Chapitre 5 Chapitre 5

Alessia était encore plongée dans la montagne de documents laissée par Nathan lorsqu'il entra dans la pièce sans prévenir. Son parfum boisé, mêlé à une subtile pointe d'agrumes, envahit l'espace, troublant son esprit déjà fatigué par des heures de concentration. Il ne portait pas son habituel masque de froideur cette fois. Quelque chose dans son regard - une détermination glaciale et une once de défi - lui fit poser immédiatement son stylo.

« Nous devons parler », déclara-t-il d'une voix tranchante, sans laisser place à une quelconque contestation.

Elle leva les yeux, intriguée.

« Je suis toute ouïe », répondit-elle, feignant un calme qu'elle était loin de ressentir.

Nathan fit quelques pas dans la pièce, son allure imposante réduisant l'espace à une bulle où seule sa présence semblait exister. Ses gestes étaient calculés, presque prédateurs, comme s'il cherchait le bon moment pour porter le coup fatal.

« Je veux que vous m'épousiez. »

Ces mots, lâchés avec une désinvolture qui frisait l'arrogance, eurent l'effet d'une détonation dans le silence feutré du bureau. Alessia resta figée, incapable de déterminer si elle avait bien entendu ou si son esprit, saturé de chiffres et de clauses contractuelles, lui jouait un mauvais tour.

« Je... Pardon ? » finit-elle par balbutier, son masque d'assurance fissuré.

Nathan, imperturbable, s'assit sur le rebord de son bureau, croisant les bras sur son torse dans un geste qui semblait dire : *C'est une évidence, alors pourquoi cette surprise ?*

« Vous avez très bien entendu, Alessia. Un mariage. Avec moi. »

Il n'y avait aucune trace d'humour dans sa voix, aucune exagération dans son ton. C'était une simple affirmation, aussi inébranlable que le regard qu'il posait sur elle.

Elle éclata de rire, un rire nerveux et incrédule qui résonna dans la pièce comme une tentative désespérée d'échapper à l'absurde.

« Vous plaisantez, j'espère. Vous n'êtes pas sérieux... »

« Est-ce que j'ai l'air de plaisanter ? » la coupa-t-il sèchement.

Son rire mourut sur ses lèvres, remplacé par une vague de panique qu'elle s'efforça de maîtriser.

« Pourquoi diable voudriez-vous m'épouser ? »

Nathan se leva, se penchant légèrement vers elle. Le poids de son regard était presque insoutenable, mais Alessia refusa de détourner les yeux.

« Parce que j'ai besoin d'une épouse, et que vous êtes la candidate idéale. »

« Idéale ? » répéta-t-elle, une note d'ironie dans la voix. « Je ne suis qu'une employée, Nathan. Une inconnue dans votre monde. »

« Justement », répliqua-t-il, un sourire énigmatique effleurant ses lèvres. « Vous n'avez pas d'attaches, pas de scandales à votre actif, rien qui puisse entacher mon image. Vous êtes... neutre. »

Le mot la heurta plus qu'elle ne l'aurait admis.

« Et si je refuse ? » demanda-t-elle, croisant les bras en un geste défensif.

Nathan recula légèrement, mais son sourire ne disparut pas.

« Alors rien ne changera », dit-il avec un calme presque inquiétant. « Vous continuerez à travailler pour moi, et moi, je chercherai ailleurs. Mais croyez-moi, Alessia... ce mariage serait aussi bénéfique pour vous que pour moi. »

Elle sentit la colère monter en elle, une colère alimentée par son ton condescendant, par sa manière de traiter cette proposition comme une simple transaction.

« Et en quoi, exactement, serait-ce bénéfique pour moi ? » cracha-t-elle, les yeux flamboyants.

Il haussa un sourcil, visiblement amusé par sa réaction.

« Vous avez des démons, Alessia. Des choses que vous fuyez. Un passé dont vous préférez ne pas parler. »

Elle blêmit, mais il continua, implacable.

« Être ma femme vous offrirait une protection que peu de gens peuvent se permettre. Aucun de vos fantômes n'oserait s'approcher de vous. Et bien sûr, il y a les avantages financiers. »

Elle le fixa, son esprit en ébullition. La colère, la peur, la confusion – tout se mélangeait en un cocktail explosif d'émotions qu'elle peinait à contenir.

« Vous parlez comme si c'était un simple contrat », murmura-t-elle, presque pour elle-même.

« Parce que c'en est un », répondit-il sans hésitation. « Un mariage arrangé, purement stratégique. Mais cela ne veut pas dire qu'il ne peut pas être... agréable. »

Son sourire s'élargit, et Alessia sentit un frisson lui parcourir l'échine, un mélange déroutant d'attraction et de méfiance.

« Je ne suis pas une marionnette, Nathan. Je ne me plierai pas à vos caprices simplement parce que vous en avez décidé ainsi. »

Il s'approcha d'elle, réduisant la distance entre eux jusqu'à ce que l'air semble manquer dans la pièce.

« Je ne vous demande pas de vous plier, Alessia », murmura-t-il, sa voix basse et envoûtante. « Je vous offre une opportunité. Prenez-la ou laissez-la, mais sachez que vous avez 48 heures pour décider. »

Il se redressa, remettant en place la manche de son costume avec une nonchalance exaspérante, avant de se diriger vers la porte.

« Nathan », l'appela-t-elle avant qu'il ne sorte.

Il se tourna, une lueur interrogatrice dans les yeux.

« Pourquoi moi ? » demanda-t-elle, sa voix tremblante malgré elle.

Il la fixa longuement, comme s'il pesait ses mots.

« Parce que vous êtes différente. Et parce que je crois que, malgré vos protestations, vous savez aussi bien que moi que vous n'appartenez pas au monde que vous fuyez. Vous méritez mieux. »

Et sur ces mots, il disparut, la laissant seule avec ses pensées tourmentées.

Alessia s'effondra sur son fauteuil, le regard fixé sur la porte qu'il venait de franchir. Ses mains tremblaient légèrement, et elle sentit une boule se former dans sa gorge.

Elle avait toujours cru être maîtresse de son destin, même lorsqu'il semblait lui échapper. Mais maintenant, elle se retrouvait face à un choix qu'elle n'avait jamais envisagé, face à un homme qui, malgré son arrogance insupportable, semblait la comprendre mieux qu'elle ne se comprenait elle-même.

Elle passa le reste de la nuit à réfléchir, son esprit prisonnier d'un tourbillon de doutes et de questions. L'idée d'un mariage arrangé avec Nathan était absurde, mais une petite voix, enfouie au plus profond d'elle, murmurait que peut-être, juste peut-être, c'était la meilleure chose qui pouvait lui arriver.