Moi: Et moi donc! Avec ces heures qui passaient au ralenti, dis-je en me levant de mon siège avec mon sac à main déjà accroché à mon épaule.
Je lisse ma mini-jupe et ajuste le petit foulard que j'ai autour du cou. J'adore notre uniforme, il me va juste trop bien: chemise cintrée manches courtes couleur ambre, mini-jupe bleu de nuit et petit foulard bleu de nuit et orange avec des imprimés du logo de la companie.
Passy et moi travaillons comme standardistes hôtesses d'accueil à Kin Avia, une petite companie aérienne basée à l'aéroport de Ndolo qui fait dans le transport aérien des passagers et des marchandises (Frêt). Notre boulot consiste d'assurer à la fois l'accueil physique et téléphonique des clients, vente des billets, bookings etc... Ce travail, j'ai pu l'avoir grâce aux connections de mon père juste après ma formation.
C'est bien payé et je m'y plais même si j'aspire travailler pour une plus grande companie avec des vols internationaux comme Hewa Bora, SAA et autres. Là-bas au moins on fait des vraies connaissances, on rencontre des vrais gars. Kin Avia ne fait que des lignes internes.
Passy: Mais la dame qui devait passer recupèrer ce colis n'est pas encore là, fait-elle en pointant vers une valisette avec du scotch partout.
Pfff! Je ne comprendrai jamais certaines personnes. On te dit que ton colis vient d'arriver, au lieu de venir le recupèrer avant 16h, tu traines et tu veux qu'on t'attende. En tout cas, moi je n'attendrai personne.
Moi: C'est son problème. On lui a bien dit qu'on fermait à 16h pile. Elle le recupèrera demain, fais-je en examinant mon visage dans mon petit miroir. Hum. Tout va bien de ce côté là. Belle à tomber comme toujours.
Je passe rapidement mes doigts dans mes longues brésiliennes pour leur donner plus de volume avant de remettre mon miroir dans mon sac et de contourner le comptoir.
Passy et moi disons aurevoir au manager qui lui aussi s'apprête à décoller et à l'agent de securité avant de nous diriger vers la sortie.
Pendant que nous marchons vers l'arrêt, plusieurs personnes (comme d'habitude), les hommes pour la plus part, se retournent à notre passage ou dois-je dire, à mon passage. Ce n'est pas de leur faute, je suis une merveille qu'il se faut d'admirer deux fois ou même plus. Sans me vanter, je dirai que je ressemble à une miss avec ma grande taille, mes formes sveltes, mon très joli minois, mon teint caramel, mon apparence raffinée et mon élégance.
Comme à l'accoûtumé, je fais celle qui ne remarque pas les nombreux regards et continue d'avancer de ma belle demarche rendu encore plus sexy par mes talons aiguilles en papotant avec Passy. D'un geste gracieux de la tête, je dégage de mon visage les quelques mèches de mes brésiliennes que le vent y a envoyé avant de passer mes lunettes de soleil comme une star.
Yeah! C'est moi. La belle et fabuleuse Raouda Nzaou.
Quoi?
Vous me trouvez orgueilleuse? Trop fière?
Ce n'est pas de l'orgueil. Je suis belle et je le sais, c'est tout. Oui oui, Moi Raouda, 21 ans, suis de ces jeunes femmes dont le Créateur a mis un temps précieux à sculpter le visage et le corps.
Maman me dit depuis toute petite que je ne dois jamais oublier que les femmes comme moi sont destinées à vivre la "high life": Mari très très riche, vie dans des grandes villas avec vue sur mer comportant des grandes pièces decorées par des designers de grande renommée, une grande cuisine ultra moderne que je n'utiliserai jamais (les cuisiniers et les bonnes le feront à ma place), voitures de luxe, shopping à Paris, Milan, Dubaï...
Soupirs.
Un homme sans sous ne pourra pas entretenir toute cette beauté. Il me fera faner.
Je me sépare de Passy quand nous arrivons à l'arrêt. Elle me dit aurevoir avant de monter dans le taxi-bus qui va dans sa commune pendant que je vais me tenir un peu plus loin pour attendre Alfred, mon taximan.
Qui va monter dans un taxi-bus? Moi?
Abomination!
Jamais!
La seule idée qu'on puisse me voir monter dans cette horreur ou en descendre me donne des palpitations. Je n'ai pas encore de voiture mais je me suis organisée de manière à me déplacer dignement d'un bout à l'autre de Kinshasa. D'une manière qui fait honneur à ma personne.
Alfred me dépose au service tous les jours et vient me chercher à la fermeture. On s'est mis d'accord sur un montant que je lui paie à la fin du mois. Ça tire un peu sur mon budget mais c'est un sacrifice important. Je suis une grande dame, destinée aux grandes choses donc vous ne me verrez jamais dans un taxi-bus bondé ou sur une moto. Yooooh! Surtout la moto, never! Moi, Raouda, sur une moto, péché impardonnable.
Maman dit toujours que dans la vie si tu veux te faire approcher par des gens de la haute, il faut paraître et circuler comme quelqu'un de la haute. J'applique la règle à fond.
Je m'assure d'être impeccable de la tête aux pieds à chaque fois que je pose le pied dehors. Je ne suis pas riche mais avec mes petits moyens, je m'arrange toujours, je dis bien toujours à ressembler à un million de dollars. Je sais classer.
Cheveux. Impec.
Maquillage. Impec.
Peau. Impec.
Ongles.impec
Tenue. Double impec
Rhoo! Alfred traîneuuuh. Je jette un oeil à ma montre-bracelet, irritée. Je sors mon phone Samsung de mon sac et lance l'appel
- Oui allô!
Et puis il me répond tranquillement "Oui allô"
Moi: Mais Alfred, où es-tu?
- Je suis vers le garage là, j'arrive.
Moi: Il faut faire vite! Tu veux que le soleil méchant de Kin m'abîme le teint?
- Pardon, j'arrive.
Moi: Sala noki.(Fais vite)
Click.
Je remets le phone dans mon sac polo après l'avoir observé quelques sécondes. Ce téléphone n'est plus digne de moi. Du tout du tout! Il me faut un iPhone, le dernier qui vient d'atterir sur le marché là. Oui, c'est le téléphone digne de Raouda.
Une jeep wrangler toute noire vient s'arrêter à mon niveau, me tirant de mes pensées. La vitre teintée se baisse lentement laissant voir un gros monsieur à la calvitie luisante. Le parfum insolent qui remplit l'habitacle de son véhicule vient chatouiller mes narines.
Vous voyez ce qui m'arrive à cause d'Alfred et ses retards?
Lui: Bonjour beauté! dit-il d'une voix nasillarde.
Moi: Bonjour, réponds-je du bout des lèvres en prenant un air distant.
Lui: Vous attendez un taxi?
Moi: Oui
Lui: Il n'est pas bon pour une si belle jeune femme de rester trop longtemps au soleil. Montez, je vous dépose où vous voulez. Même si c'est sur la lune, pas de problème.
Shiiiii! Il se croit drôle.
Moi: Non merci.
J'aime être approchée par les grands types mais pas par ceux de son genre. Celui-ci a les moyens mais on sent qu'il file déjà vers sa cinquantaine, sûrement marié avec une ribambelle des gosses et tout ce qu'il veut c'est une jeune fille avec qui avoir un peu de bon temps après bye bye.
Raouda ne mange pas de ce pain là.
Les bons types sont ceux encore dans leur trentaine, plein aux as et célibataires avec qui il y a espoir de bâtir une vraie relation qui aboutira à un mariage. La beauté physique ne compte pas trop pendant la sélection parceque la vraie beauté d'un homme c'est sa poche. Si la poche est lourde et profonde, le type est direct beau, sexy à mourir. Mais si la poche est vide, trouée, il est très très laid. Elément à écarter immédiatement. Danger public.
Oui, appelez-moi "gold digger" (croqueuse des diamants) , j'assume. Je sais ce que je veux dans la vie.
Lui: Oh! Soyez gentille, je vous pousse un peu
Je ne prends pas la peine de lui répondre car je viens de voir la petite Honda d'Alfred approcher, je vais à sa rencontre pour me débarrasser de papa chauve. Il s'arrête quand il arrive à mon niveau, j'ouvre la portière arrière et me glisse dans le véhicule pendant qu'il m'explique pourquoi il a eu du retard. Il dit qu'il a eu une crevaison en qu'après les roulages lui ont fait des problèmes et blah blah blah. Je ne l'écoute pas. Je me laisse aller en arrière et ferme les yeux.
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