Le chant des loups
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Chapitre 5 05

- Allez, on se réveille ! clame Ken, le seul gardien ayant le droit de l'approcher, en frottant ses clés contre les barreaux. J'ai une bonne nouvelle pour vous, Alpha.

- Laquelle ? marmonne l'intéressé en posant son avant-bras sur son front. Un bon steak pour le dîner ?

- Mieux que cela ! sourit le garde. D'ici à la fin du mois, vous serez libre pour bonne conduite à condition que vous continuiez sur cette voie.

Bonne conduite ? Comment peuvent-ils le savoir puisqu'il ne sort jamais de cet endroit ? Du moins pour eux. Son étage est vide, il est le seul locataire à y résider causant ce calme quotidien. Il ne se casse pas la tête pour deviner ce qu'il a pris à ces idiots du gouvernement et referme les yeux sans pour autant s'endormir.

- À très bientôt, Mía...

En ouvrant les yeux, la jeune femme se retrouve en pleine nuit sur un fin pont en bois. Ce n'est ni une forêt, ni une route, ni une prairie. Entouré de sables couverts de broussailles, il semble être sans fin. Maintenant habituée à ces immersions, elle avance, la main sur la rambarde, les yeux accrochés au ciel à couper le souffle. Parsemée d'éblouissantes étoiles sur ce fond bleu nuit quelque peu couvert de nuages clairs, la Voie lactée est magnifiquement visible. Un courant d'air puissant la fait frissonner et emporte avec lui, un bruit lointain de vague.

Un sourire de bien-être naît sur ses lèvres malgré la situation. Cette façon de s'introduire dans ses nuits a beau être horripilante, elle ne peut nier que les paysages en arrière-plan sont magiques.

- Mía...

Surprise, son regard se baisse. Une imposante silhouette est perceptible à quelques mètres dans la légère pénombre. Une silhouette qui s'approche d'un pas lent, mais assuré. Des iris rouges s'accrochent aux siennes et alors que le visage du responsable de ses nuits agitées s'apprête à être dévoilé, l'obscurité s'amplifie, intensifiant son regard et brisant son espoir de mettre une image sur lui.

Soudainement, des prunelles de cette même nuance apparaissent dans son dos. Plus haute, plus animale. Pourtant, la dangerosité, l'intensité qui y habitent, sont similaires. Le loup et l'hôte. Deux êtres complémentaires avec une intention identique. Ah oui, pour le coup, elle n'est pas du tout mal barrée...

- N'aie pas peur, lui souffle-t-on mélodieusement.

Cette phrase lui est répétée à chacun de ses rêves comme s'il sait, à l'instant précis, quand la peur monte en elle. Seulement comment ne pas l'être ? Face à un énorme loup qui tente de la manger incessamment ?

- Il ne tente pas de te manger, la rassure l'individu à son opposé en poursuivant sa progression.

- Pardonnez-moi, il est vrai qu'un loup qui court vers quelqu'un, gueule ouverte, est un signe de tendres salutations, ironise-t-elle.

Un rire mélodieux lui parvient au moment où une question germe dans sa tête : comment peut-il avoir connaissance de ses pensées ? La réponse, elle ne la veut pas, mais elle la devine. Il réussit à parasiter son sommeil, ce n'est pas ses pensées qu'il ne violera pas. Toutefois, savoir que ce prisonnier le fait aussi facilement l'agace.

- Puis-je savoir ce que l'Alpha... Hum... Suprême me veut au point de pourrir mes nuits ? s'enquiert-elle sans aucune considération pour son titre.

- Tu ne le sais pas ? s'amuse-t-il. Ce n'est pas grave, tu le sauras bien assez tôt.

En un éclair, il se matérialise devant elle. Sa main se pose sur la joue de la jeune femme et il se délecte de ce contact tandis qu'elle se fige.

- N'aie pas peur, Mía, lui chuchote-t-il une seconde fois.

Fascinée par cette envoûtante voix, elle se détend et ne conteste pas lorsque son visage frôle le sien, lorsque son regard sang plonge dans le sien azuré. Son odeur suave fait monter en elle un sentiment nouveau qui glisse au creux de son bas-ventre et brouille le cours de ses pensées. Depuis quand se laisse-t-elle séduire aussi facilement ? Elle ne le sait pas toutefois, son toucher est si agréable et si reposant qu'elle en somnole presque.

- Excuse-moi d'avance pour ce qui va suivre, dit-il avec amusement en se détachant d'elle avec regret.

- Quoi ? questionne-t-elle, bêtement.

Le prisonnier disparaît et là, le loup noir surgit de nulle part, la gueule ouverte. Les paroles du prisonnier ont beau lui revenir en mémoire, la peur émerge et ses membres se pétrifient. Trois... Deux... Un... À son grand soulagement, elle se sent tomber à la fin du compte à rebours.

En se réveillant dans sa chambre, Phœbé ne perd pas une seconde et enfile sa tenue de sport avant de sortir de chez elle. Depuis le deuxième jour de ses rêves, la jeune femme a pris l'habitude de préparer ses vêtements la veille pour pouvoir, dès son réveil, aller faire un footing afin de décompresser, réfléchir et se réveiller.

En regagnant son domicile aux environs de neuf heures, l'Afro-Américaine a la mauvaise surprise de découvrir ses pots de colle accompagnés de personnes qu'elle n'a jamais vues de sa vie, installés sur son canapé en pleine discussion avec sa mère. Celle-ci est d'ailleurs la première à la voir faire son entrée.

- Ah, ma chérie ! s'exclame-t-elle. Je faisais connaissance avec tes amis ! Vraiment charmants ! Je ne vois pas pourquoi tu ne m'en as pas parlé !

Haletante à cause de sa précédente course, l'intéressée considère ses « invités » qui la dévisagent avec insistance. Sa mâchoire se crispe et elle expire bruyamment.

- Quand je reviendrai dans dix minutes, vous avez intérêt à ne plus être là.

Sans un mot, elle fait demi-tour. Les mains dans les poches de son jogging et la tête baissée, elle marche. Ces deux imbéciles ont osé se pointer chez elle en se faisant passer pour ses amis. Et sa mère, elle, les a crus. Apparemment, April ne veut pas croire qu'elle n'en possède pas, qu'elle n'en désire pas, qu'elle n'a pas confiance en toutes ces personnes qui prétendent être des amis.

L'étudiante soupire de lassitude et relève la tête. Ses yeux naviguent avec désintérêt sur la foule et rencontrent directement une tête rousse, celle de Heather SMITH, sa chère amie de fac qui ne cesse de lui prouver son plus tendre amour. Pas d'humeur à se confronter avec la rouquine qui avance dans sa direction en compagnie de sa bande, elle rebrousse chemin.

Malheureusement, en se retournant aussi brusquement, celle-ci heurte quelqu'un dont le visage est caché par une capuche noire. Son sac, en tombant au sol, laisse échapper une bombe de peinture au grand étonnement de Phœbé. Celle-ci s'excuse et ramasse la bombe qui s'est arrêtée à ses pieds tandis que l'autre saisit son sac.

- Ce n'est rien. Moi aussi, je ne regardais pas là où je mettais les pieds, s'excuse une voix féminine.

- Dites, qu'allez-vous faire avec ceci ? poursuit Phœbé avec curiosité en agitant légèrement l'objet.

Dans les temps actuels, les tags sont vus comme une grande infraction inspirant à la rébellion. Du moins, selon les loups. La société qu'ils ont instaurée est un énorme leurre dans lequel l'Homme se plaît à vivre. Cacher la manipulation derrière des pseudo-libertés encore plus restreintes qu'à l'époque est là leurs uniques actions.

                         

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