J'arrive au bureau la mine sombre, la réceptionniste m'adresse un sourire, mais je ne lui accorde même pas un regard. J'espère que mes avocats ont une bonne raison de m'avoir demandé de venir ici aujourd'hui. C'est le premier jour d'école de Tyler avec sa nouvelle institutrice et j'aurais dû l'y conduire pour me présenter . Mais je n'ai pas pu, à cause de cette réunion. J'ai bien sûr demandé à Aaron d'y aller, mais ce n'est pas la même chose. J'appuie sur les boutons de mon ascenseur privé qui me laisse directement à l'entrée de mon bureau. J'ouvre la porte et ma secrétaire se lève.
" Bonjour monsieur Pierce. "
" Bonjour Zoé. "
Elle marche jusqu'à moi avec un dossier entre ses mains et me le donne.
" Les charognes sont là ? "
" Ils vous attendent dans la salle de réunion. "
Je me saisis du dossier et je marche jusqu'à la salle de réunion. Ces vautours attendent tous une petite erreur pour me faire tomber et prendre le contrôle de ma compagnie. Je regrette de plus en plus d'avoir écouté le conseil de mes avocats qui m'ont demandé de prendre des associés pour amortir les charges. J'aurais dû continuer à travailler seul comme je l'ai toujours fait jusqu'à présent. Et maintenant toutes ces personnes veulent me prendre ce qui a toujours été à ma famille depuis des générations. J'ai à mon actif plusieurs entreprises, une société de vente et de location de voitures de luxe, une boîte de nuit à Toronto, je compte encore en ouvrir quelques uns dans les prochaines années, des écoles privées. J'ouvre la porte et je m'assois au bout de la table. Une fois assis, je regarde toutes ces personnes autour de moi en qui je n'ai pas la moindre confiance. Puis la réunion commence. L'homme assis près de moi se racle la gorge et commence.
" Nous sommes inquiets Pierce, les nouvelles ne sont pas bonnes. "
" Et si vous alliez droit au but Gallagher ? " Demandais-je en sentant ma patience faiblir.
" Très bien, cela fait trois mois et la marchandise n'a toujours pas été retrouvée. "
La patience n'est vraiment pas mon fort, surtout quand quelqu'un m'agace comme cet homme. Je froisse le document que je tiens entre mes doigts et je serre les dents. Je déteste cet homme. À chaque fois que je le vois, je suis pris d'une envie de meurtre. Cela fait plus de trois mois qu'une de nos cargaisons a disparu. Comment ? Je ne sais pas, d'ailleurs jusqu'ici, personne n'arrive à se l'expliquer. Des hommes armés sont venus et ont braqué une camionnette contenant près de six millions de dollars de marchandises. Deux voitures de luxe qui devaient être livrées à un riche homme d'affaires américain. Nous avons dû trouver une alternative. J'ai pu livrer les deux voitures dans les temps et j'ai payé cela avec mes propres moyens sans demander quoi que ce soit à ces hommes. Mais jusque là, ils continuent à me rôder autour comme des charognards, continuant à me faire des reproches, comme si j'aurais pu voler ma propre entreprise.
" Cette histoire a déjà été réglée et ceci sans vous demander le moindre dollars.
" Pour vous peut-être, mais pas pour nous. Cela démontre le manque de sécurité qu'il y'a au sein de cette entreprise. "
Je me frotte les yeux pour ne pas lui sauter à la gorge.
" Vous voulez rire ? Ces consignes de sécurité, c'est vous même qui avez demandé à ce qu'elles soient appliquées parce que selon vous elles étaient impénétrables. "
Je le vois tiquer et je jubile. Aaron et moi avons toujours eu des consignes de sécurité toutes simples. Les chauffeurs qui doivent effectuer les livraisons se relaient, bien sûr, il y'a des personnes chargées de leur sécurité qui agissent dans l'ombre. Mais l'homme assis à côté de moi, est le directeur de la sécurité d'une des plus grande banque de Toronto, il a trouvé ma façon de faire beaucoup trop coûteuse et risquée. Après un vote, ils ont décidé d'assigner à cette tâche des hommes savamment entraînés ceci pour réduire ou plutôt annuler l'entreprise de sécurité pour laquelle je payais chaque année. La première livraison à été un succès et la deuxième, un véritable échec et le fait qu'ils osent me mettre ça sur le dos, me contrarie énorment. Amanda Wallon, la seule femme autour de cette table, prend la parole, elle est la femme d'un puissant homme politique.
" Il est clair pour moi que cette réunion est une totale perte de temps ! La faille dans la sécurité c'est vous qui l'avez causé en dénigrant la méthode utilisée par monsieur Pierce depuis des années. Tout cela est de votre faute. Alors au lieu de mettre tout cela sur son dos remettez vous en question et trouvez ce qui a merdé ! "
Tout le monde au bout de la table reste sans voix. Elle a dit tout haut ce que je n'arrivais pas à dire. Pas par peur, mais plutôt par diplomatie. Ce n'est pas pour rien qu'on la surnomme le requin en affaires, elle broie tous ses ennemis.
" Maintenant que ce sujet est clos, excusez-moi, mais j'ai du travail. "
Je tire mon fauteuil et je sors de la pièce les laissant là. S'ils veulent me faire qu'il cherche des plans beaucoup plus élaborés que celui-ci. Je retourne dans mon bureau et je m'assois face à la vitre, c'est fou ce qu'un peu de hauteur peut vous conférer du pouvoir. Je dénoue ma cravate et je reste assis là sans rien dire. Mon téléphone se met à sonner et je réponds, c'est Aaron.
" Alors comment ça se passe ? "
" Rien de nouveau, mais l'institutrice n'est pas encore arrivée. "
Je plisse les yeux et je regarde ma montre, huit heures. Elle est déjà en retard pour son premier jour, ça ne s'annonce pas très glorieux tout ça.
" Comment veux-tu que je la laisse travailler dans cette école ? Elle est déjà en retard pour son premier jour ! "
" Pour sa défense, les vols ont été reportés à cause de la pluie. "
Je lève les yeux au ciel, agacé qu'il prenne sa défense.
" Je vois la voiture de cet idiot de Morgan, tu penses qu'il est allé la chercher pour qu'elle note bien son neveu ? " Demande Aaron non sans un soupçon d'agacement dans la voix.
Je comprends très bien ce qu'il veut dire par là. Moi aussi ces gens me rentrent par les narines, mais nous avons choisi de nous mêler à eux, du moins partiellement pour ne pas trop attiré l'attention sur nous. Mais ça a trop bien marché, au point où ils veulent tous savoir ce qui se passe derrière les murs de State Garden. Aaron reste silencieux pendant un moment, puis j'entends un étrange murmure.
" C'est impossible ! " Dit-il d'une voix tremblante.
" Que se passe-t-il ? "
J'entends des échanges vocaux, puis au bout de quelques minutes Aaron me répond.
" Mec tu devrais te dépêcher de rentrer. " Dit mon cousin avec un ton dans sa voix que je ne reconnais pas.
" Mais pourquoi ? "
" Moi-même je ne sais pas comment t'expliquer ce que j'ai sous les yeux. "
Je raccroche en plissant les yeux, j'espère que ce n'est pas un nouveau problème qui nous tombe dessus. Je m'adosse sur le fauteuil de mon bureau et je regarde la plafond. La porte s'ouvre quelques minutes plus tard, sur Amanda et Zoé qui lui court après.
" Je suis désolée monsieur Pierce. "
" Ne vous en faites pas Zoé. "
Elle s'excuse et sort en refermant la porte. Mon regard se pose sur la femme devant moi. Elle est sexy en diable, une beauté tape à l'œil mais qui pour moi me parait superficielle.
" Qu'est-ce que tu veux Amanda ? "
" Tu sais très bien ce que je veux. "
Elle marche jusqu'à moi et s'assoit sur mon bureau, son parfum capiteux me monte au nez de qui pose un énorme problème à mon odorat. Elle expose ses longues jambes sans doute pour me séduire, sauf que ça ne marche pas sur moi.
" Tu ne m'as jamais rappelé. "
" Certainement parce que tu es une femme mariée. "
" À un vieux croûton qui ne me satisfait pas sexuellement. "
" Eh bien dans ce cas paye les services d'un autre, parce que moi je ne vends pas les miens. Et maintenant, tu vas me faire le plaisir de sortir de mon bureau, sinon j'appelle la sécurité. La prochaine fois que tu entres dans mon bureau c'est pour me parler d'affaire sinon je reviens plus. "
Elle me regarde d'un air dur et moi je garde mon air impassible. Cette femme ne me fait pas peur. Si ce n'était pas son mari qui était un riche magnat du pétrole, je pense qu'elle ne se serait sans doute jamais retrouvée à la tête d'une telle fortune. Elle se lève et arrange sa jupe.
" Un jour, tu seras à moi. "
Elle claque la porte et je lève les yeux au ciel. J'examine quelques dossiers, puis je décide de rentrer à dix-neuf heures. Mon chauffeur m'attend dans le parking. Je ne peux pas retourner chez moi avant une semaine. J'ai de nombreux dossiers en cours dont je m'occuper. Je prends mon téléphone et j'appelle chez moi, Aaron est avec Tyler. Il répond à la première sonnerie.
" Je te le passe. "
J'attends un bruit sourd de l'autre côté du téléphone, puis j'entends le souffle de Tyler.
" Tu avais promis que tu serais là. "
Je retire le combiné de mon oreille et je pousse un soupir. Il m'en veut encore plus que je ne l'imaginais.
" Je suis désolé mon grand, j'ai eu énormément de travail. "
" Mais tu as toujours du travail ! " Hurle-t-il. " Tu sais quoi, ne revient plus t'as qu'à rester avec ton travail ! "
J'entends du bruit, puis de pas et enfin la voix de Aaron.
" Il est monté se coucher. "
" Je reviens en fin de semaine. "
Je raccroche sans rien rajouter d'autre. J'en veux à la vie de m'avoir fait ça. Je ne suis pas un bon père, j'avais encore besoin d'elle, elle n'aurait pas dû partir comme ça.Je suis un bon chef de meute mais un père ? Ça non. Je sors un papier et un crayon et je recommence à dessiner la fille qui hante mes pensées.