Chapitre 2
Lana était rentrée chez elle en courant, le cœur lourd et la gorge serrée par des sanglots qu'elle refusait de laisser éclater. Ses talons hauts, qui lui donnaient d'ordinaire une démarche assurée, claquaient sur le pavé humide avec une cadence désordonnée. Elle n'avait même pas pris le temps d'appeler un taxi, trop désorientée pour attendre. L'air froid de la nuit mordait sa peau, mais elle n'y prêtait aucune attention. Ses pensées tournaient en boucle, répétant sans relâche les paroles tranchantes de William.
C'était fini. Il l'avait dit sans aucune hésitation. Elle n'avait été qu'une passade, un secret honteux qu'il pouvait écarter sur un simple caprice de sa famille. Comment avait-elle pu être aussi stupide ? Elle s'était laissé séduire par son sourire irrésistible, par ses promesses murmurées dans l'intimité, par la chaleur de ses bras. Et maintenant, il l'avait rejetée comme si elle n'avait jamais compté.
Lorsqu'elle atteignit enfin son appartement, elle se précipita à l'intérieur et referma la porte derrière elle. Elle s'y adossa, laissant enfin les larmes couler librement. Ses sanglots étaient désordonnés, mêlés de rage et de douleur. Elle ne comprenait pas comment tout cela avait pu si rapidement déraper. Était-ce Cassandra ? Avait-elle tout planifié ? William avait-il toujours su qu'il la quitterait un jour ? Ces questions la tourmentaient, mais aucune réponse ne semblait suffisante pour apaiser la tempête dans son esprit.
Elle resta ainsi, recroquevillée au sol, jusqu'à ce qu'un coup sec à la porte la fasse sursauter. Son cœur s'accéléra, et pendant un instant, elle espéra que ce serait William, venu pour s'excuser, pour lui dire qu'il avait fait une erreur. Elle se leva péniblement et ouvrit la porte.
William était bien là, mais son visage fermé et son regard dur firent s'éteindre immédiatement la lueur d'espoir qu'elle avait nourrie. Il semblait encore plus froid que dans le couloir de la salle de bal.
« William, je... » commença-t-elle, mais il leva une main pour l'interrompre.
« Laisse-moi parler, Lana, » dit-il d'une voix grave. Il entra sans attendre d'être invité, refermant la porte derrière lui. « Je suis venu pour clarifier les choses, une fois pour toutes. »
Lana sentit son estomac se nouer. Tout dans son attitude criait qu'il n'était pas là pour la réconforter ou faire amende honorable.
« Clarifier ? » répéta-t-elle, le ton trahissant sa méfiance.
« Oui. Écoute-moi bien, Lana. Tu ne peux pas rester ici. Tu ne peux pas rester dans ma vie. »
Elle recula légèrement, comme si ses paroles étaient des coups. « Qu'est-ce que tu veux dire ? Je suis chez moi. Je ne vais nulle part. »
William serra les mâchoires, visiblement agacé par sa résistance. « Tu dois quitter la ville. C'est la seule option. »
« Quitter la ville ? » répéta-t-elle, incrédule. « Tu es sérieux ? Pourquoi est-ce que je ferais ça ? Pour toi ? Après ce que tu m'as dit ce soir ? »
Il ne répondit pas tout de suite, détournant légèrement le regard, comme s'il cherchait à contenir quelque chose en lui. Puis, il planta son regard dans le sien, glacé et implacable.
« Ce n'est pas une demande, Lana. C'est un ultimatum. »
Elle éclata d'un rire nerveux, bien qu'aucune part d'elle ne trouvât cette situation amusante. « Un ultimatum ? Tu ne peux pas me dicter ma vie, William ! Ce que tu fais est... cruel. »
« Je fais ça pour toi, » répliqua-t-il, sa voix légèrement plus basse, presque un murmure.
« Pour moi ? » hurla-t-elle, incapable de se contenir. « Ne prétends pas que tu fais ça pour me protéger. Tout ça, c'est pour toi. Pour ta précieuse réputation. Pour ta famille. Tu te fiches bien de ce qui m'arrive tant que je disparais, n'est-ce pas ? »
Ses paroles le firent tressaillir, mais il resta immobile, son visage toujours aussi impénétrable. « Si tu ne pars pas, ma famille s'arrangera pour te détruire, Lana. Ils te feront taire d'une façon ou d'une autre. Je ne peux pas te protéger si tu restes ici. »
Elle le fixa, choquée par l'aveu. « Alors, c'est ça ? Tu as si peur d'eux que tu es prêt à me sacrifier pour sauver ta peau ? »
« Ce n'est pas une question de peur, » répondit-il, ses yeux se durcissant davantage. « C'est une question de survie. Tu ne sais pas de quoi ils sont capables. Mais moi, si. Alors, je te le demande encore : pars. Prends ce que tu peux, et disparais. Si tu ne le fais pas, ils s'occuperont de toi. Et crois-moi, tu ne veux pas que ça arrive. »
Lana sentit sa gorge se serrer. La sincérité dans sa voix était terrifiante. Elle savait qu'il disait la vérité. Mais cela ne rendait pas sa trahison plus supportable.
« Et toi, William ? » demanda-t-elle, les larmes recommençant à couler. « Que fais-tu pendant qu'ils détruisent ma vie ? Tu restes là, à regarder, sans rien faire ? »
Il détourna le regard, visiblement pris entre deux feux. « C'est mieux comme ça, » murmura-t-il.
« Mieux pour qui ? » cria-t-elle. « Pas pour moi, en tout cas. Tu dis que tu fais ça pour me protéger, mais tout ce que je vois, c'est un homme lâche. Un homme qui préfère obéir à sa famille plutôt que de se battre pour la femme qu'il prétend aimer. »
Elle espérait que ses paroles le toucheraient, qu'elles feraient éclater l'armure qu'il portait. Mais William resta inflexible.
« Pars, Lana. Ce sera mon dernier avertissement. Si tu ne le fais pas... je n'aurai pas d'autre choix que de m'assurer que tu le fasses. Par tous les moyens. »
Elle le regarda, abasourdie par sa froideur. Puis, lentement, elle sentit la rage prendre le dessus sur la douleur. « Tu veux me menacer, maintenant ? Après tout ce qu'on a vécu ? Très bien, William. Si c'est ce que tu veux, je partirai. Mais sache une chose : tu viens de perdre la seule personne qui t'aimait vraiment, pas pour ton nom ou ton argent, mais pour l'homme que je pensais que tu étais. »
William ne répondit rien. Il la regarda un instant, ses traits rigides, puis se détourna et quitta l'appartement sans un mot de plus.
Lana resta là, figée, essayant de comprendre ce qui venait de se passer. Puis, lentement, elle se mit à faire ses valises. Chaque vêtement qu'elle pliait, chaque objet qu'elle emballait était comme une nouvelle coupure dans son cœur déjà meurtri.
Elle quitta la ville au petit matin, seule, le cœur brisé, mais avec une détermination farouche : elle ne reviendrait jamais. William avait peut-être le pouvoir de la faire partir, mais il ne pourrait jamais effacer la femme qu'elle deviendrait.