Notre petit groupe se reforma rapidement. J'aurais adorée inviter Icare à nous rejoindre, mais il semblait pensif. Les mains dans les poches de son jogging gris, le regard absent, et puis.. Avec ce qui venait de se passer... Je n'allait plus osée lui adresser la parole. Il était était aller près de sa tente et ne semblait prêter aucunement attention à tous ce qui l'entourait.
Sans m'en rendre compte, je m'étais mis à carrément le dévisager et alors que je détaillait de plus en plus les traits fins de son visage, ses yeux se figèrent sur les miens.
Prise au dépourvue, je n'ai rien pu faire d'autre que soutenir cette échange, impuissante. Encore ? D'abord le compliqué et maintenant il me devore des yeux. Icare était un peu plus loin de ma bande d'amis et moi. Pourtant, je ne l'avais jamais sentis si proche. Dans un geste innocent, il se lécha la lèvre inférieur avec une telle sensualité que le rouge me montait encore plus aux joues.
- Si on a du temps libre autant en profiter ! Dit Victor accompagné d'Emily, me ramenant alors à la réalité.
- Et où est-ce que vous voulez aller ? Demanda Katy.
- Là-bas !
Victor pointa du doigt un petit sentier descendant en contrebas du campement.
- Je suis sûr qu'on va devoir y passer à un moment ou un autre alors autant que ce soit maintenant ! Renchérit-il
Nous dirigeant vers l'endroit indiqué par Victor, non sans un dernier regard vers Icare. Mais il n'était plus là. Il devait être allé explorer les environs seul. Comme à son habitude.
Nous commencions notre petite escapade en longeant le sentier qui était truffé de petites pancartes expliquant les origines des divers arbres et autres plantes présents ici. Une dizaine de minutes plus tard, nous avions atteint un court d'eau, sûrement le même que nous avion dû traverser pour arriver au camp en passant par le pont en bois. On pouvait aisément traverser cette rivières, d'immenses rochers débordaient de l'eau, formant un chemin jusqu'à l'autre rive, recouverte d'une épaisse végétation elle aussi.
Les garçons avaient décidé de se baigner. Et je les comprenais, il faisait très beau et chaud. Ils se déshabillèrent, ne gardant que leur caleçon et nous proposèrent de les rejoindre. Mais n'aillant pas de maillot de bain, nous avons dû décliner leur invitation. Katy dévorait littéralement Garett des yeux. Je ne pouvais pas manquer pareille occasion de me venger.
- Si tu ne te dépêches pas d'aller à l'eau Garett, j'en connais une qui va te dévorer si elle continue à te regarder comme ça. Dis-je en pointant Katy du doigt.
Il comprit vite ce que j'insinuais et explosa de rire en voyant la tête de Katy s'affoler à ma remarque.
- Toi ! Dit-elle, tu me le paieras !
- Souviens-toi du self, lundi dernier, ça, c'est ma vengeance.
Emily pouffa de rire, ce qui accentua l'éclat de rire général. Katy avait l'air de bien accepter son châtiment.
Les garçons étant à l'eau, nous décidions de nous poser au bord de la petite rivière, pour parler de tout et de rien, de nous moquer des bêtises des garçons qui ressemblaient à deux enfants qui découvraient les joies de la baignade pour la première fois. Néanmoins, malgré cette ambiance chaleureuse, je me demandais pourquoi Icare voulait rester seul constamment ? Et pourquoi changeait-il d'humeur si rapidement ? Je n'en savais trop rien, mais une chose est sûre, plus j'y pensais, plus d'autres questions bourgeonnaient à l'intérieur de ma tête. Notre petite heure de temps libre touchait bientôt à sa fin.
- Il faut y aller les garçons, dis-je en me relevant.
Fort heureusement nous n'étions qu'à une dizaine de minutes du camp, nous arrivions très rapidement, après que les garçons se soient séchés et habillés. L'heure du déjeuner avait sonné, nous avions eu droit à ce qui se rapproche plus d'un casse-dalle de pique-nique qu'à un réel repas, dans le réfectoire du campement.
Icare, était assis à notre table, ce qui m'étonnais grandement. Il ne toucha absolument rien de son repas. Peut-être était-il encore malade à cause du bus ce matin ? Même s'il n'était pas proche de nous, mais bien à l'autre bout de la table, je considérais cela comme un effort de sa part. C'est vrai, il y avait beaucoup d'autres tables vides, mais il avait choisi la nôtre pour « manger ». Enfin... Le mot est fort. J'en avais conscience.
Je n'osais toujours pas croiser ses yeux de jade. Merde ! Depuis quand je suis devenu aussi faible face à un garçon ? C'est n'était pas normal... Quelque chose chez lui clochait et je n'arrivait pas à mettre le doigt dessus.
Je me torturais l'esprit devant mon plateau. Il avait déteint sur moi... Trop réfléchir venait de me couper l'appétit. Je repoussais mon repas sur la table avant de reculer avec mon siège et de soupirer. Je ne prêtait même plus attention au reste du groupe.
Juste après le repas, mademoiselle Hélène rassembla la classe au pied de l'arbre et la divisa en deux groupes appelés simplement : Groupe A et groupe B.
Elle avait planifiée de commencer les études environnementales en premier lieu avec le groupe A, tandis que le groupe B allait, lui, partir en excursion avec Jackson, le moniteur que l'on avait vu précédemment.
Je me retrouvai dans le groupe B, en compagnie d'Emily et hasard ou non, de Icare. Katy se retrouvait, elle, avec Victor et Gareth. Je remerciais intérieurement mademoiselle Hélène de ne pas m'avoir laissée dans un groupe où je ne connaissais personne.
- Et bien commençons, fin de la journée à 17h et il est précisément 14h. C'est parti ! À ce soir, cher groupe B, finit-elle en nous faisant un clin d'œil.
Elle s'éloigna d'un pas assuré, avec son groupe. Jackson, lui, arriva au bout de quelques minutes. Je ne l'avais vu que brièvement tout à l'heure. Il faisait très jeune, je ne lui aurais pas donné plus de vingt-cinq ans. Il était assez grand, des cheveux blonds, et légèrement enrobé. Ses yeux étaient d'un bleu assez classique.
En fin de compte, je le trouvais plutôt banal.
- Alors, pour ceux qui auraient oublié mon nom, je suis Jackson et c'est moi qui vais prendre en charge votre groupe pour cet après-midi. Demain on échangera les groupes avec votre enseignante.
Jackson n'avait pas l'air de quelqu'un de jovial et épanoui, non, il semblait renfermé sur lui-même. Il parlait d'une façon stricte, mais modérée et nous fixait droit dans les yeux. C'était assez troublant, on aurait dit que ce petit moment passé en sa compagnie allait être mémorable.
Bien sûr, c'était ironique.
- Des questions ? Non ? Bon, alors dans ce cas, suivez-moi, on va aller étudier une espèce de petit buisson très commun ici, renchérit-il avec fermeté, faites bien attention où vous mettez les pieds et tout devrait bien se passer.
Sur ces paroles, nous le suivions. Je venais de rejoindre Emily, qui était ravie que je sois dans son groupe.
- J'aurais été d'un mal à l'aise si je m'étais retrouvée toute seule, m'avait-elle assurée.
- Ouais, je te comprends, je suis gênée quand je ne connais personne, mais avec le temps, je me lâche de plus en plus.
C'était vrai, j'étais timide certes, mais cela ne durait jamais bien longtemps. Seul les débuts sont difficiles pour moi, une fois que j'avais mes repères, mes habitudes, j'étais une personne normale, sans grandes gênes particulières.
Icare passa juste à côté de moi pour me dépasser et marcher juste devant moi, en... M'ignorant totalement. C'était une blague ?... depuis son compliment il attend que ce soit moi qui vienne vers lui ? Il allait jouer à ce petit jeu encore longtemps comme ça ? Je grondais intérieurement. Je pris mon courage à deux mains pour faire un premier pas vers lui.
- Tu vas m'ignorer encore longtemps ? Dis-je en lui tapotant légèrement l'épaule pour qu'il daigne se retourner.
Ce qu'il fit. Enfin partiellement. Il avait juste tourné la tête afin de pouvoir regarder par-dessus son épaule. Ses yeux étaient d'une intensité incroyable. Ce simple regard venait de me paralyser. Moi qui voulait faire un effort, il pouvait courir la prochaine fois.
- Excuse moi, je n'ai pas envie de discuter pour le moment.
Je me stoppai net dans ma marche. Je le vis s'éloigner en accélérant le pas, comme pour souligner ses mots. J'étais totalement perdue. Ce matin il avait l'air de m'apprécier et maintenant il faisait comme si je n'existais pas. J'éprouvais cette sensation désagréable de remord. S'il agissait ainsi, qu'est-ce que j'avais bien pu lui faire ? La voix d'Emily me fit sortir de mes pensées.
- Tu viens Lydia ? Me cria-t-elle pour que je continue de suivre le groupe.
Je repris mon rythme de marche, mais je n'étais pas d'accord avec tout ça. Je savais au fond de moi que je n'avais rien à me reprocher, je n'avait rien fait ! J'allais devoir avoir une sérieuse discussions avec Icare. Afin de bien mettre les choses au clair. Je le devais au moins à moi-même, il prenait beaucoup trop de place dans mon esprit et ne se rendait pas compte de son comportement. J'étais bien décidée à lui en faire prendre conscience.
Après ce petit incident, Jackson nous mena dans un petit bois, rempli de bambous et de petits buissons divers. Il nous expliqua que nous allions d'abord effectuer une collecte de végétaux, présents dans ces bois. L'animateur s'arrêta aux abords d'un petit buisson épineux, se pencha et en saisi une petite fleur bleue qui commençait à bourgeonner sur la plante. Il continua son explication et nous précisa que cette plante avait des effets anti-inflammatoires et qu'il fallait en cueillir le maximum pour en ramener au camp.
- Il y a beaucoup d'orties dans les alentours et je vous assure qu'une bonne dizaine d'entre vous se feront avoir par ces plantes urticantes, avait-il expliqué.
Il sortit de son sac plusieurs petites poches de tissu de couleur orangée pour amasser le plus possible de ces fleurs et nous les distribua. La collecte commença. Personnellement, cela ne me dérangeait pas du tout. Ça changeait des choses que l'on faisait habituellement lors des cours, ou des sorties. Emily, qui m'accompagnait dans ma collecte n'était pas du même avis que moi.
- Tu te rends compte ? ! Nous faire cueillir des fleurs ? C'est tout ?!... Je m'attendais à beaucoup mieux quand même... Souffla-t-elle.
- Rah ! Sois patiente, tentai-je de la rassurer, je suis sûre qu'on aura droit à bien mieux plus tard. Et puis elles sont plutôt jolies ces fleurs.
En effet, elles l'étaient, elles ressemblaient à de petites violettes, mais de couleur bleuâtre. Leur odeur par contre, était nauséabonde.
- Ça schlingue, lâcha Emily, en se bouchant le nez, répugnée par l'odeur dégagée par cette plante.
Elle m'arracha un petit rire, elle semblait tellement déçue d'être là, qu'elle exagérait ses mouvements.
Instinctivement je tournai la tête en direction d'Icare, juste par curiosité. Bizarrement, il m'observait déjà. Comme s'il attendait que nos regards se croisent. Quelle ne fût pas ma surprise de le voir me sourire. Comme si rien ne s'était passé. Il croyait vraiment pouvoir agir comme bon lui semblait ? Non. Je fronçai les sourcils et baissai ma tête en direction des petits buissons épineux. Je voulais l'ignorer. Lui faire comprendre que j'étais mécontente. Tu veux jouer mon coco ? Pas de soucis.
Ce qui dut faire son petit effet, puisqu'il vint m'aborder quelques minutes plus tard au détour d'un buisson.
- Tu es fâchée ? Me demanda-t-il avec une voix légèrement blasée.
Je le foudroyait du regard. Et ne repondit toujours pas. Voyant que j'étais décidée à l'ignorer, il me saisi le bras pour me forcer à le regarder dans les yeux. Ses prunelle imploraient ma voix. C'était trop dure de résister.
- C'est à toi qu'il faut demander ça. Lâchais-je sèchement en defaisant son emprise sur moi. Monsieur veux bien discuter maintenant ?!
Ses petites phases lunatiques ne m'amusaient pas du tout. J'en avais assez de le voir changer d'humeur aussi rapidement. Icare compris rapidement que j'étais énervée par sa faute. Il passa ses mains derrière sa tête avant de me répondre.
- Tu sais, je... il parut hésiter, mais enchaîna au bout de plusieurs secondes. Je traverse une sorte de période difficile en ce moment... Je m'excuse, Lydia... Parfois j'ai l'impression de devenir fou.. je ne voulais vraiment pas te fâcher.
Il me paraissait tellement sincère. Icare m'avait parlé en me regardant droit dans le blanc des yeux. Mes joues s'enflammèrent instinctivement. Mon cœur lui, ne semblait plus de ce monde. Comment une simple phrase, une simple vision de son visage angélique et son sourire ravageur, pouvaient-ils me faire oublier ce pourquoi je lui en voulais.
- Ça... Ça va, tentai-je d'articuler, gênée d'un contact aussi direct.
Il me répondit par son éternel sourire.
Alors, c'était tout ? J'allais vraiment succomber à ce genre de fourberie ? Il semblerait, oui... Je m'en voulais tellement d'être aussi faible. J'étais néanmoins persuadée que ce petit jeu aller recommencer, s'en était presque banal maintenant.