Chapitre 2 Chapitre 2

La forêt était calme ce matin-là, enveloppée d'un manteau de brume qui semblait vouloir dissimuler ses secrets. Gabriel marchait d'un pas lent mais assuré, son regard scrutant chaque détail des sous-bois. Il n'était pas rare qu'il patrouille seul, préférant la solitude apaisante de la nature aux responsabilités étouffantes qui pesaient sur lui à la maison. Mais ce jour-là, quelque chose dans l'air était différent, presque électrique.

Le craquement d'une branche brisée attira son attention. Il s'arrêta net, son corps tendu comme une corde d'arc, prêt à réagir. Ses sens lupins captèrent une odeur étrangère, subtile mais persistante. Ce n'était pas celle d'un prédateur ni même celle d'un humain ordinaire. Non, cette odeur portait quelque chose de doux et d'indéfinissable, un mélange de plantes fraîches et de terre humide après la pluie.

Il avança silencieusement, chaque pas calculé pour ne pas trahir sa présence. Lorsqu'il arriva à une petite clairière, il s'arrêta, figé. Devant lui, une silhouette fine et délicate était agenouillée près d'un louveteau blessé.

La jeune femme semblait concentrée, ses mains fines et agiles travaillant avec une assurance qui démentait la tension palpable dans l'air. Elle murmura des paroles apaisantes à l'animal, sa voix douce et mélodieuse se mêlant au chant des oiseaux. Le louveteau, pourtant visiblement effrayé, ne bougeait pas, comme s'il comprenait qu'elle ne lui voulait aucun mal.

Gabriel resta en retrait, son cœur battant un peu trop vite. Il ne savait pas pourquoi, mais la vue de cette inconnue l'ébranlait. Son loup grondait doucement en lui, pas de colère, mais d'une émotion qu'il ne parvenait pas à identifier.

Elle leva les yeux soudainement, ses prunelles vertes se verrouillant sur lui. Un instant de silence s'étira entre eux, comme si le monde avait cessé de tourner.

- Qui êtes-vous  ? demanda-t-elle, sa voix légèrement tremblante mais pas totalement dénuée de courage.

Gabriel fit un pas en avant, émergeant complètement de l'ombre des arbres.

- Je devrais être celui qui pose cette question, répondit-il d'un ton neutre, bien qu'un brin autoritaire.

Elle se redressa lentement, ses mouvements fluides dénotant une certaine grâce. La lumière filtrant à travers les arbres illuminait ses cheveux châtains, légèrement en désordre mais étrangement captivants.

- Je m'appelle Elena, dit-elle enfin. Je ne suis pas une menace, si c'est ce que vous pensez.

Gabriel haussa un sourcil. Une humaine, seule, aussi près du territoire de la meute  ? C'était rare, pour ne pas dire suspect.

- Et que faites-vous ici, Elena  ?

Elle désigna le louveteau derrière elle, qui tremblait encore légèrement mais semblait déjà plus calme.

- Il était pris dans un piège. Une vieille corde, probablement laissée là par un chasseur imprudent. Il n'aurait pas survécu sans aide.

Il y avait une sincérité dans sa voix, une douceur qui le désarma. Gabriel fit un pas de plus, s'accroupissant pour examiner le louveteau. L'odeur de peur et de douleur émanait encore de l'animal, mais les blessures semblaient correctement soignées.

- Vous avez fait ça  ? demanda-t-il en jetant un regard à Elena.

Elle hocha la tête, légèrement hésitante.

- J'ai appris quelques bases de soins. Les plantes sont ma spécialité.

Il sentit son loup se calmer légèrement, mais une autre sensation plus profonde grandissait en lui. Une attraction étrange et inexpliquée. C'était comme si sa simple présence réveillait quelque chose de primitif et de puissant.

- Vous savez que vous êtes sur un territoire dangereux  ? reprit-il, cherchant à reprendre le contrôle de ses pensées.

Elle haussa légèrement les épaules.

- J'habite à la lisière de la forêt. Je connais les dangers, mais je ne pouvais pas laisser cet animal mourir.

Gabriel plissa les yeux. À la lisière du territoire  ? Comment une humaine avait-elle survécu aussi près de leur domaine sans attirer l'attention  ?

- Vous vivez seule  ?

Elle le regarda avec méfiance, mais finit par répondre :

- Oui. Depuis quelques années.

Il sentit un mélange d'admiration et d'inquiétude monter en lui. Une femme humaine, vivant seule si près des loups-garous  ? C'était soit de l'inconscience, soit du courage. Peut-être un peu des deux.

- Vous ne devriez pas être ici, dit-il enfin, se redressant de toute sa hauteur.

Elena fronça les sourcils, croisant les bras comme si elle cherchait à défier son autorité.

- Pourquoi  ? Parce que c'est votre territoire  ? Je ne suis pas une menace pour vous.

Gabriel sentit un sourire naître sur ses lèvres malgré lui. Il appréciait son audace, même s'il ne le montra pas.

- Ce n'est pas une question de menace. Vous êtes humaine. Vous ne comprenez pas les règles de ce lieu.

- Alors expliquez-moi, répondit-elle sans hésiter, son regard brillant d'un mélange de curiosité et de défi.

Il resta silencieux un instant, pris au dépourvu par sa réponse. Peu de gens, humains ou non, osaient lui parler ainsi.

- Ce n'est pas aussi simple, dit-il enfin, sa voix plus douce. Mais si vous tenez à votre sécurité, vous devriez éviter cette forêt.

Elena recula légèrement, comme si ses mots la touchaient plus profondément qu'elle ne voulait l'admettre.

- Peut-être que je ne devrais pas être là, murmura-t-elle. Mais qui va aider ces animaux si je ne le fais pas  ?

Gabriel ne trouva rien à répondre. Elle avait une façon de voir les choses qui lui échappait complètement, mais il ne pouvait nier qu'elle croyait en ce qu'elle disait.

Le silence s'étira de nouveau entre eux, jusqu'à ce qu'un léger gémissement du louveteau brise la tension. Gabriel s'accroupit de nouveau, tendant la main vers l'animal. À sa grande surprise, le louveteau se laissa faire, se blottissant même contre sa paume.

- Il a besoin de repos, dit Elena doucement. Vous devriez le ramener.

Gabriel hocha la tête, soulevant délicatement le petit corps dans ses bras.

- Merci, dit-il, un mot qu'il ne prononçait pas souvent mais qui semblait juste à cet instant.

Elle le regarda, surprise, puis lui offrit un léger sourire.

- Je ne fais que ce qui me semble juste.

Gabriel s'apprêtait à partir, mais quelque chose le retint. Il se tourna vers elle une dernière fois.

- Soyez prudente, Elena. Et si vous avez besoin de quoi que ce soit...

- Je saurai où vous trouver, termina-t-elle, son sourire s'élargissant légèrement.

Il se détourna, son cœur étrangement lourd. Alors qu'il s'éloignait, il sentit son loup murmurer en lui, un mélange de fascination et d'inquiétude. Qui était-elle réellement  ? Et pourquoi sa simple présence semblait-elle bouleverser tout ce qu'il croyait connaître  ?

Gabriel savait qu'il ne tarderait pas à le découvrir.

            
            

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