/0/22089/coverbig.jpg?v=d120edfc595220e29f599bab7a546f88)
L'appel du destin ne se manifeste jamais dans un murmure. Pour Gabriel, ce fut un cri sourd, une force qui semblait le tirer irrésistiblement vers la lisière de la forêt, là où une maison isolée abritait la guérisseuse humaine qui hantait ses pensées depuis leur première rencontre.
Le chemin était familier, mais aujourd'hui, il avait un but précis. Une nuit de chasse avait mal tourné, et Caleb, l'un de ses lieutenants les plus loyaux, portait une blessure qui ne guérissait pas malgré l'intervention des guérisseurs loups. Gabriel n'aimait pas faire appel à des humains pour résoudre les problèmes de sa meute, mais quelque chose – peut-être son loup, peut-être autre chose – lui avait soufflé qu'Elena pourrait aider.
Il arriva au bord de la clairière et aperçut la petite maison d'Elena. La lumière d'un feu dansait derrière les rideaux de la fenêtre, projetant des ombres mouvantes qui semblaient vivantes. Il descendit de son cheval, sa démarche déterminée mais hésitante, comme s'il craignait ce qu'il trouverait derrière cette porte.
Il frappa deux fois, puis attendit. Le silence fut rompu par le bruit de pas rapides à l'intérieur. La porte s'ouvrit, et elle apparut, vêtue d'une robe simple, les cheveux relevés à la hâte, son visage éclairé par une curiosité mêlée de surprise.
- Gabriel ? dit-elle, la voix douce mais teintée d'étonnement.
- Elena. J'ai besoin de ton aide.
Il se poussa légèrement pour révéler Caleb, soutenu par un autre membre de la meute. La chemise du blessé était tachée de sang, et son visage était pâle.
- Entrez, vite !
Elle recula pour les laisser passer, sa voix prenant une autorité naturelle alors qu'elle désignait la table au centre de la pièce.
- Posez-le là.
Gabriel observa Elena alors qu'elle s'affairait autour de Caleb, rassemblant des herbes, des linges propres et une fiole d'un liquide qu'il ne reconnut pas. Elle travaillait avec une efficacité méthodique, ses gestes précis, ses sourcils légèrement froncés de concentration.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-elle en versant le liquide sur la plaie ouverte de Caleb, provoquant un grognement de douleur.
- Une embuscade, répondit Gabriel, la mâchoire serrée. Nous étions près de la frontière nord. Il y avait... quelque chose. Une créature que je n'ai jamais vue auparavant.
Elena leva les yeux vers lui, intriguée.
- Une créature ? Vous en êtes sûr ?
- Je sais ce que j'ai vu, Elena, répliqua-t-il, son ton un peu plus brusque qu'il ne l'aurait voulu.
Elle ne répondit pas, retournant son attention sur Caleb. Mais Gabriel pouvait sentir sa curiosité. Elle ne posa pas d'autres questions, se contentant de finir de soigner le blessé. Lorsqu'elle eut terminé, Caleb dormait profondément, son souffle plus régulier, sa couleur revenant doucement.
- Il va guérir, annonça-t-elle, en essuyant ses mains sur un linge. Mais cette plaie... ce n'est pas une blessure normale. Il faudra surveiller son état de près.
Gabriel hocha la tête.
- Merci.
Il y eut un silence, lourd mais pas inconfortable. Elena se tourna vers lui, croisant les bras.
- Pourquoi m'as-tu amené ici, Gabriel ? Vous avez vos propres guérisseurs, non ?
Il hésita. Il n'avait pas de réponse simple à cette question.
- Ils ne pouvaient rien faire, finit-il par dire. Et... je savais que tu pourrais l'aider.
Elle le fixa, ses yeux cherchant quelque chose dans son visage.
- Tu ne sembles pas être le genre d'homme à faire confiance facilement.
- Je ne le suis pas.
Un sourire fugace apparut sur ses lèvres, mais elle détourna rapidement le regard.
- Tu devrais rester cette nuit, dit-elle finalement. Juste au cas où.
Gabriel hésita, mais son loup grogna son assentiment.
- D'accord.
La soirée s'étira dans une ambiance étrange, un mélange de calme et de tension. Gabriel s'assit près du feu, observant Elena alors qu'elle rangeait ses outils et préparait une infusion. La pièce était petite mais chaleureuse, remplie de l'odeur des herbes séchées et du bois brûlé.
- Tu vis seule ici ? demanda-t-il, brisant le silence.
- Oui. C'est plus simple ainsi.
Il hocha la tête, comprenant sans avoir besoin de poser plus de questions. Il savait ce que c'était que d'être entouré de monde tout en se sentant seul.
- Et toi ? continua-t-elle, s'asseyant en face de lui avec deux tasses d'infusion. Tu es toujours entouré, non ?
- Toujours, répondit-il avec un soupir. Mais être alpha, c'est... différent.
Elle sembla hésiter, comme si elle pesait ses mots.
- Ça doit être lourd, dit-elle enfin. Porter la responsabilité de tant de vies.
- Ça l'est. Mais je n'ai pas vraiment le choix.
Leurs regards se croisèrent, et pour un instant, Gabriel oublia tout : sa meute, son devoir, même Lydia. Il y avait quelque chose chez Elena qui apaisait son loup, un sentiment qu'il n'avait jamais connu auparavant.
- Pourquoi fais-tu ça ? demanda-t-il soudain.
- Faire quoi ?
- Soigner. Aider des gens comme nous.
Elle haussa les épaules, son regard s'assombrissant légèrement.
- Parce que tout le monde mérite une chance. Peu importe qui ils sont.
Il sentit un écho de vérité dans ses paroles, une conviction qu'il respectait profondément.
Alors qu'ils continuaient à parler, la nuit avançait, et Gabriel se surprit à se détendre. Mais soudain, une image s'imposa à son esprit, si vive et brutale qu'il se redressa d'un coup.
Elena, debout au milieu des flammes, les bras tendus comme pour repousser une force invisible. Ses yeux étaient remplis de peur, et autour d'elle, des ombres mouvantes semblaient se refermer.
- Gabriel ?
Sa voix le ramena à la réalité, mais son cœur battait encore à tout rompre.
- Je... je vais bien, balbutia-t-il, bien qu'il sache que ce n'était pas vrai.
Elle le fixa, inquiète, mais n'insista pas. Pourtant, l'image restait gravée dans son esprit, une vision qu'il ne pouvait ignorer.
Et au fond de lui, son loup hurlait, comme s'il pressentait un danger qu'ils ne comprenaient pas encore.