Chapitre 4
Le soleil matinal perçait à travers les rideaux miteux de la petite chambre de motel, baignant l'espace d'une lumière pâle et délavée. Lana ouvrit péniblement les yeux, sa tête lourde, son corps étrangement faible. Ce n'était pas la première fois qu'elle se sentait ainsi ces derniers jours. Une fatigue écrasante semblait la suivre partout, et des nausées insidieuses la prenaient au réveil, sans prévenir.
Elle se redressa sur le lit, sa main pressant son front brûlant. Une autre vague de vertige lui fit fermer les yeux. Elle inspira profondément, tentant de calmer la sensation de tourbillon dans sa tête. Quelque chose n'allait pas. Ce n'était pas seulement le stress de sa fuite ou les émotions brutales qu'elle avait vécues. C'était physique. Réel.
Lana repoussa la couverture, attrapa son téléphone sur la table de chevet, et chercha un médecin dans la région. Après plusieurs appels infructueux, elle réussit à décrocher un rendez-vous dans une clinique voisine. Ce n'était pas idéal, mais c'était suffisant pour ce qu'elle avait besoin : comprendre ce qui se passait avec son corps.
La clinique était modeste, nichée entre une pharmacie et une station-service. Lana sentit une pointe de nervosité en entrant. L'odeur caractéristique d'antiseptique et le murmure des conversations à voix basse ne faisaient qu'amplifier son malaise. Elle s'assit sur une chaise en plastique, ses mains crispées sur son sac, tandis qu'elle attendait son tour.
« Mademoiselle Rivers ? » appela une infirmière, sortant la tête d'une porte.
Lana se leva, sa nervosité augmentant à chaque pas qu'elle faisait vers le bureau du médecin. À l'intérieur, un homme d'âge moyen, à l'air bienveillant mais fatigué, l'accueillit avec un sourire professionnel.
« Bonjour, je suis le docteur Reynolds. Que puis-je faire pour vous aujourd'hui ? »
Lana hésita un instant. Par où commencer ? Elle lui expliqua brièvement ses symptômes : la fatigue, les nausées, les vertiges.
Le médecin hocha la tête tout en prenant des notes. « Nous allons faire quelques tests pour en avoir le cœur net, » dit-il calmement. « Ne vous inquiétez pas, cela pourrait être quelque chose de bénin, comme une carence en fer ou simplement du stress. »
Lana acquiesça, bien que son cœur battait plus vite. Elle suivit l'infirmière dans une petite salle où on lui prit du sang et la fit passer par divers examens. Le processus sembla durer une éternité, et chaque minute passée à attendre les résultats augmentait son angoisse.
Une heure plus tard, elle se retrouva à nouveau dans le bureau du médecin. Il tenait un dossier dans ses mains, son expression neutre mais attentive. Lana sentit son estomac se nouer.
« Eh bien, vos symptômes ont une explication assez claire, » commença-t-il doucement. Il posa le dossier sur son bureau et croisa les mains. « Félicitations, mademoiselle Rivers. Vous êtes enceinte. »
Les mots tombèrent dans la pièce comme une bombe. Lana cligna des yeux, incapable de comprendre immédiatement ce qu'il venait de dire.
« Quoi ? » murmura-t-elle, sa voix brisée par la surprise.
Le médecin lui adressa un sourire encourageant. « Vous êtes enceinte, probablement d'environ six ou sept semaines. Si vous voulez, nous pouvons organiser une échographie pour confirmer la date exacte. »
Lana secoua la tête, incapable de parler. Son esprit s'emballait, revisitant chaque instant des dernières semaines. Elle pensa à William, à leurs nuits passionnées, à leur dernier moment ensemble avant que tout ne s'écroule. La vérité lui frappa de plein fouet : cet enfant était le sien. Le leur.
« Est-ce que tout va bien ? » demanda le médecin, remarquant son silence prolongé.
Lana déglutit difficilement et tenta de rassembler ses pensées. « Oui, je... je suis juste un peu... surprise. » C'était un euphémisme. Elle était complètement bouleversée.
Le médecin hocha la tête avec compréhension. « C'est normal. Prenez le temps de digérer la nouvelle. Si vous avez des questions ou besoin de conseils, n'hésitez pas. L'important est de prendre soin de vous et de ce petit être en développement. »
Lana acquiesça vaguement, se levant d'un geste presque automatique. Elle serra les documents qu'il lui tendit – une ordonnance pour des vitamines prénatales, des instructions sur la nutrition – mais elle avait l'impression d'être dans un rêve étrange et irréel.
Elle sortit de la clinique en titubant légèrement, la lumière extérieure l'aveuglant après l'obscurité de l'intérieur. La chaleur du soleil sur sa peau ne l'apaisa pas. Tout ce qu'elle pouvait entendre, c'était cette phrase répétée en boucle dans sa tête : *« Vous êtes enceinte. »*
Elle retourna à sa voiture et s'effondra sur le siège, sa tête reposant contre le volant. Les larmes commencèrent à couler, silencieuses mais intenses. Elle ne savait pas si elle pleurait de peur, de choc, ou d'une autre émotion qu'elle ne pouvait pas encore nommer. Elle était enceinte. D'un homme qui lui avait demandé de disparaître de sa vie.
Que devait-elle faire maintenant ?
Une partie d'elle voulait hurler, crier à l'injustice. Elle s'était battue pour construire un avenir loin de William, loin de sa famille et de leur monde oppressant. Et maintenant, ce futur semblait compromis, mêlé de façon inextricable à cet homme qu'elle essayait désespérément de fuir.
Mais malgré la confusion et la peur, une autre émotion s'éveillait en elle. Une étincelle, fragile mais présente. Elle posa une main tremblante sur son ventre, un geste instinctif. Là, à l'intérieur d'elle, une vie grandissait. Une vie qu'elle n'avait pas planifiée, mais qu'elle ne pouvait pas ignorer.
Les larmes cessèrent, remplacées par une détermination nouvelle. Peu importait ce que cela signifiait pour son avenir. Peu importait les sacrifices qu'elle devrait faire. Cet enfant était innocent, et elle ferait tout pour le protéger. Elle savait déjà qu'elle ne dirait rien à William. Il l'avait rejetée, humiliée, et elle ne lui devait rien. Elle élèverait cet enfant seule, loin de lui et de tout ce qu'il représentait.
Lana prit une grande inspiration, essuya ses joues, et redressa ses épaules. Elle regarda son reflet dans le rétroviseur : des yeux rougis mais résolus. Elle n'était pas brisée. Pas encore. Et elle ne le serait jamais, tant qu'elle avait une raison de se battre.
Elle mit le contact et prit la route, cette fois non pas pour fuir, mais pour avancer. Une nouvelle vie l'attendait, et elle comptait bien la vivre à sa façon, peu importe les obstacles.