.
- Nous réglerons cela au conseil, dit-il finalement. Pas ici. Pas maintenant.
Lydia et Marcus échangèrent un regard, puis elle hocha la tête, toujours souriante.
- Comme tu veux, mon cher fiancé.
Elle tourna les talons et sortit, suivie de Marcus. Caleb ferma la porte derrière eux, puis se tourna vers Gabriel.
- Ils jouent à un jeu dangereux.
- Et ils vont perdre, répondit Gabriel, sa voix dure.
Mais au fond de lui, une autre pensée le hantait : combien de membres de sa meute écoutaient déjà Lydia ? Combien doutaient de lui ? Et combien croyaient aux insinuations sur Elena ?
Cette nuit-là, alors que le domaine s'assoupissait, Gabriel se retrouva seul dans son bureau, une bouteille à moitié vide à portée de main. Son esprit était un champ de bataille, déchiré entre la colère, la frustration et une douleur qu'il ne voulait pas nommer.
Elena. Son visage hantait ses pensées, comme un murmure doux mais persistant. Il ne pouvait nier ce qu'il ressentait pour elle, pas plus qu'il ne pouvait nier que cela compliquait tout.
Il posa la tête dans ses mains, laissant échapper un soupir profond. Et dans l'obscurité, son loup grogna, un son bas et menaçant, comme pour lui rappeler que le combat ne faisait que commencer.