Le crack était moins pire que la cocaïne sur le comportement de Silas au niveau physique et psychiatrique, mais sur Andreana, les effets étaient redoutables.
Elle faisait des crises de schizophrénie de plus en plus intenses depuis 2014.
Cette année 2017 et l'année d'avant, Silas avait dû la transporter à l'hôpital en urgence parce qu'elle avait voulu se suicider en ingurgitant des médicaments anti-inflammatoires et des somnifères, auxquels elle était totalement allergique, en faisant passer le tout avec de la javel.
C'était la seconde tentative de « suicide spontané » qu'elle faisait depuis que Silas la connaissait.
Depuis qu'ils avaient commencé à fumer du crack, elle voyait des choses, sentait des odeurs, et entendait des voix qui n'existaient pas.
Comme c'était l'année des congés bonifiés des fonctionnaires pour la famille, Silas attendait la paie de fin juillet pour payer le seul billet d'avion d'Andreana pour passer 35 jours à Lorient dans la famille de Silas, mais un Avis à Tiers Détenteur des Impôts de 2700 euros mit tout à plat.
Durant les congés bonifiés, c'est-à-dire deux mois de vacances tous les trois ans, payés comme en Guyane, avec paie majorée sans certaines primes, les billets de toute la famille étaient payés par l'administration. Il fallait motiver les fonctionnaires continentaux à venir travailler dans ce département considéré comme plein d'insectes et violent.
Andreana ne pouvait venir avec eux. Ils n'étaient pas mariés à cause du divorce de Silas qui n'était pas encore inscrit sur son état civil, et donc son billet à elle n'était pas pris en charge.
Les deux enfants, André, Laura et lui, allaient aller seuls à Lorient chez les parents de Silas durant le mois d'août.
Silas fit les courses pour un mois, et laissa à Andreana 200 euros pour ses faux frais.
Il ne pouvait faire plus sans être à la charge de ses parents qui vivaient, eux, avec leur quasi minimum vieillesse.
Ils allaient passer des vacances en famille et prendre le bus pour aller à la plage de Larmor-Plage. Il n'y aurait pas de voiture de location.
Le train lui coûtait déjà 350 euros à la descente de Paris vers Lorient.
L'ATD avait été fait exprès pour empêcher la famille de partir en vacances et de dépenser l'argent des impôts.
En effet, il est vrai que Silas et Andreana fumaient les impôts qu'ils devaient payer.
À partir du 15 août, le contrat mobile se stoppa faute de liquidités sur le compte CCP de Silas qui avait tout retiré en espèces, de peur d'une autre saisie d'une origine inconnue.
Il croulait sous les créanciers car il avait accumulé des dettes.
Il avait fait le choix de la drogue au privilège de ses factures courantes.
Andreana devint injoignable.
La dernière fois que Silas l'avait eu au téléphone c'était pour la coupe du monde de football France-Brésil, où elle avait perdu 100 euros par terre, lui avait-elle dit.
Après, il appelait, mais aucune réponse et aucun appel de sa part.
Lucien, son fils à elle, ne savait rien...
Le 02 septembre, la famille rentrait à Cayenne au domicile familial.
Un second ATD de 1300 euros avait été fait sur le salaire comme en août.
Elle appela le 09 septembre pour que Silas vienne la chercher à Degrad Saramaka près de Kourou.
Elle lui demandait d'apporter 200 euros, car elle devait rembourser des gens qui l'avaient conduit en pirogue entre Saint-Élie sur le lac artificiel de petit saut et le lieu de rendez-vous.
Il était tellement heureux de la revoir et de savoir qu'elle n'avait pas eu d'accident qu'il ne posa aucune question.
L'argent était un moyen, pas un but.
Il n'avait pas fumé depuis son retour et en était heureux.
Il était aux anges.
Une semaine après, après avoir eu ses indispositions, Andreana repartait vers Saint-Élie récupérer des vêtements qu'elle revendait maintenant.
Elle disait avoir trouvé un travail durant l'été : revendeuse de vêtements sur les sites autour de Saint-Élie, un village en pleine forêt, haut lieu de l'orpaillage clandestin.
Elle partait pour une ou deux semaines maximum, lui avait-elle dit.
Deux semaines plus tard, elle appela Silas via un téléphone satellitaire, et lui annonça qu'elle faisait la cuisine dans un site d'orpaillage illégal de 20 personnes.
Elle rentrerait dans deux semaines.
Un mois et demi après, elle rentrait à la maison.
Cela faisait deux semaines qu'elle n'avait pas donné de nouvelles, alors qu'avant elle s'arrangeait pour avoir Silas soit sur son portable, soit sur le téléphone de son travail, au moins deux fois par semaine, pour prendre des nouvelles des enfants.
Au travail, Silas s'épanchait auprès de son nouveau chef Gaël, qu'il considérait également comme un ami, sur les absences incontrôlées de sa femme.
Il était triste, mais restait concentré et demeurait performant dans son travail, même plus que d'habitude.
Il se vengeait dans le travail et assumait la responsabilité des enfants et de la maison tout seul.
Elle arriva par surprise à 18 h 00 un mercredi.
Silas eut le cœur si heureux de la voir qu'il en pleura en la prenant dans ses bras.
Les enfants lui sautèrent au cou.
Le soir même, Silas se dénuda et se coucha près d'elle.
Il entreprit de lui faire l'amour.
Elle lui dit qu'elle avait ses règles, et qu'elle n'était quand même pas obligée de faire l'amour avec lui si elle était en plus fatiguée.
Il lui dit que cela faisait 1 mois et demi qu'il ne l'avait pas vue, et qu'elle allait certainement avoir envie elle aussi.
« Ce n'est pas grave Andreana. Si tu es fatiguée, demain est un autre jour », lui dit-il.
Ils firent l'amour quand même.
Trois jours plus tard, dans la soirée, Andreana décide de prendre de la coke
Elle était sur les dents, et le matin Silas visionna son Facebook où ses dernières photos ne montraient pas qu'elle avait l'air de faire la cuisine.
Elle faisait la fête avec des gens et était habillée très sexy.
Silas péta un câble, et sortit taper ses tibias dans un arbre présent sur le parking de l'école des enfants située devant sa cité pour se défouler, et faire partir les sentiments de violence qui ne s'étaient pas apaisés par cette nuit sous cocaïne.
Elle repartait le lendemain pour revenir dans un mois, lui dit-elle.
Nous sommes alors le 12 octobre 2017.
Elle devait partir un mois pour pouvoir revenir avant Noël.
Elle allait en fait revenir le 05 janvier 2018.
Elle appela Silas une fois la première semaine.
Elle tenta de le contacter et sur son portable et au travail, mais en vain.
Puis, plus rien.
Seul André, 12 ans, que Silas avait reconnu comme le sien savait.
En fait, il savait que maman ne reviendrait pas pour Noël.
Silas entra dès la seconde semaine en dépression.
Laura, 8 ans, le consolait le soir de l'absence de leur mère.
Pour ses collègues et ses chefs, même si au travail il demeurait efficace, sa vie familiale était un problème.
Son directeur adjoint aux douanes de Cayenne le lui dit un jour :
« Tu sais Silas ? Tu dois te faire à l'idée qu'Andreana t'a quitté. Tu vas péter un câble, et ce sont les enfants qui vont prendre au final. Que feras-tu d'eux si tu es hospitalisé à nouveau ? Prends-tu tes médicaments ? »
« Oui, monsieur le directeur, je le sais. Ne vous inquiétez pas pour moi, mais Andreana a un problème que je vais solutionner. »
« Si tu fais des conneries, Silas, on ne pourra pas te protéger cette fois-ci. Le Directeur Régional ne te couvrira pas. »
« Je sais, mais ne vous inquiétez pas. Je suis un grand garçon. »
Le 15 décembre 2017, Silas fit passer par les contacts d'Andreana le message suivant :
« Si le 24 au soir, elle n'est pas à la maison, je vais m'occuper personnellement du cas des gens liés à elle dans l'orpaillage illégal. »
Par l'intermédiaire de Rich, son ami d'enfance informaticien, il avait cracké son portable qu'elle avait laissé à André et sa liste de contacts.
Il avait eu accès à ses messages, son Facebook, son WhatsApp également. Il la voyait s'échapper et le quitter.
« Non ! Elle avait un problème de sécurité, et elle ne voulait pas le dire à Silas », se disait-il.
Malgré les messages des échanges avec des hommes qui laissaient ouvertement supposer qu'elle l'avait trompé durant l'été, Silas ne pouvait y croire.
Pour lui, elle se faisait draguer c'est tout.
« La Guyane est le pays du diable », lui avait dit Serge Grisnez, un ami martiniquais, patron d'une grosse boîte d'ingénierie.
Il était normal ici de vouloir coucher avec la femme d'un autre, et surtout que les Brésiliennes avaient la réputation de ne pas être très fidèles.
Son amour pour Andreana rendait Silas hermétique à toute logique, à l'imagination de toute trahison de la part d'Andreana.
En fait, il restait fidèle à l'adage qui dit que : « L'amour rend aveugle ».
Le 24 décembre 2017, la mère Noël ne vint pas au réveillon.
Silas n'avait pas fait de sapin, et n'avait pas acheté de cadeaux aux enfants.
L'heure pour lui n'était pas à la fête.
Sans leur mère, Noël ne pouvait être une fête des enfants.
Silas voulait que les enfants se rappellent cette soirée toute leur vie, tout comme lui se rappelait les noëls gâchés par son propre père.
Andreana avait eu également des Noëls gâchés, mais c'est pour cela qu'elle n'attachait aucune valeur à cette fête.
Pour Silas, Noël, était la réunion de famille et était le moment le plus important de l'année.
À minuit, Andreana ne vint pas.
Il l'avait attendu toute la soirée, espérant qu'elle allait faire tout son possible pour être là pour le réveillon et lui faire la surprise de son retour.
Silas prit les enfants dans ses bras et pleura avec eux.
Le 25 décembre, il avait loué pour le week-end une Dacia, et alla direction Degrad Saramaka à Kourou, vers 16 h 00.
La maison de la femme était au milieu de cette sorte de favela brésilienne reconstituée en France.
En Guyane, les quartiers populaires étaient des habitats spontanés construits illégalement, et étaient constitués de tôles, de briques, avec des systèmes bricolés pour se faire approvisionner en eau et en électricité illégalement.
La gauche avait permis à ces gens de légaliser leur habitation quand elle était faite en dur par des compteurs d'eau et d'électricité.
Mais depuis les constructions illégales avaient proliféré, et les propriétaires vendaient leur eau et leur électricité à prix d'or à leurs voisins clandestins.
C'est dans cette juxtaposition de constructions faites de bric et de broc, que des familles de sans-papiers et de Guyanais vivaient à cause d'une pénurie de logements sociaux.
De toute manière, nombreuses étaient les familles qui ne pouvaient y prétendre du fait d'un blocage des titres de séjours depuis Sarkozy.
Il arriva dans la maison où il avait été chercher Andreana la première fois en septembre 2017.
C'est aussi là qu'il l'avait laissée lors de son second départ pour Saint-Élie.
Le mari de la femme savait où était Andreana et cela Silas en était persuadé
La femme l'avait appelé vers le 20 décembre pour lui dire qu'Andreana était une grande fille.
Silas lui avait demandé si elle pouvait lui transmettre un message : « Que Andreana le rappelle le plus vite possible ».
Il n'avait eu aucun appel, et après, cette femme avait bloqué son téléphone
Au cas où, il vint armé d'un couteau très aiguisé qu'il avait caché dans sa ceinture, derrière le pantalon.
Il vint vers l'entrée de la bâtisse, et vit la femme sur le seuil.
À la vue de Silas, la Brésilienne appela à l'aide ses deux fils.
Silas mit un genou à terre en signe de paix.
Il ne voulait savoir qu'une seule chose : sa femme était-elle vivante ? « Savez-vous si elle est vivante et où ? »
Les deux fils de 19-20 ans lui firent signe de partir d'une manière agressive.
Il dit à la femme que mentir dans son milieu était honorable, mais là le « Capitaine des Douanes », « O Capitao da Aduanera », avait besoin de savoir si sa femme était vivante.
Un des deux hommes menaça Silas de le frapper s'il ne quittait pas les lieux.
Il sortit un bâton.
Silas sortit son couteau et recula vers le chemin.
Le second jeune suivit Silas de près, et Silas ne posa le couteau que rentré dans sa voiture.
Il était empli de violence et n'avait peur de rien ni de personne.
Rentré dans son véhicule qu'il avait garé un plus loin que le chemin d'accès à la maison de la femme, Silas vit un des jeunes venir à lui avec le bâton, certainement pour casser la voiture avec.
Silas qui avait appris à conduire dans un service d'intervention des douanes, la DNRED, prit de la distance très vite sur le Degrad, puis il revint en roulant sur la droite du chemin, doucement, flairant le guet-apens.
L'homme surgit du chemin, caché par un muret.
Silas fonça sur lui par la gauche, obligeant l'homme à reculer, et Silas accéléra très vite malgré le dos d'âne imposant pour filer ensuite vers la sortie.
Arrivé 100 mètres plus loin, un carrefour amenait à une place intérieure, et les gendarmes étaient là en nombre, en pleine opération.
Silas sortit sa carte professionnelle et se présenta à eux.
Il leur expliqua ce que représentait ce haut lieu de l'orpaillage illégal vers Saint-Élie.
Il leur expliqua qui était qui dans le secteur, et comment dans peu de temps, il allait prendre contact avec le colonel du GIR de la Guyane pour donner toutes les informations qu'il connaissait.
Silas savait à peu près qui faisait quoi, et quelles étaient les pistes de contrôle qui n'étaient pas encore utilisées par les gendarmes.
Il fallait par exemple survoler en hélicoptère la forêt le long des cours d'eau, et chercher les sites de présence humaine avec une caméra thermique la nuit.
Si lorsque l'hélicoptère survolait des groupes de formes de chaleur qui se séparaient, c'est que l'on avait affaire à des animaux.
Si les formes de chaleur se regroupaient, c'est que l'on avait affaire à des humains.
En ce moment, la montagne million était le lieu où étaient le plus implantés les sites illégaux.
Rentré chez lui, Silas compris qu'il avait fait une erreur en allant là-bas, car il aurait pu prendre une balle.
Ce n'était pas grave, il savait qu'Andreana allait être destinataire du message.
En effet, Le 05 janvier, elle arriva dans l'après-midi.
Elle est là, le soir en train de faire à manger quand Silas rentre à la maison après son travail.
Il lui saute au cou.
Il l'embrasse et pleure à ses genoux.
Elle lui explique que durant la fin d'année, les sites ont été verrouillés par les gendarmes.
Personne ne pouvait sortir de la forêt.
Elle a même dû laisser son or là-bas, et doit repartir prochainement, dans une semaine, le chercher, et lui dit que ce sera son dernier voyage.
Elle a avec elle l'équivalent de 1200 euros en or.
Elle doit se rendre à Oiapoque, la ville brésilienne frontière, pour le changer.
Le jour de son dernier départ, Andreana est mécontente.
Elle reproche à Silas d'avoir été menacer ses amis à Kourou.
Elle lui dit qu'elle part pour une semaine, peut-être deux.
Silas pleure à son départ.
Il lui dit que si elle n'est pas rentrée au bout d'un mois, c'est fini entre eux.