Sofia avait hésité longtemps avant d'accepter l'invitation d'Alessandro. Il avait insisté, avec cette douceur exaspérante qu'il savait si bien manier. Après tout, c'était pour son bien, n'est-ce pas ? Pour l'aider à reconstruire sa vie, à échapper à l'ombre de son père. Mais chaque fibre de son être résistait à l'idée de passer plus de temps avec lui. Alessandro était un homme dangereux, elle le savait au fond d'elle. Ses yeux, si froids, son sourire trop parfait, tout chez lui semblait calculé.
Pourtant, il y avait quelque chose d'irrésistible dans sa présence, quelque chose qu'elle n'arrivait pas à ignorer.
Elle se tenait dans le hall d'entrée, son manteau encore légèrement humide de la pluie, en train de fixer son téléphone. Elle avait dit qu'elle viendrait seule, qu'il n'y aurait pas de rendez-vous officiel, juste une rencontre pour discuter des opportunités professionnelles. Mais elle ne pouvait pas ignorer le nœud dans son ventre, la nervosité qui lui serrait la gorge. Elle savait qu'une rencontre avec Alessandro, quelle qu'en fût la forme, risquait de se transformer en quelque chose de bien plus complexe.
L'ascenseur arriva, brisé dans sa contemplation, et elle monta les trois étages. Lorsqu'elle entra dans l'appartement, une sensation étrange l'envahit. Tout semblait figé, parfait. Le silence régnait, et l'atmosphère était chargée d'une tension palpable, comme si chaque objet dans la pièce était soigneusement placé pour donner l'illusion d'une vie parfaitement ordonnée, mais sous laquelle se cachait quelque chose de bien plus trouble.
Elle n'eut pas le temps de réfléchir plus longtemps. Alessandro apparut dans l'embrasure de la porte, un sourire décontracté sur les lèvres, mais ses yeux trahissaient une intensité qu'elle ne pouvait ignorer.
« Sofia, bienvenue. » Il s'approcha d'elle, son regard scrutant son visage, cherchant peut-être une réaction, une trace de nervosité, mais elle le maintint dans ses yeux avec une certaine fermeté.
« Merci pour l'invitation. » Elle s'efforça de rester polie, mais ses pensées se bousculaient. Pourquoi avait-elle accepté de venir ici ? Pourquoi se laissait-elle entraîner dans ce jeu dangereux ?
Alessandro la guida dans le salon, un espace ouvert, moderne, où chaque détail semblait avoir été choisi pour impressionner sans paraître ostentatoire. Les canapés en cuir blanc, les œuvres d'art modernes accrochées aux murs, l'éclairage doux qui ajoutait à l'ambiance presque feutrée. Tout était parfait, tout, sauf l'agitation croissante dans sa poitrine.
« Installez-vous, s'il vous plaît. » Il la désigna d'un geste élégant vers un canapé en cuir, avant de prendre place à côté d'elle. « Nous avons beaucoup à discuter. »
Elle se sentit immédiatement mal à l'aise sous son regard scrutateur. Comment pouvait-il être si calme, si sûr de lui ?
« Je suppose que vous êtes curieuse de savoir ce que je vous propose », commença-t-il, son ton posé. Mais il y avait quelque chose dans la manière dont il parlait, quelque chose de plus personnel, presque intime, qui la faisait se sentir vulnérable.
Sofia se força à se détendre, à ne pas laisser ses émotions prendre le dessus. « Oui, j'avoue que j'ai du mal à comprendre ce que vous attendez de moi. Vous avez proposé une collaboration professionnelle, mais... » Elle hésita, ne sachant comment formuler sa question. « En quoi cela pourrait-il vraiment m'aider à me libérer de l'héritage de mon père ? »
Alessandro sourit lentement, un sourire calculé. « Vous êtes plus perspicace que je ne l'aurais cru. » Il se pencha légèrement vers elle, son regard sombre capturant le sien. « Ce que je vous propose, Sofia, c'est une chance de tourner la page, d'effacer ce passé. Ensemble, nous pouvons bâtir quelque chose de nouveau, de solide. Une carrière indépendante, loin de l'ombre de Viktor Petrov. »
Elle le regarda, sceptique. « Et pourquoi m'offrir cela ? Pourquoi vouloir m'aider ? Vous ne me connaissez même pas. »
Alessandro inclina la tête, l'air presque pensif. « Je vous connais plus que vous ne le pensez. Et je vous aiderai parce que c'est dans mon intérêt. Vous avez du potentiel, Sofia. Ce que vous avez vécu, ce que vous êtes, cela peut être une force. Mais vous devez d'abord accepter de faire ce premier pas, d'accepter de vous laisser guider. »
Sofia se sentait piégée par ses mots, mais elle ne voulait pas l'admettre. Il avait une manière de parler, de manipuler les choses avec une aisance déconcertante, et elle avait du mal à lui résister. « Vous semblez croire que vous avez tout le contrôle. »
Alessandro se rapprocha un peu plus d'elle, son souffle effleurant sa peau. « Peut-être. Mais vous avez un choix, Sofia. Vous pouvez choisir de faire les choses à votre manière, ou vous pouvez choisir de me faire confiance. »
Un silence lourd s'installa entre eux, un silence lourd de non-dits, alors que leurs regards s'accrochaient avec une tension palpable. Elle sentit son cœur battre un peu plus vite, comme si une partie d'elle voulait céder, céder à cet homme, à cette proposition. Mais une autre part, la part la plus rationnelle, savait qu'elle devait rester vigilante.
Alessandro rompit enfin le silence, d'un ton plus léger. « Vous avez soif ? » Il se leva et se dirigea vers une petite table bar, sans attendre de réponse.
Sofia le suivit des yeux, observant la fluidité de ses mouvements. Il était si sûr de lui, si charismatique. Elle aurait pu l'envier, mais elle savait qu'elle ne devait pas se laisser entraîner.
« Je vais prendre de l'eau. » Elle hésita un instant, puis ajouta, presque pour elle-même, « J'ai l'impression de me perdre dans ce monde. »
Alessandro revint vers elle, un verre à la main. Il lui tendit l'eau avec une douceur calculée, presque tendre. « Vous ne vous perdez pas, Sofia. Vous apprenez juste à naviguer dans un nouvel environnement. » Il s'assit à nouveau, cette fois plus près, si près qu'elle pouvait sentir la chaleur de son corps. « Et vous n'êtes pas seule. »
Sofia détourna les yeux, se concentrant sur le verre d'eau qu'elle tenait entre ses mains. Ses doigts tremblaient légèrement, et elle se maudit de cette faiblesse qui l'envahissait.
Le silence s'éternisa à nouveau, mais cette fois, quelque chose d'inattendu se produisit. Alors qu'Alessandro se penchait pour allumer une cigarette, un simple mouvement de sa main fit basculer le verre d'eau, renversant une partie du liquide sur ses genoux.
Elle se leva précipitamment pour éponger l'eau, mais en s'abaissant pour nettoyer, un geste mal calculé fit qu'elle se cogna contre lui, le bousculant légèrement.
Ce petit incident, si insignifiant en apparence, fit surgir une émotion chez Sofia qu'elle n'avait pas anticipée. Elle sentit une vague de chaleur envahir ses joues, mais aussi une inexplicable vulnérabilité, quelque chose de profondément humain qui la rattrapait. Elle avait agi avec hâte, sans penser aux conséquences.
Alessandro la regarda, un éclair de compréhension traversant ses yeux sombres. « Ce n'est pas grave, Sofia. »
Mais dans la lueur de ses prunelles, elle remarqua quelque chose qu'elle n'avait pas vu jusque-là : une lueur de trouble. Pas de jugement, mais un trouble silencieux. Il se leva et la guida d'un geste discret vers un canapé, l'incident déjà oublié dans l'atmosphère feutrée.
Cependant, l'échange avait fait naître quelque chose d'inattendu entre eux, un frémissement de réelle humanité. Cette fragilité, bien que fugace, n'avait pas échappé à Alessandro. Une part de lui, aussi calculatrice qu'il fût, était troublée par cette brèche dans la façade de Sofia. C'était un jeu délicat qu'il jouait, et il savait qu'à tout moment, l'équilibre pouvait basculer.