Il m'en faut toujours plus, mes enlèvements durent à chaque fois plus longtemps et j'éprouve de moins en moins de satisfaction. Je cherche quelque chose, mais même moi je ne sais pas quoi. L'amour ? Oh certainement pas ! Mon premier mariage était un fiasco, j'ai même déménagé pour ne plus voir sa sale gueule au supermarché.
J'ai grandi dans la rue, je la connais par cœur. Le chef du gang local ? On faisait des châteaux de sable dans le parc de la cité minable où j'ai vu le jour. On rêvait de gloire, de fortune. J'étais un gamin calme, je jouais du piano et mon monde s'est effondré. Mon père a été flingué, une balle perdue, ma mère est morte d'une maladie incurable. À douze ans, mon petit frère a été pris dans une fusillade. Ce n'était qu'un gamin, il venait de prendre un sachet de drogue pour tenter de le vendre... J'avais seize ans.
La violence a toujours fait partie de moi, de mon quotidien. J'ai grandi avec un flingue sur la tempe en guise d'épée de Damoclès. Je n'avais aucun avenir... Les amis que j'avais, la plupart sont morts également. J'ai passé ma jeunesse à entendre les balles siffler dans l'indifférence la plus totale. C'était la cité, personne n'en avait rien à cirer. On n'avait pas le choix. Ou on marchait avec la rue ou on crevait à cause d'elle. Tout ce que j'ai aujourd'hui, je l'ai bâti de mes propres mains. Est-ce que je regrette le monstre que le monde a fait de moi ? Non. Je ne serai jamais le héros d'un conte de fées, ça n'existe pas.
Pour survivre et ne pas crever de faim, j'ai fait comme tous les gens des bas quartiers, j'ai volé, menti, triché, agressé. Je déteste profondément les gens. On m'a ignoré et traité comme un chien des années durant, mais tout a changé ! Aujourd'hui, c'est moi le loup dans la bergerie, le serpent qui pousse au péché mortel.
Lors des soirées dans les boîtes de nuit branchées de Paris, je chasse comme un fauve assoiffé de sang. Je me déguise et me faufile entre les gens dans l'anonymat le plus complet. Qui se soucie d'un étranger quand l'alcool et la drogue coulent à flots ? Personne. Je claque mon verre sur le faux marbre d'un bar pathétique et repère une fille, comme je les aime brunes, hispaniques et bien bourrées !
Finalement, ça ne va pas le faire, sa voix m'agace au plus haut point. Il est temps que je change d'air et que je profite d'un endroit un peu plus branché. Ce soir, c'est l'ouverture du Lady's Night, un club très sélect. Et pour cause, un bar restaurant plein de divertissements tous plus alléchants les uns que les autres. Ce que j'aime le plus, ce sont les carrés privés qu'on trouve dans ce genre d'endroit. À l'affiche, la magnifique Carmen, une chanteuse somptueuse... Qui s'est désistée à la dernière minute !
Je me tape le front et soupire. Elle, je la voulais ! Dire que je serai présent ce soir dans le seul et unique but d'étaler une absente dans ma cave... Superbe ! Est-ce que la fumée aime le BDSM ? Parce que je n'aurai rien à me mettre sous la dent ! Je frappe le mur de brique et me calme dans une ruelle voisine. Enfin, j'éclate la poubelle et tout ce qui me tombe sous la main en hurlant de rage. Des mois que je prépare ce coup ! Des mois !!!
Et pour couronner le tout, c'est une inconnue qui va la remplacer. Adalyn Sinclair, je n'ai jamais entendu parler de cette fille. Je sors mon portable et trouve quelques photos d'une superbe jeune femme. Physiquement, elle est infiniment mieux que Carmen. À voir avec le reste. Je veux que ce coup soit mon dernier. Mon apogée ! L'ultime enlèvement du Maître avec une fin grandiose digne d'un film d'horreur. Je veux que dans un siècle, on parle encore de moi et de l'état dans lequel on retrouvera cette fille quand j'en aurai fini avec elle.
Enfin... Il faut partir du principe qu'on la retrouvera un jour et que ce ne sera pas une odieuse crécelle. Je ne veux pas seulement l'enlever, je veux la briser comme aucune autre, je veux la voir ramper à mes pieds et implorer ma pitié ! Que ce soit pour la torture ou le sexe d'ailleurs. Adalyn, tu l'ignores, mais tu m'appartiens déjà ! Il y a beaucoup à mettre en place. Elle sera enlevée par la mafia si j'en donne l'ordre et seulement une fois sa prestation de chanteuse terminée, je veux que tout soit parfait. Mon ami d'enfance est un ange de me prêter ses hommes, même s'il a plus de cadavres dans le placard qu'un tueur en série. Je ne suis pas un mafieux mais je suis ami avec eux, c'est un peu les avantages du métier sans les inconvénients.
Jamais elle ne devra voir mon visage et je ne devrai laisser aucune trace. Changer ma voix ? Je peux le faire, l'avantage d'être doué dans ce qui touche au FX, mes cheveux, mes yeux. J'ai tout prévu, même des prothèses pour changer artificiellement les traits de mon visage. La question qui reste en suspens... Quand j'aurai fini de jouer avec elle, que se passera-t-il ensuite ? Combien de temps vais-je la garder ? Est-ce que je la tuerai ? Et si oui, comment ?
Ahhh, tout se bouscule dans ma tête et je fais les cent pas en l'observant de loin, tapis dans l'ombre. C'est vraiment une femme superbe, elle sera ma plus belle victime, ça ne fait aucun doute. Dis bonsoir au dernier jour de ta vie de femme libre, mon petit oiseau chanteur... Profite bien de ta prestation, ce sera ta dernière !