Le dîner se déroula dans une ambiance feutrée, presque irréelle. La lumière des chandelles dansait sur la table, et Léo jouait parfaitement son rôle de fiancé attentionné. Il racontait des anecdotes, la faisait rire, et lui parlait d'un futur où tout semblait parfait. Mais plus il parlait, plus Claire avait l'impression d'être piégée dans une toile qu'il tissait autour d'elle.
Entre deux plats, il lui attrapa la main.
- Tu sais, Claire, je veux que tu sois heureuse. Peu importe ce que tu penses ou ce que tu ressens en ce moment, sache que je ferai tout pour toi.
Elle le regarda, déstabilisée.
- Pourquoi tu me dis ça maintenant ? demanda-t-elle doucement.
- Parce que je t'aime, répondit-il simplement.
Ces mots auraient dû la rassurer, mais au contraire, ils la mirent encore plus mal à l'aise.
---
De retour chez elle, Claire retira ses chaussures et s'effondra sur le canapé. Le dîner avait été un succès sur le papier, mais elle se sentait plus perdue que jamais. Elle allait se lever pour se faire un thé quand son téléphone vibra.
Un numéro inconnu s'afficha à l'écran.
Elle hésita, puis décrocha.
- Allô ?
Une voix grave et déformée répondit.
- Claire Vallier, je vous appelle pour vous avertir. Vincent Arnault n'est pas celui qu'il prétend être. Ne lui faites pas confiance.
Son sang se glaça.
- Qui êtes-vous ?! demanda-t-elle, mais la ligne était déjà coupée.
Elle resta immobile, le téléphone toujours à l'oreille, les mots résonnant dans son esprit. Vincent ? Que pouvait-il cacher ?
Dans la pénombre de son salon, un nouveau doute venait de naître, un doute qui menaçait de tout remettre en question.
Le lendemain matin, Claire se réveilla avec une sensation de poids oppressant dans la poitrine. La veille, l'appel anonyme l'avait troublée au point qu'elle n'avait presque pas dormi. Elle passa plusieurs minutes à fixer le plafond, sa tête remplie de questions. Si Vincent n'était pas digne de confiance, que restait-il ? Léo ? Une option qu'elle ne voulait même pas envisager. Pourtant, elle devait comprendre, elle devait savoir.
Elle se leva, enfila un pull large et un jean avant de descendre dans la rue. Les trottoirs parisiens grouillaient de vie, comme chaque matin. Elle traversa la foule, ses pensées s'entremêlant entre l'appel mystérieux et ses doutes grandissants sur Vincent. Elle décida de suivre son instinct. Elle n'avait jamais été du genre à rester les bras croisés.
---
Dans l'après-midi, elle se rendit à l'adresse où Vincent lui avait donné rendez-vous lors de leur dernière conversation. Une petite brasserie en retrait, discrète, presque cachée. Elle s'installa à une table à l'extérieur, feignant de lire un magazine tout en gardant un œil attentif sur l'entrée. Son cœur battait plus vite que de raison. Une heure passa, puis une autre. Elle commençait à perdre patience quand elle le vit enfin.
Vincent était là, vêtu de son éternel trench beige et d'une écharpe sombre qui accentuait encore plus son air mystérieux. Mais ce n'était pas ce qui attira l'attention de Claire. C'était l'homme avec qui il parlait. Grand, blond, portant un costume impeccable, il avait cette allure froide et contrôlée qui rappelait les Chambrel. Elle fronça les sourcils, essayant de deviner la nature de leur conversation.
Ils semblaient en pleine discussion animée. Vincent gesticulait, son visage exprimant tour à tour la colère et la frustration. L'autre homme restait impassible, hochant parfois la tête, comme s'il prenait des notes mentales. Claire prit une grande inspiration, se levant discrètement pour se rapprocher, mais sans se faire remarquer.
- "Je ne peux pas continuer comme ça," entendit-elle Vincent dire d'une voix sèche. "Si tu veux que je collabore, il me faut des garanties."
Le blond haussa un sourcil.
- "Tu savais dans quoi tu t'engageais, Arnault. Maintenant, tu finis ce que tu as commencé."
Le ton glacial de l'homme fit frissonner Claire. Elle recula d'un pas, son cœur tambourinant contre sa poitrine. Qu'est-ce que cela signifiait ? Vincent travaillait-il avec quelqu'un de la famille Chambrel ? Ou contre eux ? Le doute s'insinua plus profondément, creusant un gouffre dans son esprit.
---
Le soir, Amélie passa chez Claire, un sac de courses rempli de bouteilles de vin et de snacks à la main.
- "Ok, raconte tout," dit-elle en déposant le sac sur la table. "Tu as cette tête de zombie qui annonce toujours un drame."
Claire, adossée au mur de la cuisine, lui lança un regard fatigué.
- "J'ai suivi Vincent aujourd'hui."
Amélie haussa un sourcil, visiblement intriguée.
- "Ah, alors on bascule officiellement du côté stalker de la force ? Parfait. Continue, je suis toute ouïe."
Claire soupira avant de tout lui raconter, les moindres détails de ce qu'elle avait vu et entendu. Amélie resta silencieuse, ce qui était rare. Puis, finalement, elle éclata de rire.
- "Tu sais quoi ? Tu devrais écrire un livre. Genre, *Comment ne plus faire confiance aux hommes en trois leçons*. Je t'aiderai à trouver un éditeur. On fera fortune !"
Claire ne put s'empêcher de sourire malgré la gravité de la situation.
- "Sérieusement, Amélie, c'est pas drôle. Je suis perdue. Je ne sais plus à qui faire confiance."
Amélie posa une main sur son épaule.
- "Écoute, ma vieille, c'est clair que ces types jouent tous à des jeux tordus. Mais toi, t'as l'avantage. T'es plus maligne qu'eux. Fais ce que tu fais de mieux : observe, analyse, et frappe là où ça fait mal. Oh, et si t'as besoin d'aide pour leur faire peur, je peux me pointer avec un rouleau à pâtisserie."
Claire éclata de rire, cette fois sincèrement.
- "Merci, Amélie. T'es un peu tarée, mais je sais que je peux compter sur toi."
- "Toujours, ma belle," répondit Amélie en levant son verre.
---
Mais le répit fut de courte durée. Deux jours plus tard, Claire reçut un appel de Léo. Sa voix était étrangement calme, presque douce.
- "On peut se voir ce soir ?" demanda-t-il.
Claire hésita, mais finit par accepter. Mieux valait affronter ses doutes plutôt que de continuer à les fuir.
Lorsqu'elle arriva chez lui, Léo l'attendait dans le salon, un verre de whisky à la main. La lumière tamisée donnait à la pièce une atmosphère presque intime, mais Claire sentait la tension dans l'air.
- "Assieds-toi," dit-il en désignant le fauteuil en face de lui.
Elle s'exécuta, le cœur serré.
- "Claire," commença-t-il, "je sais que tu doutes de moi."
Elle ouvrit la bouche pour protester, mais il leva une main pour l'interrompre.
- "Non, laisse-moi finir. Je sais que tu as parlé à cet avocat, Arnault. Je sais que tu cherches des réponses, et que tu as trouvé des choses qui te font croire que je suis... coupable de quelque chose."
Il se pencha légèrement en avant, posant son verre sur la table basse.
- "Alors voilà ce que je te propose. Si je peux te prouver que tout ça n'est qu'un malentendu, que je suis innocent... tu devras m'épouser immédiatement. Pas dans six mois, pas dans un an. Immédiatement."
Claire le fixa, incapable de répondre.
- "Et si tu es coupable ?" murmura-t-elle enfin.
Léo haussa légèrement les épaules, un sourire énigmatique aux lèvres.
- "Alors tu seras libre de partir. Mais tu ne trouveras rien, Claire. Parce que je n'ai rien fait."
Elle resta figée, son esprit tournant à mille à l'heure. C'était une proposition insensée, mais aussi une manière de la mettre au pied du mur. Elle sentit la panique monter, mais elle savait qu'elle devait répondre.
- "Je... je vais y réfléchir," balbutia-t-elle finalement.
Léo se contenta de sourire, comme s'il avait déjà gagné.
Lorsqu'elle quitta l'appartement ce soir-là, le poids sur ses épaules était plus lourd que jamais. La proposition de Léo flottait dans son esprit, un mélange de défi et de menace voilée. Claire savait qu'elle devait agir, mais chaque pas qu'elle faisait semblait l'entraîner davantage dans un labyrinthe sans issue.