Son cœur battait trop vite, sa respiration était loin d'être calme, c'était du n'importe quoi, elle devait se maîtriser avant de voir ce qu'il se passait dehors.
D'un cou Charlie se posta auprès d'elle, si proche qu'elle en percevait sa chaleur et sans qu'elle n'en comprenne vraiment la raison, elle se calma, se stabilisa et presque aussitôt un nouveau cri. Un appel. Un appel à l'aide.
Pitié, aidez moi ! Je suis pas armé. Je vous en supplie. Aidez moi !
Puis les prédateurs. Plus proche. Trop proche.Et nombreux.
Son cerveau fusa à toute vitesse, si elle ouvrait, elle serait dans l'obligation de l'aider et donc de partager ces ressources déjà limitées et si elle n'ouvrait pas, l'homme finirait par mourir.
Que ce soit des loups, des chiens errants redevenue sauvage, qu'importe, elle avait vu ce qu'ils faisaient à ceux trop faible pour ce défendre. La loi du plus fort régnait dorénavant, et à ce jeu, l'être humain ne se trouvait pas toujours au sommet de la chaîne alimentaire.
Elle tourna son regard vers le chat à ces pieds avant qu'un nouveau cri ne retentisse, un cri de douleur et sans plus réfléchir, elle ouvra la porte.
L'arme sur l'épaule, la respiration plus calme, les lumières s'allumèrent à l'extérieur dès qu'elle bougea et en une seconde, les détonations retentirent.
Une, puis deux et trois, faisant mouche à chaque fois, s'avançant après chaque cou tiré pour parvenir au bord de sa propriété et après avoir tiré une énième fois, elle débrancha la clôture pour ouvrir la grille et tira l'homme blessé avant de tout barricader.
Les hurlements s'éloignèrent, effrayés par les coup de feu mais ils allaient revenir. Elle le savait.
Jurant contre sa stupidité, elle tira l'homme, à moitié conscient, jusqu'à chez elle avant de ressortir aussitôt pour se débarrasser des cadavres dont l'odeur ne tarderait pas à attirer de nouveaux prédateurs. Elle du utiliser quelques litres de ces précieuses ressources d'essence pour les brûler mais à cette distance, elle n'avait plus le choix et après plus d'une heure à avoir traîné et empilé les carcasses, elle alluma le brasier et rentra.
L'homme s'était relevé et visiblement, il tentait de s'approcher de Charlie qui crachait face à l'inconnu tout en faisant le dos rond.
Elle ne lui laissa pas le temps de poser la moindre question, son arme en main, pointé vers lui, elle prit la parole.
Qui es tu ? Et comment tu es venu jusque ici ?
L'homme, lui tournant le dos jusqu'alors, bougea lentement pour lui faire face. La vingtaine passée, aussi brun qu'elle mais la dépassant d'une large tête. À une autre époque, elle se serait montrée beaucoup plus accueillante mais maintenant, sa survie ne dépendait que d'elle.
Je vous ai vu au village. Je savais pas si je pouvais m'approcher alors,..
Alors tu m'as suivis ! Pourquoi ?
Pourquoi ? Parce que...
L'homme sembla déstabilisé par cette question, pourquoi les êtres humains se rassemblent t'ils alors qu'ils sont seuls. Pourquoi cherchent t'ils le contact des autres alors qu'ils peuvent se subvenir à eux seuls.
Je sais pas. Je vous ai vu et ça faisait tellement de temps que j'avais pas croisé quelqu'un que je vous ai suivis.
Tu es blessé ?
À la jambe, si vous n'étiez pas arrivé je serais sans doute mort. Merci.
Sans doute oui mais pourquoi tu n'as pas d'armes ?
Ils m'ont pisté je crois. Je me suis laissé surprendre. Mon arme était dans mon sac mais pour courir plus vite je l'ai abandonné.
C'est stupide. À quoi peut te servir une arme si elle est rangée dans ton sac ?
Je sais. Je, écoute, je te veux pas de mal, je te le jure. Est ce que tu pourrais baisser ton arme s'il te plaît. Je suis blessé et même ton chat est prêt à m'attaquer, tu ne risques rien.
Tu ne m'en voudras pas si je ne te crois pas sur parole de nos jours, mieux vaux être prudent.
Tu n'as pas besoin de me croire si tu ne le veux pas, enfermes moi, attaches moi si ça te rassures mais s'il te plaît, j'ai juste besoin de me reposer un peu, de me soigner, après je repars. Je suis désolé, je ne voulais pas t'importuner, je pensais juste qu'en cette période c'était normal, enfin je croyais que peut être je devais tenter de voir si...
OK OK c'est bon j'ai compris.
Elle reposa son arme avant de s'avancer vers l'inconnu dont le sang commençait à marquer le sol de son salon. Sans un mot, elle quitta la pièce pour revenir une minute plus tard avec une trousse de premier secours et s'approcha de lui avant de lui dire :
Sois tu baisses ton pantalon pour que je nettoie la plaie soit tu le fais toi même.
Et il s'exécuta silencieusement alors qu'elle prenait de quoi le soigner et durant dix minutes elle fit de son mieux avec ces maigres connaissances. Puis une fois le bandage posé, une fois, le matériel rangé, et alors que Charlie venait se poser auprès de sa maîtresse, l'homme lui dit :
Je m'appelle Lucas. Merci pour les soins. Si tu le permets je repartirai demain matin.
Tu ne pourras pas partir demain. Tes lésions sont profondes, je ne suis pas docteur mais il y a un risque d'infection. Sérieux le risque, si tu ne gardes pas le pansement propre, si tu ne changes pas le linge régulièrement je ne donne pas chère de ta peau. Après si tu veux vraiment partir demain libre à toi mais si l'argent valait encore quelque chose aujourd'hui, je mettrai un billet sur la table en misant sur le fait que tu auras de la fièvre d'ici quelques heures et que tu devras lutter durant plusieurs jours.
Alors, il vaudrait mieux que je parte maintenant.
Il tenta de se déplacer mais la grimace qui s'afficha sur son visage la fit réagir et elle le rattrapa avant qu'il ne tombe.
Arrête de jouer au gros dur tu ne pourra aller nul part, je ne te parle même pas du nombre de maladies transmises par la salive d'un animal sauvage. Imagine le nombre de charognes qu'ils ont bouffées avant de te goûter ? J'ai des antibiotiques, des médicaments et des bandages, tu peux rester quelques jours, le temps que tu te remettes. Il y a une chambre, tu vas t'y installer et quand tu te sentiras mieux, tu pourras partir. Et moi, c'est Pauline, lui dit elle en le guidant.
Puis elle l'aida à s'installer dans un lit et lui apporta de l'eau accompagnée de quelques comprimés avant de retourner face à la cheminée accompagnée de Charlie et de son fusil qu'elle garda contre elle. Emmitouflée dans sa couverture, elle resta éveillée un long moment, un très long moment, à se demander si elle avait bien fait. Si elle avait eu raison de lui ouvrir son domaine, sa dernière forteresse, son seul et unique lieu sûr ou rien n'était venu la troubler depuis des des mois et des mois.
Elle avait elle même protégé sa propriété, enfoncée chaque poteau, fixé chaque barbelé, relié le système à des panneaux solaires pour tout électrifier. Elle avait placé des éclairages tout autour de la propriété pour qu'aux moindre mouvements ils s'allument, avait appris à utiliser des armes alors que jamais ça ne l'avait intéressé et pour autant, après tout ce qu'elle avait pu voir, elle l'avait laissé entrer. L'avait recueillit et en fermant les yeux, en s'endormant, Charlie se serra un peu plus contre elle alors qu'à son tour, elle empoignait un peu plus fortement le canon de l'arme entre ces doigts.
Des gémissements la tirèrent de son sommeil, des bruits étranges d'un autre être vivants. Chose qu'elle n'avait plus entendu depuis longtemps, très longtemps et qui pour autant, l'inquiétèrent. Elle sursauta presque en se rappelant de cet invité nocturne qui occupait sa chambre, vers lequel elle se dirigea. Comme prévu, la fièvre le gagnait, petit à petit. Elle lui administra des antibiotiques avant d'aller chercher de l'eau fraîche et de lui poser des linges humides sur le front.
S'en suivit une semaine à lutter contre l'infection. À changer des pansements. À drainer le pu sur les morsures. À donner des médicaments. À hydrater. À nourrir tant bien que mal, entre deux périodes de semis lucidité. À changer ces vêtements après avoir trop transpirer suite à une poussée de fièvre.
Un jour après l'autre, durant lesquels, elle repensa à sa mère, lorsqu'elle la soignait étant enfant. Préparant sa soupe préférée, la dorlotant, la couvrant d'attention en remontant la couverture sur ces épaules et en déposant un baiser sur son front pour vérifier sa température.
Elle n'avait pas eu la même chance que Lizzy. Sa mère n'était pas une des mortes de la première vague, elle était plutôt une victime de la deuxième. Car à l'époque, quand la terre s'est réveillée, quand le monde s'est soulevé, quand les volcans se sont mit à jaillir et que les montagnes se sont déplacées, lorsque la terre après avoir tremblée encore et encore n'a laissé qu'un champs de guerre, ravagé par la mort, alors l'enfer s'est dévoilé et son visage ressemblait à tant d'autres.