Chapitre 5 Chapitre 4 Liens de sang

La famille SOW s'est reveillée dans la stupeur en découvrant la disparition de Nancy.

Neené a trouvé au reveil la chambre de sa fille sens dessus dessous, les placards ouverts, creant un desordre monstre.

Elle la chercha dans tous les coins et recoins, aidés par les autres membres de la famille avant de se rendre à l'évidence.

Sa fille était partie.

Où?

Dieu seul le savait.

- elle n'a pas pu aller bien loin et où irait- elle d'ailleurs? Disait Baaba plus pour se rassurer qu'autre chose

- elle reviendra sûrement avant ce soir rajoutait Demba

Grand mère Daado, silencieuse jusqu'a présent regarda sa belle fille avant de lancer

- voilà où ça mène d'eduquer ses enfants à l'europeenne

- grand mère, le calma Racine

Du matin jusqu'au soir, qu'ils l'avouent ou pas, tout le monde se faisait un sang d'encre.

Après avoir joint les connaissances de Nancy aidés par Racine qui connaissait quelques unes de ses amies, force etait de constater que Nancy etait introuvable.

L'idée leur traversa qu'elle a préféré retourner à Kolda, mais là bas non plus, personne ne l'avait vue.

Le lendemain, la famille se résolut à lancer un avis de recherche et à déclarer sa disparition aux autorités.

Si encore elle était mineure, la famille serait plus tranquille car elle ne pourrait rien faire sans l'autorisation de ses parents sauf qu'elle venait d'avoir 18 ans même si son anniversaire était passé inaperçu avec les évènements récents.

Les jours passèrent, puis les semaines, les mois et toujours pas l'ombre de Nancy.

Ils retournèrent la chambre de celle ci et tout ce qu'ils trouvèrent furent les lettres qu' elle leur avait écrit quand elle est arrivée à Kolda.

Une pour chacun, où elle parlait de ses états d'âme et leur demandait pardon.

Cela les a anéantis.

Son père avait pris un coup de vieux impressionnant.

Heureusement que Fadel était rentré entre temps du Canada et prétait main forte à l'entreprise même si son arrivée ne plaisait guère à Demba qui le voyait clairement comme une menace pour son avenir dans la société.

Fadel était à mille lieues de telles pensées plutôt préoccupé à chercher sa soeur.

Son amie Sara qui était également au Canada et était rentrée en même temps que lui, lui était d'un grand soutien moral.

A chaque fois qu'il voulait baisser les bras, découragé, elle était là pour lui redonner la force necessaire pour continuer.

Sara était secrètement amoureuse de Fadel mais n'avait jamais eu le courage de lui avouer ses sentiments.

Il était la raison principale de son retour au Sénégal car ayant eu son bachelor, cela lui suffisait amplement pour trouver du travail.

Quand Fadel a alors décidé de rentrer, elle a decidé d'en faire de même esperant que ce dernier voie enfin en elle sa future femme et que ses sentiments soient partagés.

Actuellement, il avait besoin d'une oreille attentive car la situation était très tendue chez lui et elle serait cette oreille.

Sara découvrait d'ailleurs une facette de sa personnalité qu'elle ne connaissait pas, un Fadel colérique mais elle savait en son for intérieur, que cela était dû au stress.

Sur le pas de la porte de son bureau, elle le regardait penché sur un dossier ne se rendant même pas compte de sa présence.

Elle toqua alors doucement avant d'entrer.

Dès qu'il la vit, il lui adressa un sourire magnifique.

- hey...

- hey....que me vaut l'honneur de cette visite?

- il me faut une raison pour venir te voir?

- bien sûr que non, allez viens là

Je m'avançais jusqu'à lui et il se leva pour me faire une bise sur la joue, toujours aussi galant.

Je le regardais à la dérobée avant de m'asseoir à côté de lui.

- comment tu vas?

- on fait aller...

On se regarda un moment puis

- Fadel..

- Sara...

On éclata de rires car on venait de le dire en même temps.

- toi d'abord lui dis- je...

- non vas y je t'en prie...

- je voulais juste te dire que je suis là pour toi, j'espere que tu le sais

- oui. Je le sais et je te remercie Sara. C'est juste que...

- quoi, dis moi

Il soupira en se levant et se mit face à la baie vitrée

- cette situation est une véritable torture et....je n'ai pas eu l'occasion de montrer à ma soeur que je l'aimais

- Fadel, où qu'elle soit, elle le sait

- je n'en suis pas sûr.

- pourquoi parles tu comme ça? Arrête de te torturer. Tu fais tout ce que tu peux pour la retrouver

- il y a quelque chose que je n'ai avoué à personne. La veille de sa disparition, elle m'a appelé et.......je lui ai dit une chose horrible....

Je le regardais interrogative

- je ne le pensais pas, je voulais juste lui faire comprendre qu'elle avait encore la vie devant elle et qu'elle pouvait encore réaliser plein de choses sauf que.....

- oui?

- j'ai insinué que c'était mieux ainsi.... pour le bébé

- Fadel!!!

- je sais Sara, j'ai été le pire frère qu'on puisse avoir, si tu savais comme je m'en veux....

Il était rongé par la douleur et mon coeur ne pouvait le supporter.

Je posais ma main sur son dos et la laissa glisser sur son bras pour lui témoigner tout mon soutien.

Fadel me regarda d'une manière qui me fit frissonner, me faisant retirer brusquement ma main, comme si elle me brulait.

- Fadel, faut que je te vois pour....

Un homme fit irruption dans le bureau mais s'interrompit net sur le pas de la porte

-...... excusez moi, je vous dérange peut être

- non, non, entre tu ne nous deranges pas. Sara, je te présente Demba, mon cousin

- ah enfin je rencontre la fameuse Sara. Waouh tu m'avais caché que c'etait une vraie beauté. Enchanté belle Sara dit- il en prenant sa main pour lui faire un baise main

- enchanté Demba dit timidement celle ci. Je vais vous laisser travailler Fadel, je vais y aller

- je peux revenir plus tard, ce n'etait rien d' important.

- c'est gentil mais vraiment il faut que j' y aille. Fadel....

- attends Sara je demande à la reception qu'on t'appelle un taxi.

- n'en fais rien cousin, j'ai un rdv à l'extérieur, je peux déposer Sara

- non je ne veux déranger personne, s'il vous plait

- c'est avec plaisir, je t'assure

J'hésitais mais Fadel me fit un signe de la tête pour que j'y aille.

Nous prenons congé nous promettant de nous revoir bientôt.

Son cousin fut charmant durant le trajet arrivant même à m'arracher des sourires de temps en temps.

Il me posa des questions sur moi et semblait impressionné par mon parcours académique et professionnel disant qu' il était admiratif des femmes indépendantes.

Il me ramena chez moi, où je profitais du reste de ma journée de congé la tête pleine du beau Fadel.

Ce que Sara ne savait pas, c'était que Demba venait de jeter son dévolu sur elle et de temps en temps, les week ends, il passait la voir pretextant toujours être dans les parages.

Elle en parla d'ailleurs en toute innocence à Fadel qui lui fit savoir

qu' il était déjà au courant.

Sara ne comprit pas l'attitude froide de son ami qui lui semblait d'ailleurs, ces temps ci, assez distant.

Elle mit cela sur le compte de ses problèmes de famille.

Les mois passaient et la famille SOW ne savait plus à quel saint se vouer.

La tension dans cette maison était à son summum car le patriarche avait fini par analyser la situation sous tous les angles, suite à la disparition de Nancy.

Partir ainsi et tout laisser derrière elle, si jeune, depuis plus d'un an?

Disait- elle la vérité en fin de compte sur cette histoire de viol?

Il avait mené son enquête discrètement et d'après les informations qu' il avait pu recouper, il semble bien que Demba ait bien quitté l'entreprise, l'espace d' 1 heure en fin de matinée, ce fameux jour.

Son coeur a failli lacher quand il s'est rendu compte qu' ils avaient probablement commis une erreur monumentale et cela lui a fait faire un malaise que le medecin avait traduit en début d'infarctus.

Depuis ce moment, la méfiance etait de rigueur envers Demba, que le père de famille voyait maintenant d'un tout autre oeil.

Il a d'ailleurs eu une altercation l'autre jour avec Racine car il véhicule à qui veut l'entendre la théorie selon laquelle Nancy etait emotionnellement instable.

- tu vas arrêter de raconter des histoires Demba? Ma soeur n'est pas folle! Lui lançait alors rageusement le jeune Racine avant d'aller s'enfermer dans sa chambre.

La tension dans l'entreprise etait aussi à son paroxysme entre les deux cousins.

Depuis que Demba a annoncé fièrement à Fadel qu'il faisait la cour à la belle Sara, celui ci etait devenu comme fou et ne le supportait plus.

Fadel aussi etait amoureux de Sara et Demba s'en doutait, vu la manière dont il lui parlait de Sara depuis son retour du Canada.

La vie amoureuse de son cousin lui etait complètement egal et il pouvait aimer qui il voulait!

Sauf qu'il a changé d'avis à la vue de Sara qui l'a complètement ébloui.

Il a alors décidé de faire celui qui ne se doutait pas des sentiments de Fadel.

Il lui annonça clairement qu'il aimait la jeune fille afin de le courcircuiter sachant qu'il n'avait même pas déclaré sa flamme à la principale concernée qui ne le considérait que comme un ami.

Encore un beau mensonge mais ça, Fadel ne le savait pas et avait pris ses distances avec Sara !

Voir son cousin être dans tous ses états et sortir de ses gongs dès qu' il le voyait, rendait Demba fou de joie.

Neené Assi, elle faisait des allers retours réguliers à Kolda mais comme dans cette maison, c'était devenu l'anarchie totale depuis la disparition de Nancy, les gens ne se preoccupaient plus tant que ça des déplacements des uns et des autres.

Tout le monde savait que ses voyages à Kolda étaient sûrement liés à la jeune fille et cela suffisait comme explication pourvu qu'on la retrouve.

A son dernier voyage, Neené revint avec Koumba qui venait s'installer dans la maison pour les aider disait grand mère afin qu'il y ait une jeune femme auprès de la famille.

Elle espérait que Koumba soit comme une fille pour Baaba et que cela le réconforterait.

Cette dernière, elle, était aux anges car elle se retrouvait auprès de Fadel qu'elle a aimé toute sa vie.

La situation la ravissait donc au plus haut point. Elle décida alors de jouer le rôle de la parfaite belle fille et était toujours aux petits soins pour son beau Fadel.

Baaba et neené n'etaient plus que l'ombre d'eux même au fil des recherches qui restaient toujours infructueuses.

Cette famille qui était déjà au plus bas, ne pensait pas vivre un autre drame de sitôt mais le destin en avait décidé autrement et frappa à nouveau à leur porte quelques mois plus tard.

Fadel qui était en pleine réunion, reçut un coup de fil qui changea le cours de sa vie à tout jamais.

En courant dans les couloirs de l'hôpital pour rejoindre la chambre indiquée, il ne sentait même pas ses larmes qui inondaient ses joues et ses jambes le portaient à peine.

Il poussa la porte de la chambre et se précipita auprès de Baaba qui était au plus mal entouré de machines et de medecins.

- Baaba.....oh baaba, il faut que tu tiennes le coup

- Fa...Fa ...Fadel...mon fils...ta mère.....Racine....

- je sais baaba.... je sais ....oh mon dieu pourquoi....

Ils étaient tous les deux étouffés par les sanglots....

- il faut que tu te battes, tu vas t'en sortir, tu vas voir...

- ecoutes ...moi... tu dois.. m'écouter.....

- non, non ne fais pas trop d'efforts.

- ecoutes Fadel... je n'aurai pas assez de temps, il faut que tu la retrouves

- oui baaba, on va retrouver Nancy

- non....pas elle....mon fils... j'ai ..fait une chose ...terrible....

- de quoi tu parles? Calmes toi tu vas m'expliquer plus tard...

- ... séparer une mère et sa fille..... ta mère croyait ....que je ne savais pas.... mais je savais...

- neené?

- l'enfant....est vivant...

- de quel enfant tu parles?

- la fille de Nancy....

-qqqquoiii????

- retrouve la...pouponnière....kolda...

fais d'elle ta fille Fadel.... et retrouve Nancy. Je vous demande pardon... que dieu me pardonne....

- Baaba...... baabaaaaaaa

Ce furent les derniers mots prononcés par Baaba Oumar Sow qui rendit l'âme.

Ils ont été fauchés ce matin sur l'autoroute par un camion qui avait un enorme chargement en dehors des limites autorisés.

Le poids du chargement etait si important que le camion a fini par basculer faisant ainsi plusieurs morts et blessés.

Neené Assi, Racine et le chauffeur sont morts sur le coup.

Dieu a permis à Baaba Oumar, de tenir juste le temps de voir son fils une dernière fois.

Fadel Sow était donc le seul membre de cette famille à être vivant à notre connaissance.

Personne ne savait ce qu'etait devenue la jeune Nancy.

Etait- elle toujours en vie? C'etait un mystère.

Il fallait retrouver ce bébé.

Fadel avait le poids du monde sur ses épaules et assis à même le sol dans cette chambre où il venait d'assister, impuissant, au depart de la depouille de son père vers la morgue.

Il ne savait pas par où commencer et laissait pour le moment libre cours à son chagrin.

Soutenu par les autres membres de la famille, il enterra les siens dans la douleur et l'incompréhension la plus totale.

Comment leur famille avait- elle pu être ainsi décimée?

Les jours passaient et se ressemblaient sans que Fadel ne puisse réagir mais il fallait se décider à clarifier les statuts de l'entreprise comme le pressaient de le faire les avocats.

Qu'on en finisse, alors.

La décision de Baaba de laisser la totalité de l'entreprise à ses 2 fils Racine et Fadel provoquèrent un tsunami dans le coeur de Demba.

Racine n'étant plus, tout revenait donc à Fadel.

Grand mère Daado étant toujours vivante eut sa part de l'heritage mais tout le reste revenait principalement au seul vivant et bien sûr Nancy s'il s'avère qu'elle soit toujours parmi nous.

Demba etait hors de lui.

Lui, qui a dédié toute sa vie à l'entreprise se retrouve ainsi écarter de l'heritage comme un mal propre.

Rien pour lui! Pas même un centime!

Cependant, ils n'étaient pas au bout de leurs surprises.

Dès le lendemain, Fadel prit la route pour Kolda laissant tout le monde perplexe.

Que pouvait- il bien y faire?

Il écuma le tour des pouponnières avec toutes les informations qu'il détenait en sa possession, des photos de sa mère et une copie d'un extrait de naissance qu'il avait trouvé dans les affaires de cette dernière.

Le pauvre n'avait rien mangé depuis ce matin mais cela lui était complètement égal.

La responsable de cette pouponnière l'ecouta raconter son histoire religieusement avant de prendre la parole.

- je suis désolée pour votre mère, je trouvais aussi étrange de ne pas avoir de ses nouvelles. Elle téléphonait tous les jours pour avoir des nouvelles de la petite et venait la voir dès qu'elle le pouvait. Plusieurs familles ont déjà proposé de l'adopter mais elle a toujours refusé disant que c'était trop tôt. Vous avez frappé à la bonne porte Mr. Je reviens tout de suite.

Elle s'en alla sous le regard ébahi de Fadel pour qui cette histoire racontée par son père sur son lit de mort lui avait semblé être plus une fable que la réalité.

Cette réalité qui s'imposait maintenant à lui, à quelques secondes de rencontrer cet enfant que tout le monde, y compris sa propre mère croyait mort.

C'est encore sous ce regard ébahi qu'il vit la dame revenir tenant dans ses bras une petite fille.

A la vue de celle ci, Fadel se mit à sangloter comme un enfant tandis que la dame lui mettait l'enfant dans les bras et qu'elle babillait joyeusement.

- il parait qu'elle est est le portrait craché de sa mère. Je vous présente Aisha Durville Sow.