Hum. C'est sûrement les proprios qui emménagent.
Ça me rappelle un peu quand nous avons emménagé dans notre maison. Je devais avoir 15 ou 16 ans par là...
Alfred me dépose devant chez nous et s'en va. Ma petite soeur Odile est assise sur la balançoire devant la maison entrain de lire un livre quand j'entre dans la parcelle.
Odile: Bonjour ya Ouda, fait-elle en levant le nez de son livre.
Plus petite, elle n'arrivait pas à prononcer mon nom correctement et m'appelait Ouda et pour une raison étrange elle a continué de m'appeller "Ouda" même après qu'elle ait su parler correctement . C'est devenu mon petit nom.
Moi: Bonjour, ça va?
Odile: Ça va. Ta journée?
Moi: Pas mal.
Elle quitte la balançoire en fermant son livre et m'emboite les pas; je lui passe mon sac et mes lunettes pendant que nous entrons dans la maison. Arrivée au salon, je trouve mon père assis sur son fauteuil préferé avec ses binocles en place, concentré dans ses mots croisés pendant que Sylvain notre cadet regarde la télé.
Je les salue avant de continuer vers le couloir avec Odile à mes trousses. Quand nous arrivons dans ma chambre, elle va s'allonger sur mon lit après avoir rangé mon sac et reprend la lecture de son livre pendant que je me déchausse.
Aïe, J'ai grand besoin d'un massage, me dis-je dans ma tête en me massant mes pieds.
Moi: As-tu remarqué qu'on a des nouveaux voisins dans l'avenue?
Odile: Oui. La dame est sympa. Elle me rappelle un peu tantine Helène.
Moi: Tu as déjà rencontré leur maman? Tu es rapide hein.
Odile: Je l'ai vu devant la parcelle en revenant de l'école . Je suis allée dire bonjour et souhaiter la bienvenue.
Moi: Toi et tes vitesses.
Odile: Krkrkrkrkrkr, c'était juste pour être polie, fait-elle avant de se replonger dans sa lecture.
Odile. Elle a toujours un bouquin dans les mains. N'allez pas croire que ce sont des harlequins ou autres bouquins lovey-dovey à l'eau de rose hein. Elle lit des livres avec des titres nases comme: "Les Fantômes du roi Léopold", "Che Guevara", "Catherine de Médicis", "La médécine au moyen âge", "Le docteur Jivago" et pouet pouet pouet.
Un dimanche soir où je m'ennuyais à mort, j'ai commis l'erreur de lui demander de me passer un de ses bouquins pour tuer le temps. Eeeeh! Maux de tête et ennui redoublé. C'est ce que j'ai recolté après la lecture de seulement une seule page.
Je me débarrasse lentement de ma tenue de travail avant de passer mon kimono.
Comme vous l'avez remarqué, je vis encore chez mes parents. Oui, louuuuurrrrrd. J'ai voulu deménager lorsque j'ai commencé à gagner mes propres sous mais papa s'y est farouchement opposé. Il est de ces parents qui croient encore dur comme fer qu'une fille ne doit quitter l'autorité de ses parents que pour entrer directement dans celle de son mari. Il m'a sorti des choses comme :
" Raouda Nsoumbindi Nzaou! (Expliquez-moi pourquoi les parents disent ton nom complet quand ils sont fâché) Tu restes ici jusqu'au jour où un homme decent viendra me demander ta main, payer ta dot et t'emmènera avec lui. Avant ça, tu ne vas nulle part. Un point, un trait!"
" C'est de très mauvais, alors de très mauvais goût pour une jeune fille de vivre seule. Tu veux qu'on prenne la fille de Leonard Nzaou pour une femme libre? Hein?"
J'étais trop fâchée au debut mais j'ai fini par digèrer. Pour dire vrai, ça m'aide aussi à économiser donc rester ici n'a pas que des mauvais côtés.
Je suis l'ainée d'une fratrie de trois enfants. Après moi viennent Odile, ma soeurette adorée, 17 ans et Sylvain, le cadet capricieux, 11 ans. Mon père ne travaille plus car sa santé ne le lui permet plus.
Diabète.
Il a des plaies incurables qui ont fait enfler sa cheville gauche rendant son deplacement lent et difficile. À un moment je craignais trop qu'il se fasse amputer mais heureusement ce n'est jamais arrivé, les choses ont pu être gardées sous contrôle. Dieu merci pendant les années où il était encore bien portant, il a eu la sagesse de faire construire la maison dans laquelle nous vivons.
Ma maman Marceline, femme dynamique, ma meilleure amie, ma confidente et mon pilier tient un salon de coiffure dans la rue qui suit la nôtre. À cette heure, elle y est encore. Je pense y faire un tour après ma douche pour qu'une de ses filles me fasse mes ongles.
Le salon et ce que je ramène nous permet de vivre decemment, et le fait que nous ne payons pas de loyer aide énormement .
Je faisais ma terminale quand la santé de papa a commencé à vraiment se déteriorer et qu'il s'est vu contreint d'arrêter de travailler. Après l'obtention de mon diplôme d'état (Bac), j'ai choisi de ne pas aller à l'université car avec papa qui ne ramenait plus de revenu régulier, tous les frais allaient pèser sur maman. On s'est mis d'accord que je fasse une formation de seulement une année en pro gestion-administration pour pouvoir rapidement me trouver un emploi et apporter ma pierre à l'édifice.
Odile est celle qui ira à l'université coûte que coûte; je vendrai un membre s'il le faut pour l'y envoyer. Elle ne peut simplement pas ne pas y aller. C'est l'intello de la famille. Contrairement à moi qui était plutôt moyenne à l'école (on ne peut pas tout avoir hein!), Odile qui fait maintenant sa cinquième en séction Biologie-chimie est toujours première de sa classe. Elle te croque les maths, physique, chimie nucléaire et autres comme du petit pain. Je veux qu'après son bac elle fréquente dans une des meilleures universités de Kinshasa. Elle doit finir soit Médécin, ingénieure chimiste ou pétrochimiste. Des métiers nobles dignes de la soeurette adorée de Raouda! Krkrkrkrkrkrkr
" Hey,Yeah,Hey,Yeah
When I'm walkin' down the street, they say "hey sexy!",
When I'm dancin' in the club, they say "hey sexy!",
When I'm drivin' in my car, or I'm standin' at the bar,
It don't matter where I are, they say "hey sexy!"...
C'est mon téléphone qui sonne; je vais rapidement le sortir de mon sac. "Pravesh" est affiché sur l'écran. Rhoooo!
Je roule mes yeux, exasperée. Pardon, je ne suis pas d'humeur. Un vrai tenace cet indien. Il me poursuit de ses assiduités depuis un moment maintenant et le fait que je lui ais dit des nombreuses fois que ça ne pouvait pas marcher entre nous ne l'a nullement découragé.
Il est jeune, poches lourdes et tout mais il n'y a pas d'avenir avec lui. Cul de sac assuré.
Ok, j'avoue que je lui ai soutiré quelques liasses ça et là pendant quelque temps avant de disparaître de ses radars sans qu'il ait vu même la couleur de mon caleçon. Dieu merci, il ne sait ni où je vis, ni où je bosse.
Quoi?
Maman dit de ne jamais, alors au grand jamais décourager un homme qui est plus qu'heureux de dépenser pour toi.
Il est venu se livrer lui-même, porte-monnaie tout dodu à la main, proposant de m'achèter tout ce que je voulais, de m'emméner à New Delhi oh, à Bangalore oh, à Londres. J'avais le choix? Je l'ai aidé à se décharger de quelques dollars trop.
C'est un gars gentil mais...Soyons sérieux, où est-ce que vous avez vu un indien se marier à une africaine? Façon ils sont plus racistes que les nazis là? Il ne faut pas faire semblant. Il veut juste faire touche pipi ici pendant que sa douce et tendre, indienne jusqu'aux bouts des ongles, l'attend sagement en Inde.
Pas pour moi, merci beaucoup.
Même s'il était possible qu'il m'épouse, j'allais réfuser. Son nom de famille est trop vilain. Je ne me vois pas trop me faire appeler Raouda Bramapoutra. Ah!
Je m'apprête déjà à décliner l'appel comme je le fais depuis un moment maintenant lorsqu'une idée me traverse l'esprit, me faisant sourire.
Je décroche rapidement avant que ça ne coupe
Moi: Allô Pravesh, comment vas-tu?
Pravesh: Raouda, pourquoi me traites-tu comme ça? Je suis même très surpris que tu ais pris mon appel aujourd'hui.
Moi, la voix soudain tristounette: Pravy, desolée. J'avais quelques problèmes de famille. J'ai dû me rendre rapidement à Matadi
Pravesh: En quoi aller à Matadi t'empêchait-il de prendre mes appels?
Moi: J'y suis allée dans la précipitation Pravy. Decès d'un être cher (Seigneur, pardonne-moi). J'ai oublié mon téléphone ici à mon depart.
Pravesh : Oh. Desolé poupoune.
Eeeh! Je hais quand il m'appelle poupoune. Je ravale mon envie de lui envoyer une réponse acerbe et continue de ma voix triste
Moi: Je suis revenue seulement aujourd'hui Pravy et tu ne vas pas croire ce que j'ai trouvé à mon arrivée.
Pravesh: Quoi ma poupoune?
Poupoune ta mère !
Moi: Mon phone est tout abîmé, c'est d'ailleurs un miracle qu'il marche encore. Mon petit frère jouait avec pendant que j'étais absent. Je crois que demain déjà ça ne marchera plus. Il tombe en pièces.
Pravesh: Petit problème. Je le remplace dès demain. Quelle marque veux-tu?
YEEESSS!
La phrase que je voulais entendre.
Moi, après m'être bien râclé la gorge: Je veux le dernier IPhone sur le marché mon Pravy. Je veux aussi une tablette de la même marque pour aller avec.
Pravesh: C'est noté ma poupoune. Tu les auras demain sans faute. On dîne chez moi demain soir, ok?
Moi: Ok Pravy. Merci d'être là pour moi en ce moment difficile.
Pravesh : De rien, tu sais que je ferai tout pour toi.
Ah katuka kuna! (Ah va là-bas!)
Moi, après un petit rire timide genre je suis trop eblouie: À demain Pravy.
Pravesh : À demain.
Je raccroche rapidement avant qu'il ne puisse dire "Bisous ma poupoune ".
Je remarque Odile entrain de rire. Elle m'a sûrement entendu débiter mes mensonges.
Odile: Ya Ouda, donc tu reviens de Matadi?
Moi: Ah laisse-moi, dis-je en me dirigeant vers la salle de bain.
Je m'apprête déjà à y entrer lorsque mon phone se remet à sonner. Cette fois c'est "Richard" qui s'affiche sur l'écran.
Ah! Quel culot!
Richard est le gars avec qui j'étais, il y a à peine une semaine, dans une relation de 4 mois que je croyais sérieuse. Il avait tous les critères recherchés et je sentais la bague venir.
Hum. Je me mentais toute seule en latin oh.
J'ai débarqué à son duplex à l'improviste après le taff et dévinez quoi? Je l'ai attrappé tout nu et en sueur sur une autre femme. J'ai dû faire appel à toute ma maîtrise de soi pour ne pas lui casser un de ses précieux vases chinois sur la tête. Il s'est vite mis debout et s'est couvert d'un drap, l'air très embarrassé pendant que sa trouée cachait ses zones intimes avec des oreillers, toute déboussolée.
J'étais prête à laisser passer ce petit écart mais madame la trouée m'a confié, hautaine, qu'elle était LA fiancée. Elle m'a même fourré sous le nez un solitaire scintillant. Bague des fiançailles.
Techniquement, c'est avec moi que ce Richard la trompait. Pendant tout ce temps, j'étais le plat d'accompagnement. La voleuse de gars.
Ah! Je ne vous dis pas le degoût, le degoût! Moi Raouda, la side dish? Moi? Voleuse de gars.
L'affront!
Cet idiot m'a rabaissé à un point!!! Ma consolation était de savoir que j'avais quand-même bien profité de son argent pendant ces 4 mois de relation. Je me suis même acheté un terrain à la cité maman mobutu.
Grande dame jusqu'au bout, j'ai maîtrisé mon expression faciale, levé mon menton comme une reine offensée et suis sortie de la maudite chambre qui sentait les fesses après avoir lancé à ce crapaud de Richard un regard rempli de tout le mépris du monde.
Connard!
Et aujourd'hui, il a le culot de m'appeler. Tchip!
Je vais rapidement allumer la radio et met le volume très haut avant de décrocher et de poser le téléphone près du baffle.
Hihihihihihi!
Je vais tranquillement prendre ma douche le sourire aux lèvres.
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