Tout était flou, une succession d'images et de sensations mêlées, comme dans un
rêve fiévreux. Le tintement des chaînes qui s'entrechoquaient, le goût
métallique du sang sur ses lèvres, et puis cette force soudaine, cette rage
indomptable qui avait éclaté en elle, lui donnant la force de briser ses liens,
de se libérer de l'étreinte glaciale de ses geôliers. Tout ce qu'elle savait,
c'était qu'elle devait fuir, s'éloigner de cet enfer qui avait été sa prison
pendant des mois.
Le souvenir de son emprisonnement était gravé dans sa
mémoire, un fardeau qu'elle portait avec elle dans chaque pas qu'elle faisait.
Chaque jour passé dans cette cellule était une torture, chaque heure une
agonie. Ses geôliers n'avaient montré aucune pitié, la réduisant en esclave, la
maltraitant sans relâche, cherchant à briser sa volonté, à éteindre cette
flamme qui brûlait encore en elle. Mais ils avaient échoué. Malgré la douleur,
malgré l'humiliation, Jennifer avait tenu bon, refusant de céder à la désespoir.
La forêt était dense, sombre, mais elle offrait une
cachette, un refuge contre les ténèbres qui la pourchassaient. Jennifer savait
qu'elle ne pouvait pas s'arrêter, pas encore. Elle ne pouvait pas laisser la
peur la rattraper, la paralyser. Chaque ombre, chaque bruissement dans les
feuilles lui faisait serrer les dents, son cœur battant à tout rompre. Mais
elle ne s'arrêtait pas. Ses pieds nus foulaient le sol avec une détermination
implacable, malgré la douleur des cailloux qui s'enfonçaient dans sa chair.
Elle trébucha soudain, s'effondrant dans un amas de feuilles
mortes, haletante. La fatigue la submergeait, mais elle se força à se
redresser, à continuer. **Elle ne pouvait pas se permettre de faiblir.** Si
elle s'arrêtait maintenant, si elle laissait la douleur et l'épuisement prendre
le dessus, elle savait qu'elle ne se relèverait jamais. Elle devait aller de
l'avant, trouver un endroit où elle pourrait se cacher, se reposer, au moins un
moment.
Les arbres semblaient se refermer autour d'elle, leurs
branches se tordant dans la pénombre, comme pour la protéger des regards
indiscrets. Le ciel était couvert, obscurci par des nuages lourds qui
menaçaient de déverser leur pluie sur elle. Mais pour l'instant, la nuit était
silencieuse, seul le murmure du vent dans les feuilles rompait la quiétude
oppressante. Jennifer s'enfonçait de plus en plus dans la forêt, espérant que
cette mer d'arbres la dissimulerait aux yeux de ceux qui la cherchaient.
Les heures semblaient s'étirer à l'infini, chaque minute une
bataille contre le froid et la peur. La lune, cachée derrière les nuages,
jetait des ombres fantomatiques sur son chemin, transformant la forêt en un
labyrinthe de noirceur. **La fatigue pesait sur elle comme une chape de
plomb**, mais elle continuait à avancer, poussée par une détermination
farouche.
Soudain, un craquement fit bondir son cœur dans sa poitrine.
Elle s'immobilisa, retenant son souffle. Avait-elle été suivie ? Les
gardes l'avaient-ils retrouvée ? Le bruit venait d'à peine quelques
mètres, quelque chose, ou quelqu'un, se mouvait dans l'obscurité. Jennifer
scruta les ténèbres, tous ses sens en alerte, prête à réagir au moindre signe
de danger.
Une silhouette se détacha finalement des ombres, se révélant
peu à peu dans la faible lumière filtrant à travers les arbres. C'était un
loup, imposant et majestueux, ses yeux brillant d'une lueur étrange dans
l'obscurité. Jennifer sentit son cœur se serrer. Les loups étaient omniprésents
dans cette forêt, mais celui-ci n'était pas ordinaire. **Il semblait la fixer,
comme s'il comprenait ce qu'elle venait de traverser**.
Les deux se regardèrent pendant ce qui sembla une éternité.
Le loup ne bougea pas, et Jennifer non plus. Elle pouvait sentir le pouvoir qui
émanait de lui, une force brute, sauvage. Mais au lieu de la craindre, elle
sentit un lien se former entre eux, fragile mais réel, comme une reconnaissance
mutuelle de leurs souffrances respectives. Finalement, le loup inclina
légèrement la tête avant de s'éloigner dans les ténèbres, disparaissant aussi
soudainement qu'il était apparu.
Jennifer se permit de respirer à nouveau, les mains
tremblantes. Le loup avait disparu, mais elle sentait encore sa présence, comme
une ombre protectrice qui veillait sur elle. Ce bref moment de connexion lui
avait redonné un peu de courage. Elle n'était pas seule dans cette forêt, même
si tout semblait vouloir la terrasser.
Elle reprit sa marche, ses pas plus légers, mais toujours
prudents. La forêt s'ouvrit enfin sur une petite clairière, baignée d'une
lumière pâle. Au centre, une vieille cabane en bois, à moitié effondrée, se
tenait là, comme un vestige d'un autre temps. Jennifer s'approcha avec
précaution, vérifiant chaque recoin avant de pénétrer à l'intérieur. La cabane
était délabrée, mais elle offrait un abri, un lieu où elle pourrait enfin
reprendre son souffle.
Elle referma la porte derrière elle, s'adossant contre le
mur de bois froid. Le silence était presque écrasant, seulement interrompu par
le martèlement de son cœur. La cabane était vide, mais une étrange paix
l'habitait, comme si les murs portaient encore les souvenirs d'une vie passée,
loin des souffrances qu'elle avait endurées.
Jennifer se laissa glisser au sol, les larmes coulant enfin
sur ses joues. C'était la première fois qu'elle se permettait de pleurer depuis
longtemps, depuis qu'elle avait été capturée. **Ces larmes étaient une
libération, un exutoire pour toute la douleur et la terreur qu'elle avait
accumulées au fil des mois.** Ses sanglots secouaient son corps, mais elle ne
les retenait pas, laissant enfin sa peine s'exprimer librement.
La réalité de sa situation la frappait de plein fouet. Elle
était seule, perdue dans une forêt inconnue, sans nulle part où aller, sans
personne vers qui se tourner. Son père, sa mère, sa meute... Tout avait été
arraché, détruit par des traîtres qui avaient trahi leur propre sang. Et
maintenant, elle n'était plus qu'une fugitive, traquée comme une bête, tentant
de survivre dans un monde qui lui avait tout pris.