Chapitre 5 Chapitre 5

Quelques heures plus tard, Axel me trouva près de la rivière, où je tentais de calmer ma colère en lançant des pierres dans l'eau.

"Tu as l'air contrariée," dit-il en s'approchant avec son sourire habituel.

"Tu m'observes maintenant ?" rétorquai-je, irritée.

"Je te croise par hasard," répondit-il en haussant les épaules. "Enfin, presque."

Il s'assit près de moi, sa présence impossible à ignorer.

"Gabriel encore, je parie," dit-il après un moment de silence.

"Il ne me fait pas confiance," avouai-je, laissant échapper une partie de ma frustration. "Il garde tout pour lui, comme si ça allait résoudre quoi que ce soit."

"Ça ne m'étonne pas," répondit Axel, son ton devenant plus sérieux. "Gabriel a toujours été comme ça. Il pense que porter le poids du monde sur ses épaules est la seule façon de protéger la meute."

"Et toi, tu ferais quoi à sa place ?"

Il me regarda avec intensité, son sourire se transformant en quelque chose de plus sincère. "Je ferais confiance à ceux qui veulent m'aider."

Il tendit la main, effleurant doucement la mienne. "Clara, tu as beaucoup plus à offrir que ce qu'il ne voit. Ne laisse pas ses doutes te retenir."

Je retirai ma main, mal à l'aise, mais Axel ne semblait pas s'en formaliser.

"Viens," dit-il soudainement en se levant. "On va s'entraîner. Ça te fera du bien."

***

L'entraînement était devenu une routine presque quotidienne avec Axel, mais cette fois, quelque chose était différent. Il semblait plus insistant, plus déterminé à me pousser au-delà de mes limites.

"Encore," ordonna-t-il après que j'eus raté un coup.

"Je suis fatiguée," protestai-je, essuyant la sueur de mon front.

"Et tu crois que tes ennemis te laisseront une pause parce que tu es fatiguée ?" demanda-t-il, un sourire moqueur sur les lèvres.

"Tu es insupportable," grommelai-je en reprenant ma position.

"Mais efficace," rétorqua-t-il avec un clin d'œil.

Nous échangeâmes plusieurs coups, le rythme devenant de plus en plus intense. À un moment donné, il bloqua mon mouvement et se retrouva derrière moi, son souffle chaud contre mon oreille.

"Tu vois ? Quand tu te concentres, tu es redoutable," murmura-t-il, sa voix basse et chargée d'une intensité qui me troubla.

"Tu pourrais me lâcher ?" demandai-je, tentant de masquer mon malaise.

Il recula avec un sourire, mais son regard resta fixé sur moi, comme s'il cherchait à lire mes pensées.

"Clara," dit-il soudainement, "tu sais que tu mérites mieux que ce que Gabriel te donne, non ?"

"Et toi, tu crois que tu sais ce que je mérite ?" rétorquai-je, essayant de garder un ton neutre.

"Peut-être," répondit-il en haussant les épaules. "Mais je sais que tu as besoin de quelqu'un qui croit en toi. Et ce quelqu'un, ce n'est pas Gabriel."

Je ne répondis pas, mais ses mots restèrent gravés dans mon esprit bien après que l'entraînement fut terminé.

***

Cette nuit-là, je ne trouvai pas le sommeil. Mon esprit était un tourbillon de doutes et de questions sans réponse. Gabriel, Axel, la malédiction... tout semblait se mélanger, formant un labyrinthe dont je ne voyais pas la sortie.

Gabriel, quant à lui, semblait lui aussi tourmenté. J'avais remarqué qu'il passait de plus en plus de temps seul, souvent en pleine nuit, à marcher autour du camp comme une âme en peine.

Ce fut lors d'une de ces nuits que je le surpris. Il était assis près d'un feu mourant, les yeux fixés sur les flammes comme s'il y cherchait des réponses.

"Gabriel ?" appelai-je doucement, hésitant à m'approcher.

Il sursauta légèrement, mais ne se retourna pas.

"Qu'est-ce que tu fais là, Clara ?" demanda-t-il, sa voix étrangement calme.

"Je pourrais te poser la même question," répondis-je en m'approchant.

Il resta silencieux un moment avant de murmurer : "Elle était ici."

"Qui ?"

"Luna."

Son nom fit l'effet d'un coup de poignard. Luna, sa défunte compagne, la femme qu'il avait aimée plus que tout.

"Tu l'as vue ?" demandai-je, incapable de cacher ma surprise.

"Pas vraiment," dit-il, sa voix emplie d'une douleur que je ne lui avais jamais vue auparavant. "Mais je l'ai entendue. Elle me parlait, me mettait en garde contre quelque chose..."

"Gabriel," commençai-je, mais il secoua la tête.

"Je ne sais plus quoi faire, Clara," avoua-t-il finalement. "Chaque choix que je fais semble être le mauvais. Et maintenant, elle me dit que je dois faire un choix qui pourrait tout changer."

"Tu n'es pas seul dans tout ça," dis-je, posant ma main sur son épaule.

Il se leva soudainement, se détachant de mon contact. "C'est justement ça, Clara. Parfois, il vaut mieux être seul."

Avant que je ne puisse répondre, il partit, me laissant seule près du feu.

***

Le lendemain matin, Gabriel annonça à la meute que des mesures allaient être prises pour "protéger" ceux qui n'étaient pas directement impliqués dans les affaires de la meute. Je compris rapidement que cela signifiait qu'il comptait m'écarter, mais je refusais de l'accepter sans me battre.

"Tu ne peux pas me faire ça," lui dis-je après la réunion.

"Clara, ce n'est pas une punition," répondit-il, son ton patient mais ferme. "C'est pour ta sécurité."

"Ma sécurité ?!" éclatai-je. "Depuis quand est-ce que tu te soucies de ma sécurité ? Tu veux juste me garder dans l'ignorance."

"Crois-moi, tu ne veux pas savoir," dit-il, son regard empreint d'une tristesse que je ne comprenais pas.

"Et si c'est justement ce que je veux ?"

Il secoua la tête, mais ne répondit pas.

Axel, qui avait assisté à notre échange de loin, s'approcha une fois que Gabriel fut parti.

"Il n'a pas le droit de te traiter comme ça," dit-il, son ton chargé de colère.

"Qu'est-ce que tu veux que je fasse, Axel ? Il est l'Alpha."

"Peut-être qu'il est temps de lui rappeler que tu n'es pas une simple Omega," répondit-il, un sourire mystérieux

sur les lèvres.

Il me tendit la main. "Fais-moi confiance, Clara. Ensemble, on peut changer les choses."

Je restai un instant immobile, hésitante, avant de prendre sa main. Si Gabriel refusait de me laisser entrer dans son monde, alors peut-être qu'Axel avait raison. Peut-être que je devais trouver mes propres réponses.

Le camp était plongé dans une étrange torpeur ce matin-là. Les tensions, bien que sous-jacentes, semblaient prêtes à éclater à tout moment. Les guerriers allaient et venaient, évitant soigneusement de croiser les regards ou échangeant des murmures à voix basse. Les récents événements avaient laissé une marque indélébile sur la meute, et chacun semblait marcher sur des œufs.

Assise à l'écart près de la clairière, je jouais distraitement avec une brindille, perdue dans mes pensées. La conversation de la veille avec Axel résonnait encore en moi. Il avait un talent certain pour semer le doute, mais était-il sincère, ou cherchait-il simplement à me manipuler pour servir ses propres intérêts ?

"Clara ?" La voix douce et familière d'Amalia me tira de mes réflexions. Je relevai la tête pour voir mon amie s'approcher, son visage marqué par une inquiétude palpable.

"Tu sembles bien pensive," observa-t-elle en s'asseyant à côté de moi.

"On dirait que c'est une habitude ces derniers temps," répondis-je avec un sourire forcé.

Elle me regarda longuement, comme si elle cherchait à lire dans mes pensées. "C'est Axel, n'est-ce pas ?"

Sa question me prit au dépourvu. "Pourquoi tu dis ça ?"

"Parce que je vois comment il te regarde," dit-elle, son ton devenant plus sérieux. "Et je vois aussi comment il agit avec les autres. Clara, tu dois faire attention à lui."

"Axel est direct, oui, peut-être même un peu provocateur, mais il n'est pas mauvais," répondis-je, un brin sur la défensive.

"Tu te trompes," insista Amalia, sa voix se faisant plus pressante. "Il manipule tout le monde autour de lui. Il veut du pouvoir, et il est prêt à tout pour l'obtenir."

Je détournai les yeux, mal à l'aise. "Il m'a seulement aidée à voir les choses différemment."

"Non, il t'entraîne dans son jeu," répliqua-t-elle, son regard perçant. "Et crois-moi, Clara, tu ne veux pas être une pièce dans son échiquier."

Je n'avais pas de réponse à lui offrir, seulement un silence lourd qui semblait confirmer ses pires craintes