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Le matin se leva sur la maison de campagne, mais l'air semblait plus lourd qu'hier, plus oppressant. Élodie n'arrivait pas à se détacher de la scène dans la forêt, où Julien l'avait sauvée de la chute, où ses bras l'avaient enroulée avec cette force tranquille qui l'avait à la fois rassurée et déstabilisée. Pourtant, ce matin-là, quelque chose manquait. Il n'était nulle part. Aucune trace de lui, aucun signe, juste le silence pesant de la grande maison.
Elle déambula dans les pièces, son esprit embrouillé par des pensées contradictoires. Où était-il passé ? Après la tension palpable de la veille, après ce frisson étrange qui avait parcouru tout son corps en sa présence, après avoir frôlé l'extinction du souffle dans ses bras, pourquoi disparaissait-il soudainement ? Élodie se sentit abandonnée, un sentiment qu'elle n'avait pas anticipé. Elle avait cru que, même dans cette atmosphère étrange et lourde, quelque chose l'unissait à lui, mais il était comme une illusion, disparue dès le matin.
Elle s'installa dans le salon, les mains serrées autour de sa tasse de thé, espérant un signe de sa part, un mot, un geste, quelque chose qui puisse expliquer ce changement abrupt. Mais rien. Ses pensées étaient un tourbillon. Elle se retrouva à repenser à leurs échanges précédents, aux silences lourds entre eux, aux regards trop intenses, aux gestes trop proches. Mais qu'est-ce que tout cela signifiait ? Pourquoi lui avait-il sauvé la vie, puis s'était-il volatilisé ?
Ce n'est qu'à midi, alors qu'elle attendait dans l'entrée, que Clara apparut. Elle semblait un peu plus calme, mais son regard restait méfiant. Elle s'approcha d'Élodie, s'installant sur le canapé avec elle.
« Alors, tu l'as vu ? » demanda Clara, ses yeux scrutant le visage d'Élodie comme si elle cherchait à y lire quelque chose de secret.
Élodie hocha la tête, l'impression de ne pas avoir toutes les cartes en main. « Je l'ai cherché ce matin. Mais... il n'est nulle part. Que s'est-il passé ? Pourquoi il a disparu comme ça ? »
Clara soupira profondément, s'appuyant contre le dossier du canapé, les bras croisés. « Tu vois, Julien, c'est un homme qui a besoin de contrôler. Il disparaît quand il veut garder une certaine distance, ou quand il juge que l'intensité de la situation devient trop forte. Il te laisse là, et tu te retrouves à te poser mille questions. » Clara marqua une pause, semblant réfléchir. « Il n'est pas comme les autres hommes. Il a des côtés sombres, des parts de lui qu'il garde bien cachées. »
« Mais pourquoi ? Pourquoi il est comme ça ? » Élodie était perdue, une partie d'elle se sentant rejetée, l'autre cherchant une explication à son comportement étrange.
« Parce qu'il a un caractère secret. C'est dans sa nature. Il n'aime pas s'attacher, même s'il te donne l'impression du contraire. » Clara baissa les yeux, comme si elle venait de révéler quelque chose d'important. « Je te préviens, Élodie, si tu tentes de t'approcher de lui trop intensément, il se retirera encore plus. Il a cette capacité à rendre les gens accros à lui, mais au moment où tu en as vraiment besoin, il disparaît. »
Élodie sentit un poids dans sa poitrine. Elle n'avait pas imaginé qu'il puisse être si distant, si insaisissable. « Et tu crois qu'il a voulu... me manipuler ? » demanda-t-elle, la voix presque brisée.
Clara la regarda droit dans les yeux, une expression difficile à déchiffrer sur le visage. « Il manipule tout le monde, à sa manière. C'est son pouvoir. Mais ce n'est pas un pouvoir qu'il utilise à la légère. Tout ça, c'est plus complexe qu'une simple histoire de séduction. » Elle soupira de nouveau, ses doigts se tordant autour de la frange de son pull. « Tu dois être prête à ce que ça ne se termine pas comme tu l'espères. »
Élodie se sentit bouleversée par ses mots, mais au fond d'elle, une petite voix lui disait qu'elle n'avait pas encore tout vu de Julien, et qu'il y avait plus à comprendre derrière cette façade distante. Elle se leva brusquement, comme si un pressentiment l'avait poussée à prendre une décision.
« Je pars, » dit-elle simplement, sans explication, sans chercher à justifier sa décision. « Je vais rentrer. »
Clara la regarda, surprise, mais ne dit rien. Elle comprit, sans doute, que l'influence de Julien l'avait perturbée plus que de raison. Il n'y avait pas de retour en arrière. Les blessures étaient déjà là, même si elles étaient encore invisibles.
Les deux femmes préparèrent rapidement leurs affaires. Clara, bien que réticente, n'insista pas davantage. Elle savait que si Élodie avait pris cette décision, il était inutile de la retenir. Quelques minutes plus tard, elles étaient dans le hall, prêtes à quitter la maison.
Avant de partir, Élodie jeta un dernier coup d'œil au jardin, aux lieux où elle avait vécu ces moments déroutants. Le vent soufflait doucement, comme pour emporter avec lui ses pensées. Mais elle se sentait vide, comme si quelque chose s'était brisé sans qu'elle puisse en saisir l'ampleur.
« Il est parti, » murmura-t-elle pour elle-même, ses yeux se posant sur la porte de la maison, l'impression que la dernière trace de Julien s'éloignait avec elle. « Mais il reviendra. Je le sens. Ça ne fait que commencer. »
Clara la guida jusqu'à la voiture, sans échanger d'autres mots. Elles montèrent, et en silence, le véhicule s'éloigna de la maison de campagne. Mais quelque chose restait suspendu dans l'air. Quelque chose de lourd, de mystérieux. Comme un fil invisible qui les reliait encore, même si elles prenaient la route opposée. Élodie sentait que leur histoire, bien que marquée par une fin abrupte, n'était pas terminée. Leurs vies allaient se croiser à nouveau, et cette tension inexplicable qu'elle ressentait dans ses entrailles ne ferait que grandir avec le temps.
Alors qu'elles roulaient à travers la campagne, une pensée obsédait Élodie. Comment Julien pouvait-il avoir ce pouvoir sur elle, ce pouvoir de disparaître et de laisser derrière lui un vide si profond ? Elle n'avait pas l'habitude d'être affectée ainsi par quelqu'un. Et pourtant, cette nuit, ce matin, cette forêt... tout se mêlait en elle, tissant un réseau complexe d'émotions et de désirs qu'elle ne comprenait pas encore.
Elle tourna son regard vers Clara, qui, les yeux fixés sur la route, semblait perdue dans ses propres pensées. « Tu sais, Clara, tu avais raison. Je ne sais pas ce qui m'a attirée vers lui. Mais je suis certaine que ce n'est pas fini. »
Clara tourna brièvement la tête vers elle, un léger sourire effleurant ses lèvres. « Ce n'est jamais fini avec Julien. »
Élodie hocha la tête, un frisson courant le long de sa colonne vertébrale. Non, ce n'était pas fini. Ce n'était que le début.