Le chant des loups
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Chapitre 3 03

Dans le véhicule, le reste de la journée est accordé aux étudiants par ordre de Monsieur Kendal. Ce dernier semble anxieux et, à peine le bus sur le parking, qu'il en sort et s'enfonce dans l'université. Phœbé, décidée à ne pas rester dans ce transport, se lève. Mais c'est sans compter sur la rouquine qui n'est apparemment pas prête à la laisser sortir puisqu'elle se met à son tour debout, lui faisant face.

- Tu m'as volé une importante place et ça, crois-moi, tu vas me le payer, sale humaine.

Sur ce, la jeune femme fait volte-face, envoyant sa chevelure de feu d'un geste de main et ses amies lui emboîtent le pas sans omettre des signes menaçant à son égard. Peu impressionnée, Phœbé soupire de lassitude et quitte l'autocar. Ses parents travaillent en ce moment jusqu'à la fin de la journée, mais elle n'a aucune envie de traîner dans les rues à cette heure-ci alors elle regagne son domicile vide. Elle informe aussi ses parents de sa situation et se pose sur le canapé.

Pour la énième fois, elle soupire d'ennui et se couche sur le dos écoutant d'une oreille distraite la musique qui s'échappe de la télé. Son regard croise le plafond blanc et, petit à petit, croise des iris rouges. Un visage à la peau mate se dessine, un torse à l'impressionnante musculature s'en suit puis une main puissante s'approchant d'elle complète ce fabuleux tableau. Comme en transe, elle ne se rend pas compte que la sienne se tend pour la toucher, c'est uniquement lorsque l'on frappe à sa porte qu'elle se réveille. Surprise, Phœbé laisse retomber sa main droite. Que vient-il de se produire ? La jeune femme n'a pas le temps de réfléchir à la question, que de nouveau, on toque à la porte.

- Pheebs ?

La concernée reconnaît la voix de sa voisine et s'empresse d'aller lui ouvrir. Elle la découvre accompagnée de sa fille de douze mois, confortablement installée dans son cosy.

- Que puis-je faire pour vous, Madame Anderson ? demande poliment l'adolescente.

- Ohlala, pas de ça entre nous, je te l'ai déjà répété une centaine de fois, ricane la femme. Pour ce qui est de ma présence, je t'ai vu rentrer et comme je m'apprêtais à aller faire une course, je voulais savoir si cela t'embêtait de garder Alix ?

- Oh, non ! Bien sûr que non ! Il n'y a aucun problème, Ma - Roxane, se corrige de justesse l'étudiante face à son air menaçant.

Elle saisit le maxi-cosy de ses bras et un sourire naît sur ses lèvres en voyant le petit bout de chou la fixer attentivement.

- Merci, beaucoup Pheebs. Je n'aime pas la trimbaler avec moi en ville lorsque je suis seule. Surtout qu'au bout de chaque demi-heure, elle pleure, rit-elle. Bon, je vais y aller. À plus tard ! lance-t-elle avant de tourner les talons.

L'Afro-Américaine retourne dans le salon, dépose le sac de provisions qui lui a été confié puis sort Alix de son siège.

- Alors, comment vas-tu aujourd'hui, trésor ? questionne-t-elle bêtement, toutes dents dehors.

Pour seule réponse, elle émet des gazouillis et tape maladroitement des mains.

- Je vais prendre ça pour un parfaitement bien, souffle-t-elle en pressant tendrement son nez contre sa joue rebondie et légèrement rosie.

La petite rigole dévoilant deux petites dents et Phœbé réalise qu'elle a trouvé le petit soleil qui va la distraire et lui permettre d'oublier ce prisonnier qui accapare ses pensées pour une raison encore inconnue.

- Tu es très bien tombée, trésor...

Aux environs de seize heures, Roxane vient récupérer sa fille qui dort depuis tout juste dix minutes. Pour la seconde fois de la journée, elle la remercie puis rejoint sa maison à quelques mètres. Phœbé retrouve sa place sur le canapé et à peine trois quarts d'heure plus tard, c'est au tour de sa mère de faire son entrée. Elle lui embrasse le front en la questionnant sur sa journée.

- J'ai gardé Alix et Mad - Roxane l'a récupérée juste avant ton arrivée.

- Oh, dommage, boude April. Cette choupette me fait craquer. Sinon que s'est-il passé pour que tu rentres si tôt, ce matin ?

- Hum, je ne sais pas vraiment. Monsieur Kendel ne s'est pas justifié. Il nous a juste donné la journée.

- Il est étrange, ce loup, commente sa mère, pensive.

Ah, oui. Pour être étrange, il l'est... Le reste de la journée défile tranquillement et sans aucune pensée pour lui. L'heure pour Phœbé d'aller se coucher arrive et elle se dirige vers sa chambre. Étant déjà en pyjama, elle se laisse mollement tomber sur son lit et s'endort en un clin d'œil.

En ouvrant les yeux, une route s'ouvre devant elle. Couverte de feuilles roses et bordée d'arbres au feuillage de cette même teinte, le spectacle ne peut être que splendide. Le ciel à perte de vue forme un magnifique dégradé partant d'un bleu nuit à un ciel azur caché par des nuages immaculés. D'un pas hésitant, elle avance. Elle n'est pas sûre de son choix, mais sa curiosité l'emporte sur son inquiétude.

Elle marche durant un temps indéterminé maintenant. Peut-être dix minutes ? Peut-être des heures ? Dans tous les cas, elle ne ressent aucune fatigue et ses pas incertains sont devenus confiants. Du moins, jusqu'à ce que la route se fasse remplacer par un chemin boueux et la forêt lumineuse par une beaucoup plus sombre. La sensation soudaine d'être espionnée lui comprime la poitrine et rend sa respiration difficile. Malgré tout, elle poursuit sa route. Un bruit dans les buissons à sa droite la stoppe net. Son regard s'y pose et à cet instant, une ombre passe à sa gauche.

- Il y a quelqu'un ? ose-t-elle demander d'une voix peu assurée et le cœur battant.

- Mía..., souffle-t-on suavement à son oreille.

Brusquement, elle se retourne, mais il n'y a rien. Aucune trace de quelqu'un. D'un animal. Même pas d'un esprit. Elle préférerait sûrement cela au vide présent à ses côtés.

- Montrez-vous ! ordonne-t-elle, les membres tremblants.

Un grognement sourd lui enlève le peu de confiance qu'il lui reste. Cette chose qui l'entoure ne semble pas aimer les ordres. Alors qu'elle se décide à prendre le courage qui lui reste pour continuer son acheminement, une expiration chaude et puissante s'abat sur sa nuque alors que des millions de frissons traversent sa colonne vertébrale. Figée, la jeune femme reste de longues secondes à se demander si elle va mourir, si sa vie s'arrête là, dans cet endroit inconnu avant de lentement faire face à la chose qui se trouve dans son dos.

Un énorme loup noir aux yeux écarlates. Dans toute sa grandeur, dans toute sa splendeur, dans toute sa dangerosité. La bête est étrangement calme. Ses crocs sont rangés et sa position est détendue. La jeune femme veut hurler, partir en courant : prendre ses jambes à son cou dans ces bois lugubres toutefois, le risque que le moindre geste brusque encourage le canidé à péter un plomb est éventuel. Alors, elle recule doucement sans détacher son regard de l'animal. Ces iris sang lui sont familières, mais trop effrayée pour réfléchir correctement, elle les ignore. Elle recule de plusieurs pas avant de percuter quelque chose de dur et de chaud.

- N'aie pas peur, Mía...

Sa respiration se coupe. Cette voix envoûtante et sensuelle ne provoque en elle que de la peur à l'état pur. Aussi doucement que la précédente fois, son visage exécute une lente rotation, malheureusement, le hurlement du loup l'arrête. Elle le regarde et ce qu'elle voit la terrifie. Il court dans sa direction la gueule grande ouverte. Son cerveau lui ordonne de se retourner et de courir, mais ses jambes, elles, restent pétrifiées. Alors c'est comme cela qu'elle mourra ? Tuée par un loup qu'elle n'a jamais vu, dans un endroit fictif ? Affrontant sa mort en face, elle défie l'animal du regard et lorsqu'il n'est plus qu'à un mètre, prêt à la dévorer, l'adolescente se sent tomber.

            
            

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