Chapitre 10 Julian.

Je ne quitte pas Clay des yeux, le corps percé d'adrénaline. Il ne la touchera plus ! Plus jamais, crève une voix au fond de ma tête. Tony exécute mes ordres et j'entends bientôt le bruit de leurs pas qui s'éloignent. Clay se tient parfaitement immobile. Ses narines frémissent au rythme résolu de ses inspirations.

- Pourquoi ?!

Clay ne répond pas. Un changement presque anodin dans sa posture me fait tiquer. Il compte passer à l'action. Je siffle, il n'a pas le temps de faire face que je fonds sur lui. Ma crosse noire et or s'abat violemment sur son arcade tatouée.

Mon corps n'est plus qu'adrénaline, vengeance et fureur. Percutant le colosse avec une hargne digne d'un quarterback américain, je feule de plus belle, agrippant le col du traître et le repoussant vers l'extérieur. Claquant les portes, je le balance sur le perron, avant de lui envoyer mon genou dans le menton.

Le corps de Clay dégringole sur plusieurs marches. Plus bas, les invités de mon oncle se redressent, interloqués. Telle la mort en personne, j'accompagne le traître dans sa progression, descendant les escaliers d'une démarche mortelle. Clay parvient à se redresser, la gueule pissante et les yeux exorbités. Crachant un filet de sang à même la pierre blanche, il relève la tête, fou de rage.

- T'es en train de faire une erreur, là, Julian ! crache-t-il en essayant de garder son calme.

La bravade ne me laisse pas indifférent. Bien au contraire, elle m'envenime encore plus. Prenant tout mon élan, je lui renvoie mon poing dans la figure, perçant cette fois l'arcade tatouée que rencontrent mes phalanges. La tête de Clay bascule en arrière. Pas question de retenir mes coups. Je sais que ce type peut encaisser bien plus que ça. Molosse parmi les molosses, je pourrais lui ouvrir la tronche qu'il n'aurait besoin que de quelques heures pour s'en remettre.

Profitant de sa confusion, je le pousse du genou et il dévale quelques marches de plus. Derrière moi, j'entends Esteban qui s'allume une clope, accoudé à la rampe. Je sais qu'il ne cautionne pas ma perte de contrôle. Et je sais qu'il m'en fera la remarque. Mais plus tard ! À mes pieds, Clay se redresse mollement.

- Quand Giulio apprendra ça...

- Quand Giulio apprendra ça, il fera que dalle ! je siffle. J'te rappelle quand même pour la peine que c'est lui qui t'a viré en premier ! Parce que t'es qu'un abruti, incapable de suivre les règles. Mais c'était la dernière fois, Clay.

Le visage de Clay se fige, avant de se relâcher mollement, jusqu'à tordre un rire. Il est en train de comprendre qu'il n'y aura pas de retour en arrière. Que son intérim sous mes ordres vient de toucher à sa fin.

Ouvrant les bras en croix, attendant sa sentence, non sans une expression aliénée en travers de la gueule, il me fixe narquoisement tandis que j'arme mon Beretta. Pas une seconde je n'hésite, et lorsque la balle s'élance dans une explosion de poudre, se fichant instantanément dans le haut de sa cuisse, je reste parfaitement de marbre. À mes pieds, le colosse se replie sur lui-même dans un râle.

- Tu ne la toucheras plus, Clay. Et si tu l'approches de nouveau, j'te flingue pour de bon !

Mon adversaire se mord la lèvre, se déhanchant lentement pour se remettre d'aplomb sur ses guiboles. La pierre blanche sous ses genoux est maintenant tachetée de sang.

- Je te banni du QG, je te banni du clan des Morinetti ! Estime toi heureux que je ne tue pas de suite ! Ose te repointer devant moi et tu finiras avec une balle en pleine tête.

Tendant le bras, j'enclenche le chien, le regard vissé au sien. C'est le jour du grand ménage. Alors autant y aller à fond. Autour de nous, un large groupe s'est attroupé.

- À tous les indécis en mal d'espace qu'auraient eu la bêtise de se croire au-dessus des règles, je vous suggère de saisir la perche, vos cliques et vos claques et de vous tirer ! Si vous vous êtes pris d'amitié pour cette andouille, ramassez-le et foutez-moi le camp ! Je préfère vous prévenir tout de suite, il n'y aura pas de deuxième avertissement !

J'aperçois Hagen et Martino qui se sondent mutuellement, avant d'avancer en direction du blessé. Parfait, et de deux ! En même temps, je ne suis pas plus étonné que ça. Je sonde la foule, personne d'autre ne bouge.

- Personne d'autres ?

Personne ne moufte, personne ne bouge. Bien !

Les hommes de Clay l'encerclent déjà, le guidant vers le bas des marches. Je les observe s'éloigner de la villa, toujours bouillant de rage.

- Tu n'aurais pas dû, Julian..., souffle Esteban, en se postant à côté de moi.

- Qu'est-ce que je n'aurais pas dû ? Virer un enfoiré dangereux et incapable de suivre les ordres ?

- Clay est une tête brûlée, je te l'accorde, mais cliver les rangs maintenant, c'est fragiliser ta position. Tu le sais très bien... J'inspire un grand coup, sanglant la colère à l'intérieur.

- C'est le jeu, Esteban. Surtout quand on récupère le pouvoir des mains d'un à qui il aurait dû aller. C'est forcément la porte ouverte aux complots de comptoir.

- Génial ! Du coup, c'est quoi l'idée ? Attendre de t'faire buter ?

Je garde le silence, ne quittant pas des yeux les trois clampins qui disparaissent enfin au bout de la rue.

Esteban peste à côté de moi. Son inquiétude est palpable.

- Qu'est-ce que tu comptes faire ? finit-il par demander.

- Mettre des types sur le coup et garder cet enfoiré à l'œil. Je veux savoir où il zone et s'il a plus d'hommes que ces deux-là. Pour le reste, tâche de faire renforcer la garde et tends l'oreille.

- Et elle ?

- Elle, elle va rester enfermée à la villa, je n'aurai pas dû l'amener ce soir. Si elle met un pied dehors, ce pourri va lui sauter à la gueule et en faire son dessert.

Ma propre déclaration me fait monter une vague d'appréhension. Parce qu'Eléa va très mal prendre le fais de rester enfermée à la ville. Et j'ai un taré dehors qui n'attend que ça...