Nathan Drake. Même son nom semblait taillé pour commander le monde. Et cet homme l'avait engagée, à elle, Alessia Ford, une jeune femme qui n'avait rien de plus que ses idées et une ambition entêtée. Mais pourquoi ? Une partie d'elle voulait croire que c'était simplement pour son talent. Une autre partie, plus cynique, murmurait qu'il avait vu en elle un défi, un jeu à explorer.
Lorsqu'elle entra dans la salle de conférence ce matin-là, une trentaine de paires d'yeux se tournèrent vers elle. Tous ces hommes et femmes en tailleurs impeccables semblaient sculptés dans le même bloc de glace. Aucun sourire, aucun signe de bienvenue, juste un intérêt distant, presque condescendant.
Elle serra les dents, ajusta son tailleur crème et se dirigea vers la table centrale où Nathan siégeait déjà, comme un roi dans son royaume. Il ne leva pas les yeux immédiatement, feignant d'être absorbé par un dossier devant lui. Mais elle sentait qu'il savait exactement où elle se trouvait, chaque mouvement, chaque souffle.
« Vous êtes pile à l'heure, » finit-il par dire, sa voix résonnant comme un glas dans la pièce silencieuse.
Alessia ne répondit pas, préférant attendre son signal. Ce n'était pas par soumission, mais par stratégie. Nathan était un homme qui calculait tout, et elle devait jouer ses cartes avec précaution.
« Très bien. Montrez-moi ce que vous avez préparé, » dit-il finalement, sans daigner lever les yeux.
Elle connecta son ordinateur au projecteur, ses mains tremblant légèrement alors qu'elle faisait défiler les premières diapositives. La présentation qu'elle avait préparée en urgence portait sur une stratégie de diversification pour l'une des branches de l'entreprise. C'était risqué. Trop audacieux, probablement. Mais elle savait qu'un simple rapport poli et conforme n'impressionnerait pas Nathan. Il fallait de l'impact.
Elle commença à parler, sa voix claire mais ferme, ses mots soigneusement choisis, chaque phrase pensée pour capturer l'attention. Elle s'attarda sur les détails, enchaînant statistiques, graphiques et propositions innovantes. Plus elle avançait, plus elle sentait la tension dans la salle. Certains des cadres présents échangeaient des regards sceptiques, voire hostiles. Mais Nathan, lui, restait impassible, ses yeux gris fixés sur elle avec une intensité qui la faisait presque vaciller.
« Intéressant, » finit-il par murmurer lorsqu'elle termina.
Ce mot, si court, fit l'effet d'une bombe dans la salle. Alessia sentit une vague de soulagement mêlée d'exaltation. Mais le regard de Nathan ne la lâchait pas, comme s'il cherchait à déchiffrer quelque chose au-delà de ses mots.
« Et si cela échoue ? » demanda-t-il, son ton plus incisif.
Elle soutint son regard, refusant de reculer.
« Alors cela échoue. Mais ce serait un échec calculé, avec des pertes minimales et des enseignements précieux. Rester immobile, en revanche, est une perte certaine. »
Un silence lourd s'installa. Puis, contre toute attente, Nathan esquissa un sourire, fugace mais réel.
« Vous avez du cran, Mademoiselle Ford. »
Le reste de la journée se déroula comme dans un rêve, ou peut-être un cauchemar, selon la perspective. Nathan l'introduisit officiellement à son équipe, bien que la plupart des cadres semblaient réticents à accepter sa présence. Certains d'entre eux, manifestement plus âgés et expérimentés, ne se cachaient pas pour exprimer leur scepticisme.
Dans l'après-midi, Nathan organisa une réunion privée avec elle, prétextant vouloir discuter plus en détail de ses idées. Mais il devint rapidement clair que son intention était tout autre.
« Vous n'avez pas peur de moi, n'est-ce pas ? » demanda-t-il, son ton presque moqueur alors qu'il l'observait depuis son fauteuil de cuir noir.
Alessia haussa un sourcil, hésitant entre rire et se sentir insultée.
« Pourquoi devrais-je avoir peur ? » répliqua-t-elle, son ton léger mais défiant.
Il se pencha légèrement en avant, ses doigts croisés sous son menton.
« Parce que je ne joue jamais à moitié, Alessia. Ceux qui entrent dans mon monde finissent soit par en sortir plus forts, soit par être détruits. »
Une étrange chaleur monta le long de sa colonne vertébrale. Était-ce une menace ? Une mise en garde ? Ou simplement une déclaration brutale de vérité ?
Elle ne baissa pas les yeux.
« Alors, il vaut mieux que je devienne plus forte. »
Leurs regards s'affrontèrent, une danse silencieuse mais intense. Nathan finit par se lever, brisant la tension.
« Vous êtes engagée, mais sachez que cela ne signifie pas que vous êtes en sécurité ici. »
Le mystère qui entourait cet homme devenait presque suffocant. Alessia quitta son bureau avec un mélange de triomphe et de confusion. Qu'attendait-il vraiment d'elle ?
Les jours suivants furent un tourbillon de tâches exigeantes et de tests subtils. Nathan semblait se plaire à la pousser dans ses retranchements, lui confiant des missions impossibles et observant comment elle s'en sortait. Mais derrière ses défis, il y avait autre chose, un intérêt qu'il dissimulait à peine.
Un soir, alors qu'elle travaillait tard dans son bureau, il entra sans prévenir.
« Vous êtes persévérante, » dit-il en s'appuyant contre la porte.
Elle releva la tête, surprise mais pas intimidée.
« Ou simplement têtue, » répliqua-t-elle avec un sourire en coin.
Il s'approcha, lentement, son regard fixé sur elle comme s'il cherchait à lire ses pensées.
« Vous savez, Alessia, » murmura-t-il, sa voix plus basse, presque intime, « les gens comme vous sont rares. Ceux qui osent défier les attentes, même dans un monde qui veut les écraser. »
Son cœur battait à tout rompre, mais elle ne montra rien.
« Et vous, Monsieur Drake ? » demanda-t-elle doucement. « Qu'est-ce qui vous pousse à tester les autres de cette façon ? »
Il la fixa, son expression indéchiffrable, puis esquissa un sourire énigmatique.
« Peut-être que je cherche quelque chose que je n'ai pas encore trouvé. »
Et sur ces mots, il tourna les talons, la laissant seule avec ses pensées et une tension palpable dans l'air.
Ce n'était que le début, mais Alessia savait déjà que cette relation, aussi professionnelle soit-elle, ne serait jamais simple. Nathan Drake jouait à un jeu, et elle venait d'être invitée à y participer, qu'elle le veuille ou non.