Chapitre 3
La nuit était tombée sur le domaine DeGray, et tout semblait silencieux, presque trop paisible. Mais Lana, recroquevillée sur le lit de la chambre d'amis où elle avait été logée, ne ressentait aucune tranquillité. Ses yeux rougis fixaient le plafond, tandis que ses pensées tournaient en boucle. Les paroles de William résonnaient encore dans son esprit comme un écho douloureux. Partir. Il voulait qu'elle disparaisse. Qu'elle efface leur histoire, qu'elle abandonne tout ce qu'ils avaient partagé.
Mais ce n'était pas une demande. C'était un ordre. Un ultimatum qu'il ne comptait pas laisser sans suite.
Lana jeta un coup d'œil à la petite valise posée près de la porte. Elle avait passé les deux dernières heures à y entasser ses affaires, ses gestes mécaniques et précipités guidés par l'urgence. Elle savait que rester ici plus longtemps était une erreur. Peu importait à quel point elle avait envie de se battre, de lui prouver qu'il avait tort, elle n'était pas en position de lutter. William avait le pouvoir, l'argent et les ressources de son côté. Elle n'était qu'une intruse dans ce monde de luxe et de privilèges.
Elle se redressa, son cœur battant plus vite à mesure que l'idée de partir devenait une réalité. Le poids de l'incertitude l'écrasait, mais une chose était certaine : elle devait quitter ce domaine avant que William ou, pire, sa famille ne décide de prendre des mesures plus drastiques pour la faire partir.
Attrapant la poignée de sa valise, Lana inspira profondément. Le silence de la maison était presque assourdissant. Elle jeta un dernier regard à la chambre, à ce lit sur lequel elle avait pleuré toute la nuit, à cette fenêtre qui donnait sur les vastes jardins parfaitement entretenus. C'était beau, irréel, mais ce n'était pas chez elle. Cela ne l'avait jamais été.
Elle ouvrit la porte doucement, s'efforçant de ne pas faire le moindre bruit. Le couloir était désert, éclairé seulement par la faible lumière des appliques murales. Ses chaussures plates absorbaient le son de ses pas, mais son cœur tambourinait si fort qu'elle craignait presque qu'il puisse la trahir.
Elle descendit les escaliers prudemment, évitant les marches qui craquaient. Le grand hall était plongé dans une obscurité presque totale, à l'exception de la lumière de la lune qui se déversait par les immenses fenêtres. Le moindre bruit résonnait comme un coup de canon dans cet espace vide, mais Lana ne ralentit pas. Elle atteignit la porte principale, posa une main tremblante sur la poignée, et l'ouvrit doucement.
L'air froid de la nuit lui piqua la peau, mais elle s'y engouffra avec soulagement. Les jardins semblaient interminables sous la lumière argentée, et les graviers du chemin crissaient sous ses pas. Elle avait garé sa voiture de location un peu plus loin, hors de vue, prévoyant déjà la possibilité qu'elle ait besoin de fuir rapidement.
Alors qu'elle avançait, une sensation étrange la gagna, comme si elle était observée. Elle s'arrêta, tendit l'oreille. Rien. Juste le bruissement des feuilles dans le vent. Mais son instinct lui criait de rester sur ses gardes. William ne l'aurait-il pas déjà mise sous surveillance ? Il avait tout anticipé jusque-là. Pourquoi pas ça ?
Elle accéléra le pas, ses doigts serrés sur la poignée de sa valise. Elle jeta des coups d'œil nerveux par-dessus son épaule, cherchant des silhouettes dans l'ombre, mais ne vit rien. Pourtant, cette impression persistait, une pression invisible qui pesait sur elle.
Enfin, elle atteignit la voiture. Elle posa sa valise sur le siège passager, s'assit derrière le volant, et tourna la clé dans le contact. Le moteur ronronna, brisant le silence oppressant de la nuit. Elle jeta un dernier regard au domaine. Une partie d'elle espérait que William surgirait, qu'il la supplierait de rester, qu'il lui avouerait qu'il avait fait une erreur. Mais tout ce qu'elle vit, c'était l'ombre imposante de la maison, immobile, froide, indifférente.
Elle appuya sur l'accélérateur et s'engagea sur la route, le cœur lourd mais résolue à aller de l'avant.
La route serpentait à travers des forêts sombres et des collines isolées. Lana roulait sans vraiment savoir où elle allait, son esprit trop embrouillé pour réfléchir. Elle savait simplement qu'elle devait mettre le plus de distance possible entre elle et les DeGray. Mais plus elle s'éloignait, plus la sensation d'être suivie se faisait insistante.
Elle vérifia son rétroviseur. Deux phares brillaient dans l'obscurité, à bonne distance derrière elle. Au début, elle pensa que c'était une simple coïncidence. Après tout, c'était une route fréquentée. Mais les phares restaient toujours à la même distance, ni trop près ni trop loin, comme si la voiture la surveillait.
Son cœur s'emballa. Était-ce William ? Avait-il envoyé quelqu'un pour s'assurer qu'elle quittait réellement la ville ? Ou pire, était-ce sa famille, déterminée à s'assurer qu'elle ne poserait jamais de problème ?
Elle accéléra, espérant semer la voiture. Mais les phares restèrent obstinément visibles, suivant chacun de ses mouvements. Une vague de panique monta en elle. Elle n'avait aucun plan, aucune idée de ce qu'elle ferait si cette voiture décidait de la forcer à s'arrêter. Elle n'était pas une héroïne de film d'action ; elle n'avait ni l'expérience ni les moyens de se défendre contre ce genre de menace.
Puis elle aperçut une sortie sur la droite, menant à une petite route secondaire. Sans réfléchir, elle tourna brusquement, ses pneus crissant sur le bitume. La voiture derrière elle mit un moment à réagir, et ce délai lui donna une petite avance. Lana appuya sur l'accélérateur, priant pour que la route ne mène pas à une impasse.
Après plusieurs minutes de conduite frénétique, elle réalisa que les phares avaient disparu. Elle s'arrêta sur le bas-côté, ses mains tremblantes agrippant le volant. Elle regarda autour d'elle, mais il n'y avait aucune lumière, aucun bruit, rien qui indique qu'on la suivait encore.
Elle soupira de soulagement, mais la peur ne la quittait pas complètement. Si quelqu'un la suivait réellement, ce n'était qu'une question de temps avant qu'ils ne la retrouvent. Elle devait rester en mouvement.
Quelques heures plus tard, épuisée et encore secouée, Lana arriva dans un petit village perdu au milieu de nulle part. Elle trouva un motel à l'allure décrépite, mais elle n'était pas en position de faire la fine bouche. Elle se gara sur le parking désert, attrapa sa valise, et se dirigea vers la réception.
Le gérant, un homme d'âge moyen avec un regard las, la regarda à peine en lui tendant une clé de chambre. « Deuxième étage, au fond du couloir, » marmonna-t-il avant de retourner à son écran de télévision.
La chambre était minuscule et sentait légèrement le renfermé, mais c'était un abri. Lana posa sa valise près du lit et s'assit, son corps lourd de fatigue. Pour la première fois depuis des heures, elle se permit de respirer. Elle avait réussi à s'échapper, pour l'instant. Mais maintenant, la question qu'elle redoutait le plus se posait : que faire ensuite ?
Elle sortit son téléphone, hésitant à appeler quelqu'un, mais elle réalisa qu'il n'y avait personne à qui elle pouvait vraiment parler. Sa famille et ses amis ne savaient rien de William ni de la vie qu'elle menait avec lui. Elle avait gardé leur relation secrète, suivant ses directives, et maintenant, elle se retrouvait complètement seule.
Elle ouvrit son sac et en sortit un carnet. Dedans, elle avait noté des idées de projets, des rêves qu'elle voulait poursuivre avant que William ne devienne le centre de son monde. Avocate, militante, créatrice... Elle avait tant de rêves, mais ils lui semblaient aujourd'hui lointains, presque irréalisables.
Pourtant, alors qu'elle feuilletait les pages, une étincelle d'espoir commença à naître. William avait peut-être brisé son cœur, mais il ne pouvait pas briser sa volonté de vivre. Peu importait où cette route la mènerait, elle trouverait un moyen de se reconstruire. Pas pour lui. Pas pour prouver quoi que ce soit à sa famille. Mais pour elle-même.