Le destin de Sophie
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Chapitre 3 Le destin de Sophie

Le destin de Sophie

Mes pensées s'entremêlèrent et m'emportèrent vers le passé.

Nous étions sur la A1, l'autoroute de Hamburg à Brême. Ma tête chauffait tellement que

j'eus envie de hurler, de crier fort et de tout casser. Claude et moi ce n'était plus ça mais sa mort me traumatisait. Il avait totalement changé après deux années de mariage. Il était devenu froid, distant et tout le temps absent de la maison. Si ce n'était pas pour une mission, c'était pour une formation. Il était devenu quelqu'un d'autre. J'avais tout fait pour le ramener à la raison sans succès. Son rêve était d'avoir quatre enfants et surtout des filles. Car ils étaient six garçons à leur maman et son frère aîné avait aussi déjà 4 garçons et le second deux. Je passais mon temps sur internet à chercher comment concevoir une fille. Dieu sait tout ce que j'avais entrepris dans ce sens pour le satisfaire. J'ai tout testé, j'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir de femme pour le rendre heureux mais toujours rien.

La situation s'est empirée après la naissance de Wendy ma deuxième fille. C'était comme si je n'existais plus à ses yeux. Il n'était même pas présent lors de son accouchement. J'ai souffert toute seule pendant le travail lors de longues et douloureuses contractions.

J'ai accouché mon bébé dans la douleur, la tristesse et la peur. La peur parce qu'il était censé être présent mais ne s'est pas signalé. Je m'inquiétais pour lui. J'étais sûr qu'il lui était arrivé malheur car il était injoignable.

Il est arrivé le lendemain. Je m'attendais à ce qu'il s'explique, qu'il me dise au moins ce qui s'était passé pour qu'il ne puisse pas assister à l'accouchement de sa fille comme prévu. Je venais encore de réaliser un de ses vœux. Sa deuxième fille était là... Il ne me dit rien et se dirigea juste vers le berceau, prit Wendy dans ses bras, l'embrassa et la fixa longuement. Comme les bébés sont des anges, Wendy s'était mise à hurler avec force. Il me la déposa dans les bras que j'avais tendu vers lui. Sans mot dire, Claude prit place sur la chaise à mon chevet.

Peu de temps après l'infirmière vint prendre le bébé pour ses premiers examens.

Un silence régna dans la sale. Il fallait le briser, ce que je fis.

- Claude c'est comment? Tu ne me félicites pas? Demandai-je en me levant du lit.

- Félicitations!! Lança-t-il d'un ton sec et méprisant.

Je ne fis pas attention à lui et continuai.

- Qu'est-ce qui s'est passé hier? Tu n'es pas venu et tu n'as même pas fait signe?

- Laisse-moi tranquille s'il te plaît. Je suis épuisé, je viens d'un long voyage. Vociféra-t-il.

Je me suis tue pour éviter une énième altercation à l'hôpital. Ainsi était devenue notre vie. Je vivais seule cette situation. Personne de ma famille à part ma meilleure amie Éliane ne savait qu'entre Claude et moi c'était fini depuis. Je ne voulais pas entendre les "on t'avait dit" et autres. J'avais donc préféré garder cela pour moi. Je mourais à petit feu et supportais parce que j'étais encore très amoureuse de Claude, mais lui non. Il avait même déjà une autre vie.

Fin du flashback.

Je suis vite retournée au présent réveillée par la voix de Séraphin qui m'annonçait que nous n'étions plus qu'à 15 minutes de la maison.

- Tantine on est déjà arrivé ...

- Je vois ... Dis-je en essuyant mes larmes du revers de la main.

Ce petit flash-back (retour dans le passé) m'avait en quelque sorte un peu fortifié. C'était un peu comme si Claude ne méritait plus une seule de mes larmes. Je commençais à me demander pourquoi est-ce que je devais pleurer pour un homme qui me maltraitait, un homme pour qui je ne comptais plus. En plus de cela, je devais être forte pour les filles.

Nous avons ouvert la porte et il y avait du monde chez moi, des visages que je ne reconnaissais pas. J'ai pu remarquer tata Yolande, Josée la copine de Séraphin et deux voisines Sénégalaises. Elles étaient venues aussi compatir. Melissa est venue vers moi en pleurant et m'a demandé:

- Maman c'est vrai que Papa ne reviendra plus?

C'est une question qui m'avait déchiré le cœur. Je l'ai prise dans mes bras. Tata Yolande s'est approchée et nous a serrées en pleurant. On a commencé les lamentations. Sans tarder, une voix grave nous interrompit. J'ai entendu:

- Ruhe!!! (silence).

Nous nous sommes tous retournées. La porte était en fait restée ouverte et nos cris ont emmené la voisine à sortir. C'était une allemande. Quand elle s'est rendue compte qu'il ne s'agissait pas des jeux d'enfants, elle s'est calmée et m'a demandé ce qui n'allait pas.

- Madame Djomo que se passe-t-il?

Je n'eus pas la force de répondre. C'est tata Yo qui s'est chargée de tout lui raconter.

Je fis un signe de main à ceux qui étaient au salon et me dirigeai vers la chambre.

J'entendais les gens dire «laissez là, elle a besoin d'être seule...»

Je suis allée me placer au milieu de notre chambre, le regard fixé sur le plafond. Il était environ dix-neuf heures. Je ne pouvais ni m'asseoir ni me coucher. Je tournais en rond. Les filles sont venues me rejoindre. Wendy était déjà épuisée. Il fallait la mettre dans les conditions pour dormir et je n'en avais pas la force. Je ne voulais rien faire. Mon morale était à zéro. Tâta Yolande était venue la prendre pour la faire dormir. C'est Melissa qui ne voulait rien rater des événements mais on l'avait forcée à s'endormir.

Je les regardai s'endormir en coulant davantage les larmes. Elles étaient désormais orphelines de père et moi veuve. Ça me faisait de la peine pour elles et je me demandais bien comment on allait traverser cette passe. Claude m'avait tellement fait de mal et continuait même après sa mort. Il m'avait déjà montré de toutes les couleurs mais j'aurai tout donné pour le sauver de cet accident. Il était malgré tout le papa de mes merveilleuses filles.

Toute cette tristesse m'avait poussé à revoir le film de ma vie avec Claude.

La vie avec lui était devenue un calvaire. À cause de lui on me connaissait dans toutes les églises du coin. A cause de lui mes genoux étaient devenus plus sombres à force de

m'agenouiller pour prier. Je croyais que nos problèmes étaient spirituels, qu'il fallait prier et jeûner. Plus je priais, plus on avait les problèmes. La situation s'empirait de jours en jours á tel point que j'avais fini par maudire le ciel. J'avais perdu la foi, brisant ainsi ma relation avec Dieu. J'ai dû quitter l'Église alors que j'étais une fervent croyante. Je suis devenue aigrie et jalouse de tous les couples heureux de notre entourage. J'évitais toutes les rencontres où les couples étaient invités. Les gens ont commencé à se poser des questions. Ils ne comprenaient pas mon éloignement.

Tout ceci à cause d'un homme pour qui j'avais tout sacrifié. C'était toujours moi qui faisais le premier pas après chaque dispute.

Il fut une année où j'avais voulu lui faire plaisir à l'occasion de son anniversaire et aussi profiter pour causer à tête reposée avec lui. J'avais besoin de faire le point sur notre couple vu toutes les difficultés qu'on traversait. J'avais pensé qu'un déplacement serait mieux, qu'un autre cadre autre que chez nous aurait pu faire quelque chose. Il avait toujours voulu aller à Majorque, une ville d'Espagne située aux abords de la mer méditerranée, mais le temps lui manquait. Je nous avais fait des réservations de billets d'avion et de chambres d'hôtel, presqu'une suite pour toute la famille. Je l'avais informé longtemps avant et il était d'accord, d'autant plus que ça tombait avec ses vacances. Il m'annonça peu de temps avant notre voyage qu'il se déplaçait et ne reviendrait au plus tard qu'à la veille de notre voyage. Par mesure de prudence je lui remis son billet.

La veille du voyage Claude n'était pas toujours là. J'avais essayé en vain de le joindre... Les enfants étaient irrités d'impatience, vu son absence depuis une semaine.

Le lendemain il ne fit toujours aucun signe de vie. Nous sommes quand même parties en espérant qu'on allait se rencontrer à l'aéroport, qu'il nous faisait peut être seulement marcher. Il ne s'est jamais pointé. J'avais dû prendre le vol seule avec deux petits-enfants et nos bagages à main très encombrants.

L'atterrissage eut lieu sans soucis. Brême-Majorque c'est environ deux heures trente minutes de vol. J'avais mal partout, surtout aux bras avec tous les sacs que

j'avais accrochés sur moi. J'avais attrapé le torticolis à force de guetter tous les couloirs de l'aéroport espérant l'apercevoir quelque part mais hélas... Il n'était tout simplement pas venu.

Nous sommes montées nous installer dans notre suite. Wendy dormait depuis notre atterrissage. Elle n'avait que deux ans à l'époque et ne pouvait pas tenir éveillée sur une si longue distance. Melissa était triste. Elle avait cru passer de beaux moments avec son papa chéri comme elle l'appelait, mais ce ne fut pas le cas. Je me suis rapidement rafraîchie pendant qu'elle jouait avec sa Nintendo. Je lui avais proposé après le bain d'aller au resto de l'hôtel lui chercher quelque chose à manger. Elle refusa prétextant qu'elle n'avait pas du tout faim.

J'avais profité pendant qu'elles se reposaient pour consulter mes mails. Je n'avais malheureusement reçu aucun mail de Claude. J'ai commencé à pleurer, me demandant bien ce que j'avais fait au bon Dieu pour mériter toute cette maltraitance. Aucune considération de sa part. J'avais pourtant toujours prié, essayé de mettre la parole de Dieu en pratique. J'avais eu une jeunesse presque exemplaire. J'étais docile à la maison et à l'école. Je n'avais pas vécu dans le désordre comme bon nombre de mes amies. J'avais J'ai mené une vie chaste et me suis même mariée vierge, parce qu'on m'avait toujours dit que la virginité était un trésor pour nos futurs époux...

Qu'est-ce qui n'avait pas marché? J'étais pourtant une femme dévouée qui ne voulait rien d'autre que la paix et le progrès dans son couple. La goutte d'eau venait de déborder le vase et je décidai de mettre fin à cette histoire dès notre de retour à la maison, de lui dire ce que je pensais vraiment de lui et de mettre les points sur i. C'était terminé ces temps où je le suppliais et demandais pardon pour tout, pour les fautes que je n'avais pas commises. J'étais prête à l'affronter et d'en finir une fois pour toute. J'essuyai mes larmes du revers de ma main en pensant à tout cela et m'endormis.

C'est avec les pleures de Wendy que je me suis réveillée . Elle avait faim puisque s'étant couchée très tôt, heureusement , le petit déjeuner était déjà servie. Nous nous sommes rapidement débarbouillées avant de descendre à la réception pour ce fait. À peine la porte de l'ascenseur ouverte, je vis Melissa courir en criant.

- Papaaa... Fit-t-elle toute joyeuse.

Je me suis retournée en me demandant ce qui lui arrivait. Effectivement c'était Claude! Il était assis dans le salon du restaurant dans une tenue plutôt décontractée en train de regarder la télé comme s'il n'avait aucun problème. Il avait l'air d'avoir passé la nuit à Majorque et dans le même hôtel que nous. C'est moi qui voulais lui faire la surprise pour son anniversaire et non le contraire! J'avais essayé de garder mon sang froid et suis allée vers lui.

- Bonjour Claude! Lançai-je très calmement.

- Bonjour Sophie, comment tu vas?

- Comme tu vois. Dis-je en tirant la chaise pour m'asseoir.

Il fit comme s'il regrettait son attitude mais je ne tombai pas dans son piège. Je le connaissais déjà assez et donc je ne lui laissai aucune chance ce jour-là. Ma décision était déjà prise. Celle d'en finir avec lui.

- Eh bien, je suis arrivé en retard hier et votre avion avait déjà décollé. Le prochain vol a eu lieu trois heures plus tard.

Je n'ai pas bronché. C'était l'une des rares fois qu'il s'expliquait après un écart de comportement et c'était aussi l'une des rares fois où je ne voulais rien savoir.

Il continua à parler.

- Je suis arrivé à minuit et je n'ai pas voulu vous réveiller en venant dans la suite. J'ai pris une chambre. Je vous attendais comme ça pour le petit déjeuner.

- Wow!! Fis-je les yeux écarquillés.

J'étais impressionnée par la vitesse avec laquelle il pouvait inventer de si gros mensonges. Une bonne partie de ce qu'il racontait était faux. J'eus envie sur le coup de lui demander qui il est. Je ne le reconnaissais plus. Quelque chose me retint. Lui aussi ne savait plus trop quoi inventer.

- Excuse-moi Sophie. Lança-t-il en prenant ma main. Il était juste pathétique.

- Ce n'est pas grave, allons déjeuner. Dis-je en me dirigeant vers le buffet.

Il me regardait comme si j'étais une sorcière. Il n'en revenait pas que je sois restée aussi calme. S'il pouvait savoir combien de fois j'avais dû me maîtriser pour ne pas lui donner une claque à la joue. Je ne l'avais pas fait de peur de gâcher la joie des enfants.

Nous avions déjeuné dans une ambiance plutôt calme. Ensuite nous sommes allés nous balader au bord de la plage. Le temps n'était pas très beau mais il ne faisait pas froid non plus et les enfants se sont bien amusés. C'est ainsi qu'on passait nos journées et après chacun prenait sa direction.

Ce fut le jour de son anniversaire! Nous étions arrivés un mardi pour rentrer samedi.

J'avais réservé une table pour nous dans un restaurant plus chic juste à côté de notre hôtel. Au menu il y'avait en partie des fruits de mer - son plat préféré, un petit gâteau symbolique pour l'occasion et bien sûr du bon vin. La soirée était plutôt agréable et les filles étaient très contentes. Elles ont chanté pour lui, on a mangé encore et encore, parlé des choses qu'on avait vues en journée en contemplant les autres personnes s'amuser dans la salle.

Il avait été très gentil ce jour là et il me vint à l'idée qu'il allait me suivre dans la suite, mais rien. C'était une situation qui l'arrangeait plutôt. Ne pas m'avoir sur son dos tout le temps. Chacun prit sa direction comme d'habitude.

Une fois dans la chambre, quand les enfants étaient endormis, j'avais décidé de m'humilier une énième fois pour aller discuter à tête reposée avec lui. C'était aussi ça l'autre but de ce voyage. J'ai pensé à ma marraine qui m'avait conseillée de toujours faire le premier pas chaque fois qu'il y aurait des mésententes dans notre foyer, que les hommes sont trop orgueilleux pour cela.

Je suis allée devant sa chambre et me demandais si je devais toquer ou pas. J'avais d'abord fait demi-tour avant de revenir. Je me suis dit, vu qu'il était mon mari, que je n'avais aucune raison de craindre quoi que ce soit. C'est vrai qu'il y avait déjà une grande distance entre nous mais je m'étais dis que peut-être après la soirée qu'on venait de passer il pouvait avoir repris ses esprits. Ça faisait longtemps qu'on ne s'était pas retrouvé ainsi en famille. J'étais prête à lui pardonner pour une énième fois tout le mal qu'il m'avait fait et à recommencer à zéro avec lui.

J'avais fermé mon poing et étais sur le point de toquer quand soudain la porte s'ouvrit. Je l'avais à peine frôlée. Claude sursauta paniqué du lit en me voyant entrer dans la pièce.

- Excuse-moi bébé la porte n'était pas fermée, lançai-je d'un ton un peu flatteur en allant vers lui.

Je voulais prendre place au bord du lit lorsqu'il me stoppa:

- Tu fais quoi ici? Qui t'a invitée dans cette chambre? Tu appelles qui bébé?

            
            

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