J'essaye alors tant bien que mal de lui expliquer ce qu'il m'arrive depuis mon retour de Conakry. Cela remonte à deux mois maintenant.
Maman - Sorcellerie ! Après t'avoir volé ta langue c'est un bébé qu'on met dans ton ventre ? C'est ce que tu essayes d'expliquer ?
- Je ne comprends pas.
Je lui parle alors plus en détail de cet homme de nuit et de ce matin où je me suis réveillée avec des douleurs à l'entre-jambe.
Maman *mettant sa main à bouche* - C'EST UN VIOL ! On a violé ma fille oh ! J'avais raison ! Qui est cet homme ?! Décris le moi !
- Je ne vois presque pas son visage. Un viol mais comment ? Je me suis réveillée dans ma chambre.
Maman - Comment tu étais à ton réveil ?
- Je me sentais mal. J'avais mal à la tête.
Maman - Tu avais vu la veille avec tes cousines ?
- Non. J'ai beaucoup bus du jus.
Maman - Il y avait des hommes avec vous ?
Après quelques instants de réflexions je hoche de la tête.
Maman - Ce sont tes cousines les sorcières ! Pourquoi je t'ai laissé la bas ? Ton père a raison je ne suis qu'une irresponsable !
Pourtant, je ne le pense pas. C'est vrai que maman est un peu frivole mais elle reste une bonne mère pour Zeyna (ma grande sœur) et moi. C'est la seule d'ailleurs qui comprend la langue des signes. Papa, lui, c'est autre chose...
Maman *prenant une grande inspiration*- Ne fais part de la nouvelle à personne. Pour l'instant, je ne sais pas ce qu'on va faire de cet enfant enfin pas tant qu'on aura pas trouver le père.
Mais comment ? Cet homme n'existe que dans ma tête !
- Maman je te jure que je ne l'ai pas fait exprès. Je ne sais pas comment c'est arrivé.
J'essaye de lui montrer ma tristesse à travers mon visage puisque les mots me manquent. C'est le seul moyen que j'ai pour m'exprimer. Maman compatit et tant mieux. De toute façon, c'est la seule qui me comprends. Néanmoins elle est persuadée que c'est un viol alors que moi, je n'ai aucun souvenir....
Maman - Allons chez le gynécologue !
Elle me tire par le bras pour me relever et me force à porter une tenue pour qu'on sorte. En moins de 30 minutes nous y étions. Je suis majeur, très exactement j'ai 19 ans pourtant, maman est toujours aussi protectrice avec moi. Pourtant, parfois on a l'impression que c'est une femme irresponsable. Du moins, c'est l'image qu'elle renvoi d'elle.
Une fois en face de la gynécologue j'étais prise au dépourvue et dépassée par la situation.
Maman - Nous venons pour une consultation de routine.
Gynécologue - Eh bien pour ça il faut prendre rendez vous madame ! Je vous prends exceptionnellement car je suis déjà votre fille.
Effectivement, c'est ma gynécologue. Elle est habituée à ce que je sois avec ma mère lors de mes visites. C'est elle qui se charge de traduire.
Maman *sortant le test de grossesse* - Voilà pourquoi nous sommes là. C'est une urgence !
Surprise, la gynécologue prend le test des mains de ma mère, réajuste ses lunettes puis lance à demi mot :
Gynécologue - Enceinte ?
Elle me regarde.
Gynécologue - La dernière fois que je vous ai vu vous m'avez assuré ne pas n'avoir eu de relations sexuelles.
Maman - Elle a subit un viol !
Gynécologue *confuse* - P-pardon ?
Maman - Ma fille est muette, elle ne peut pas coucher avec des hommes !
Gynécologue - C'est sa parole qui n'est pas fonctionnel madame ! Non pas ses parties intimes et encore moins son appareil de reproduction. Pour en être sûr, je peux faire une échographie.
Maman - Non, faites lui un kit de viol, on ira déposé plainte !
Je tape l'épaule de ma mère avec mon coude.
Maman - Toi même tu m'as dit ne pas te souvenir de ce qui t'es arrivé.
- Je m'en souviens pas car j'étais droguée.
Quelques souvenirs me reviennent. Ce soir là j'étais avec mes cousines paternelles. Les mêmes qui me rejettent à cause de mon handicap. Elles avaient invités des hommes, je m'étais isolée dans une chambre non loin du salon.
~ 2 mois auparavant ~
Massou - Tu veux nous rejoindre ? *me demande t-elle en ouvrant brusquement la porte de ma chambre*
Ils s'amusaient tous depuis des heures dans la pièce principale tandis que moi je restais seule enfermée dans ma chambre à regarder la télévision. Cette situation ne me déplaisait pas. Au contraire. Même si je trouvais que mes cousines et leurs invités faisaient beaucoup trop de bruit.
Suite à la question de ma cousine, je lui fais non de la tête. J'étais bien ici. Mais, elle insiste. Je ne peux pas parler pour me défendre et elle ne comprenait pas pourquoi je ne voulais pas. Comment lui expliquer ? Aucun mot ne sort de ma bouche. Massou a donc interpréter mes gestes autrement et me force à quitter la chambre pour rejoindre les autres. Cependant, je reste dans mon coin. Ce n'est qu'une vingtaine de minute plus tard que Massou me sert un jus d'orange...puis plus aucun souvenir.
~ 2 mois plus tard ~
Le lendemain, je me suis réveillée dans mon lit. Une douleur a l'entre jambe et quelques goutes de sang. Mais je pensais avoir mes règles, enfin la douleur était semblable si ce n'est qu'un peu plus intense plus je n'avais pas de trace de sperme ou quelque chose d'autre. C'est comme si on avait maquillé une scène qui est très semblable à un viol. Quelqu'un m'a violé ? C'est cet homme dans mes rêves qui l'a fait ?
Maman a raison. De moi même, je n'oserai jamais coucher avec un homme. Je ne les approche pas en temps normal,? jamais. Cette soirée là, on m'a drogué et maintenant je me retrouve enceinte !
- Maman, qu'est-ce qu'on va faire maintenant ?
Maman *s'adressant à la gynécologue* - On a drogué ma fille, puis on l'a violé. J'exige qu'on lui fasse un kit de viol !
Gynécologue - Ce supposé viol remonte à quand ?
Maman - 2 mois. Il y'a deux mois elle était en Guinée chez son père ! Voilà ce qui arrive quand je la laisse avec lui ! Il a laissé ma fille se faire violer !
Papa et maman sont divorcés depuis mes 4 ans. J'ai toujours vécu avec ma mère qui n'était que la seconde épouse de mon père mais elle a finit par le quitter ne supportant plus son mariage et le statut de papa. Il fait carrière dans la politique et est actuellement ministre en Guinée. Je ne le vois que lors de ses déplacements en France ou pendant les vacances.
Gynécologue - Je suis navrée, mais c'est bien trop tard. Je vous invite néanmoins à porter plainte. Je peux toujours ausculter votre mais sans vous promettre de résultat. Mais avant *me regardant*, cet enfant tu veux le garder ?
Je aussi des épaules puis pose mon regard sur ma mère qui répond :
Maman - Je veux d'abord savoir qui est le monstre qui a osé toucher ma fille !
| Majib Keïta |
J'ai les yeux cernés à mort, c'est la fatigue qui me prend comme ça. Mes pensés sont ailleurs de toute façon et pas au travail. Entre mon divorce et cette femme de nuit je ne sais pas où mettre la tête.
Je ne crois pas aux choses mystiques mais chez nous en Afrique des mythes autour des visites dans les rêves perdurent. Je pensais que ce n'était que des bobards jusqu'à que je sois victime. Je prie Dieu pour qu'il m'en délivre car ça ne peut être qu'un djinn ! Au moins une fois par semaine cette femme apparaît dans mes rêves.
C'est une jeune femme, petite, le teint chocolat. Ses yeux ronds légèrement retroussés et de belles petites lèvres pulpeuses. Le contact avec sa peau est doux, elle sent étrangement la mangue vanillée. Néanmoins il y'a quelque chose de frappant chez cette femme de nuit : elle ne parle pas.
Je ne discerne plus le vrai du faux.
Je suis sûre d'avoir déjà couché avec cette femme une nuit mais pas dans mon état normal. C'est ce pourquoi j'ai convoqué dans mon bureau mon ami Ali. Il était avec moi cette soirée là. Nous discutions et j'ai réussi à faire glisser le sujet.
Ali - Tu me parles de cette soirée chez ses filles à Conakry ?
- Oui. Qui étaient elles ?
Ali - Je n'ai plus leur prénom en tête mais elles sont sœurs et cousines d'après ce que j'ai retenir.
- C'était une soirée alcoolisée ?
Ali *rire* - Chaude oui ! Un de leur ami avait emmené de la drogue du Maroc et quelques bouteilles de whisky trainaient. Je me rappelle que tu ne t'étais privé de rien !
*grattant l'arrière de mon crâne* - Ah oui...
Ali *éclatant de rire* - Jusqu'à te taper l'handicapé ! Heureusement que Evan et moi t'avions sorti de ce lit le lendemain ! Tu n'étais même pas encore conscient.
Il me dévoile tout sans même que je n'ai à lui demander.
- L'handicapée ?
Ali *hochant de la tête* - Il y avait une jeune femme muette qui restait dans son coin...elle semblait si bonne d'ailleurs. C'était le cas je suppose ?
Je bondi presque de ma chaise.
- Je m'en souviens plus. Mais comment a-t-elle atterrit dans mon lit ?
Ali *me corrigeant* - Dans son lit. Olalala mais si Nadya (ma future ex-femme) venait à la savoir elle te tuerait !
- Je m'en fou ! Réponds juste à ma question.
Ali - Pourquoi ? Tu souhaites te la refaire ? À ta place je n'hésiterai pas une seconde !
Il commençait à m'agacer, j'en ai rien à faire de si c'est un bon coup ou pas car je ne m'en souviens pas de cette nuit passée avec elle. Est-ce une prostitué ? Une amie ? Une proche ? Ou juste une inconnue avec qui je me suis envoyé en l'air ? Ce n'est pas dans mes habitudes surtout de tromper ma femme mais les circonstances ont fait que cette soirée là j'avais besoin de décompresser. J'ai retrouvé du réconfort dans les bras de cette femme qui hante mes nuits désormais ! Impossible, l'alcool ne me rend pas aussi inconscient. On m'a drogué !
- Son nom tu l'as au moins ?
Ali - Malheureusement pas. Mais pourquoi toutes ces questions c'est la première femme que tu sautes ?
C'est la première qui me hante en tout cas. J'ai dû coucher avec une sorcière ce n'est pas possible !
- C'est la première avec qui je m'envoi en l'air en étant drogué contre mon gré ! Qui m'a mis de la drogue dans mon verre ce soir là ? Si ça se trouve, cette femme m'a violé !
Il éclate de rire.
Ali - Une femme violer un homme ?!
- Je n'ai aucun souvenir et dans l'état que j'étais comment ai-je pu donner mon consentement. Ces filles avec qui nous étions retrouvent-les moi !
Je vais les faire payer de m'avoir fait prendre de la drogue et dans une deuxième temps je retrouverai cette femme de nuit. Elle est bien réelle j'en ai désormais la certitude même si cela m'intrigue toujours. J'ai à faire à une femme muette tout de même.
- C'est ma réputation et celle de mon père qui entrent en jeu ! Je suis encore marié à Nadya et mon père est en pleine campagne électorale pour les primaires présidentielles. Je ne veux pas de scandal, pas un de plus. Mon divorce nuit déjà aux ambitions de papa...
Si ça se trouve ces femmes ont pris des vidéos de moi dans un piteux état ou pire nu. Il faut que je les retrouve !
Papa *faisant irruption dans le bureau* - Majib !
Je me lève instinctivement. Il est rentré soudainement accompagné de ses gardes.
- Oui ?
Papa - Cette histoire de divorce, elle prendra fin quand ? Les primaires sont bientôt finies et je ne veux pas que ça impact ma campagne !
- Nadya et moi divorçons à l'amiable. Tout se fera en silence et rapidement pas d'inquiétude.
Papa - Tu ne m'arranges vraiment pas toi hein !
*ruminant* - En m'arrangeant ce mariage avec elle tu devais t'y attendre...
Nadya et moi n'avons rien partager en ces 5 ans de mariage. Cela n'a été qu'une perte de temps juste pour arranger les affaires de papa, encore une fois. Il passe avant mon bonheur !
Papa - Ton frère lui au moins sait bien faire !
- Lui il a épouser la femme qu'il ai...
Papa *me coupant* - Majib, tu te comportes comme un blanc maintenant ? Eh, ici en Afrique il n'existe que de deux types de mariage. Par intérêt ou par la force et pourtant nos couples sont ceux qui durent le plus longtemps ! Le thème de ma campagne est la famille ! Ton divorce va au contraire des valeurs que je défend.
- Je sais papa...
Ali me laisse un regard. Je baisse les yeux honteux, mon père est en train de me gronder comme un petit enfant. Moi, Majib 24 ans. Si jeune, mais déjà tant de responsabilités !