--- Nous en avons pour plusieurs jours avant de rencontrer ton père. Suis-moi et cache bien ton visage.
Après ça je me mis à le suivre comme une enfant. J'avais une écharpe enroulée sur le visage pour éviter que l'on me reconnaisse.
Il fallait se dépêcher et quitter la ville avant que ma mère ne se mette à ma recherche. Je n'arrivais toujours pas à croire ce que j'étais en train de faire.
Je souhaitais encore sortir de ce rêve.
Mais chaque fois que je me réveillais c'était sous les bruits de ce vieil homme qui me demandais de me lever pour qu'on recommence notre périple.
Quelle triste réalité !
--- Alain tu me manques tellement (Disais-je en regardant le ciel étoilé dans le désert)
Néanmoins je redécouvrais le monde dans lequel je vivais. La sensation que l'on a par avion n'est en rien comparable à celle d'un voyage clandestin je dois dire.
Cette montée d'adrénaline qui fait irruption dans notre corps au moindre coup de feu. Vous courez sans savoir où vous allez et lorsque vous êtes enfin à l'abri, vous tombez sur un magnifique palais de couleurs dans le ciel qui vous rappelle à quel point l'expérience que vous vivez est unique et sans pareille.
Au fond de moi j'avais peut-être toujours été une aventurière.
Du Cameroun jusqu'à Djibouti en passant par le Tchad, le Soudan et l'Éthiopie. Je redécouvrais le vert pâturage et les déserts.
Et que dire de la traversée du fleuve du Nil où vous êtes accompagné d'un magnifique orchestre d'oiseau et d'animaux rampant qui chante pour le plaisir de leurs convives.
Pour ces quelques instants de beauté, je me sentais revivre.
Nous arrivions afin à Ali Sabieh, la deuxième plus grande ville de Djibouti. Son climat tropical me faisait un effet de renouveau et de mystère sur la peau.
A l'entrée de la ville se trouvait un jeune homme, de taille moyenne, arqué, la peau noire et les cheveux crépus. Il était différent des habitants de cette ville. Il n'était pas somali.
Ça devait être un étranger tout comme moi...
Vieil homme : C'est ici que nos chemins se séparent jeune fille. Tu suivras ce jeune homme. Il te conduira à ton père.
J'hochais la tête en signe d'accord. Ils se séparèrent en parlant une langue que je ne maîtrisais pas. Mais la seule chose qui me disait de leur faire confiance, c'était la couleur de leurs âmes. Elles étaient vertes et me rappelaient le respect.
Ils devaient sans doute être redevable à mon père pour prendre autant de risque pour moi.
--- N'aies pas peur. Je suis Yannick, mais les habitants d'ici m'appelle Salif (Dit-il en prenant ma main)
En tâtant ma main môle et sourit légèrement.
Salif : Blonde aux yeux bleus. Tu ressembles à ton père.
--- Merci et je n'ai pas peur. Pas encore. Moi c'est Anna. Pourquoi on t'appelle Salif ?
Salif : Il faut se fondre dans la masse. Donc ne soit pas surprise que tu aies un nom d'adoption, c'est pour ta sécurité. Suis-moi, c'est par ici (Dit-il en me tenant par la main)
Il avait un comportement très familier pour quelqu'un qu'il rencontrait à peine.
A mesure qu'on entrait dans la ville, mon cœur battait. J'allais bientôt rencontrer mon père que je croyais mort depuis ma naissance. J'avais trouvé une rare photo de lui dans les affaires de ma mère et j'espérais que ce soit le même visage, un peu couvert par la vieillesse.
Il me tenait fermement par la main et m'engouffrais dans un marché bondé et très agité.
Nous avions encore pris un moyen de transport et nous arrivions dans un campement près d'une forêt. Chacun vaquait à ses occupations, mais à voir leurs couleurs, ils semblaient avoir des similitudes.
--- C'est ici que vous restez ? (Demandais-je en le suivant)
Salif : Oui, pour le moment. Ton père est ici.
Il m'amena derrière les tentes et j'y trouvais de jeunes hommes et femmes en train de s'entrainer au combat et au tir à l'arc. C'était un spectacle que je n'avais pour habitudes de ne voir que dans les films.
Parmi eux se trouvait un homme aux cheveux gris. Il avait fière allure pour l'âge qu'il devait faire. Et toutes les couleurs de ce campement convergeaient vers lui.
Salif s'arrêta près de lui et l'appela.
Salif : Chef !
Il était dos à moi et j'avais les mains qui tremblaient comme une feuille menacée par le vent. Il se retourna vers nous et nos regards se croisèrent. Lorsqu'il me vit il se mit à sourire et m'appela.
Chef : Anna !
Je sortis la photo de ma poche et je la comparais à l'homme que j'avais en face de moi.
La réponse était si évidente. Une joie que je ne m'expliquais traversa tout mon corps et je me ruais comme une enfant jusqu'à ses bras.
--- Papa ! (En l'embrassant)
Je m'étais mise à pleurer pendant qu'il me berçait. Je n'avais aucun souvenir de lui mais c'était comme si je le connaissais depuis toujours.
Le voyage m'avait énormément épuisée. Il m'avait demandée de me reposer un peu. J'avais pris un bain et j'avais mangé assez pour m'endormir dans sa tente comme un animal repus. J'avais dormi plusieurs heures.
Je me réveillais au milieu de la nuit et j'étais toujours seule dans la tente. Lorsque je sortis, je trouvais mon père assis autour d'un feu de camp avec quelques hommes à lui parmi lesquels Salif.
Chef : Viens t'asseoir ma fille (Proposait-il)
J'enroulais une grosse écharpe autour de moi et je m'assis près de lui.
--- Qu'y a-t-il ? (Demandais-je)
Chef : Je suis désolé de devoir couper court à ton repos mais c'est important pour ta survie et la nôtre.
--- Non ça ne me dérange pas. J'ai beaucoup de question à te poser.
Chef : Je t'écoute.
Je regardais autour de moi et fis signe à mon père qu'on devrait peut-être en parler à huis clos.
Chef : Ne t'inquiète pas. Ils peuvent rester.
--- Okay. Pourquoi tu es partie papa ? Pourquoi maman m'a dit que tu es mort ? Qui est ma mère ?
Tellement de questions fusaient dans ma tête que je les sortais, sans réfléchir au contexte de la conversation. Il fallut que mon père m'apostrophe pour que je m'arrête.
Chef : Calme-toi.
Je me mis à respirer lentement. Une fois mon calme revenu, il renchérit.
Chef : Est-ce que tu crois en Dieu Anna ?
Cette question me fit entrer dans mon fort intérieur et regarder au fond de moi-même pour me rendre compte de la réponse.
Je ne savais plus en quoi croire.
--- Je ne sais pas. Encore moins après tout ce qui s'est passé dans ma vie récemment.
Salif : Si tu as déjà vu un démon alors tu dois croire que les anges existent (Ajouta-t-il)
--- Vous voulez dire que ma mère est...
Chef : Oui Anna. Ta mère est un démon. Un archidiable.
--- C'est une blague.
Chef : Non, malheureusement. L'enfer possède neuf royaumes, tous sous le commandement du roi Baal. Et ta mère est la princesse du royaume de l'Averne. Celui dont tu es sensée être l'héritière.
Salif : Zariel ! C'est comme ça qu'elle s'appelle.
A la prononcée de son nom les flammes du feu de bois augmentèrent seules, et nos ombres nous recouvraient comme si elles tentaient de nous protéger du regard de la lune.
--- Zariel ? J'ai déjà entendu quelqu'un l'appeler ainsi quand j'étais petite.
Je cherchais dans ma tête où est-ce que je l'avais entendu mais ça semblait encore flou.
Chef : Quelle que soit la nature de l'information sur ta mère que tu pourrais avoir, elle nous sera très utile, alors prend bien le temps de réfléchir. En ce qui concerne la raison de ma disparition...
--- Pourquoi ? Pourquoi tu es partie si tu savais que j'étais autant en danger ? Pourquoi ne pas m'avoir prise avec toi ?
Chef : Calme-toi s'il te plaît.
Je pliais mes genoux jusqu'à mon menton et je l'écoutais en essayant de ne pas cligner des yeux pour éviter qu'une larme ne s'égare.
Chef : Ta mère et moi étions très amoureux dans notre jeunesse. Mais les conditions dans lesquelles nous vivions à étaient l'époque très miséreuses pour elle. C'était une femme ambitieuse, mais impatiente, beaucoup trop pour l'homme que j'étais. On avait l'habitude de se disputer au sujet de sa quête effrénée d'argent et de pouvoir. Et on se séparait à chaque fois en queue de poisson. Un soir alors que nous rentrions d'une fête un peu arrosée, nous sommes tombés sur un homme étrange. Il nous demandait de jouer à un jeu avec lui.
--- Lequel ? (Demandais-je)
Chef : Ta mère devait l'aider à préparer sa demande en mariage pour sa femme, et en échange, il nous offrait l'or et le pouvoir. Tous les désirs de notre cœur.
- C'était une proposition bien trop étrange pour un jeu aussi simple alors je refusais. Mais ta mère était comme envoutée par cet homme. Elle ne m'entendait plus. C'était comme s'il l'avait charmée. Il savait ce qu'elle voulait et ses yeux brillait à sa vue. Il posa un genou au sol et retira l'une de ses bagues pour l'insérer autour de son annulaire et lui demanda de l'épouser. J'essayais de bouger ou même de parler mais j'étais comme paralysé devant le spectacle qui avait lieu.
Elle accepta de l'épouser et plus tard, il s'en alla en lui laissant la bague autour du doigt. C'était là le début de mon calvaire.
--- Une bague ? Rouge rubis ?
Chef : Oui
--- Elle ne quitte jamais son doigt. Je ne l'ai jamais vu sans cette alliance.
Chef : C'est dans cette bague qu'elle puise toute sa force. Au début je lui demandais de retirer cette bague de son doigt mais elle refusait. Je ne la prenais pas au sérieux parce qu'elle me rassurait toujours de la garder juste parce qu'elle la trouvait jolie. Mais un soir alors que je dormais, je me suis réveillé au milieu de la nuit et j'ai surpris ta mère avec un couteau en main. Elle se scarifiait le poignet et répétait sans cesse qu'elle allait me tuer et pour qu'elle puisse être mariée à lui.
--- Baal ?
Chef : Oui. Cette même nuit elle a failli me tuer, mais j'ai réussi à m'en fuir. Quelques temps après j'ai rencontré des chasseurs, qui m'ont appris tout ce que je sais aujourd'hui.