Depuis une semaine, je fais la navette entre la télé et la clinique où est hospitalisée mon amie Rose. Je suis occupée de sept heures à dix neuf heures par le travail, et cette semaine, dés que je quitte la télé, je vais voir Rose. Les autres l'appelle Khadija mais comme on dit les habitudes ont le dos large, j'ai continué avec son nom de jeune fille. Je m'appelle Chantal Dossou et je suis ivoirienne. J'ai connu Rose lors de nos études au canada. Dés qu'on s'est vues, le climat est passé rapidement entre elle et moi. On ne sait plus quittées. Lorsque Karl est décédé, j'ai été là car elle avait besoin de soutien. Rose est une fille calme de nature et très posée. Elle n'a jamais fait de mal à qui que ça soit. Malgré que son mari la brutalise, elle ne lui a jamais souhaité du mal. Après le décès de son premier mari, elle a décidé de revenir au Sénégal et d'y travailler. Certes elle n'a pas besoin de travailler mais elle le fait par plaisir. Dés qu'elle s'est installée, elle a déposé mon cv dans beaucoup de télévisons et lorsqu'elle est embauchée, elle a appuyé mon dossier et maintenant, on bosse ensemble. Chaque jour, du lundi au vendredi, elle présente le journal télévisé à partir de dix huit heures. Elle a la chance de parler beaucoup de langues et surtout le wolof qui est une langue qui te facilite beaucoup de choses au Sénégal. La première fois qu'elle m'a appelé pour que je la maquille chez elle, je l'ai trouvé le visage tuméfié. Je ne comprenais pas et elle m'a expliquée qu'elle a été victime d'une agression. Je savais qu'elle ne me disait pas toute la vérité mais j'ai laissé passer, elle se décidera à me parler quand elle voudra. C'est lors de la deuxième fois qu'elle s'est décidée de me parler : son mari l'a battu au point de l'amener à l'hôpital. Depuis lors, la scène se rejoue chaque jour. J'ai essayé d'intervenir mais je ne veux pas aussi m'immiscer dans son couple. Je ne peux que lui conseiller et l'aider de mon mieux. A sa place, j'aurais déjà divorcé mais quelle femme va conseiller à son amie de divorcer ? Moi en tout cas je ne le ferai jamais et le jour où elle le décidera, je serai à ses cotés pour la soutenir. Je pousse la porte de la clinique et le vigile qui commence à s'habituer à ma présence me laisse passer sans problème. Je trouve Rose, les bagages prés d'elle.
Moi : on dirait que la vie à l'hôpital est finie.
Rose : il est plus que temps que ça se termine. C'est la dernière fois que je viendrais dans un lieu pareil à cause de Khalil.
Moi : un homme violent restera à jamais un homme violent. C'est un complexé ton mari raison pour laquelle il essaie de te dominer par les coups.
Rose : il est temps de siffler la fin de la récréation. Je le quitte mais je dois d'abord me rendre à la maison et prendre des dossiers super importants. Il s'agit de mon avenir en tant que femme libre.
Moi : si tu veux quitter ton mari, ne repars pas chez lui.
Rose : l'époque où j'avais peur de lui est révolu. Œil pour œil, dent pour dent.
Moi : c'est parce que tu es blessée dans ta chair que tu parles ainsi mais tu vas vite oublier.
Rose : oublier ? Jamais ! Je ne peux pas. Tu vas me déposer chez moi. A cette heure Khalil est au boulot. Je dois juste prendre quelques affaires et je le quitte pour de bon.
Moi : si c'est ta décision je te soutiens à cent pour cent.
Après avoir pris le peu de bagages qu'avait Rose, on quitte la clinique. Son mari a déjà payé la facture.
**Khadija**
On vient de se garer devant la maison j'habite ici avec Khalil depuis qu'il est nommé ministre. Il a changé de parti politique juste après la défaite de son candidat à l'élection présidentielle et depuis lors, il a fait des pieds et des mains pour être vu par l'actuel locataire du palais présidentiel et il a réussi. Il est nommé ministre depuis le dernier remaniement et chaque week end, soit il est en tourné dans les régions, soit il reçoit ses militants à la maison. Je tiens plus le rôle de domestique que d'épouse. Quand il reçoit à la maison, je cuisine et sers de plats de sorte que mes pieds ne me tiennent plus.
Je sors de la maison et salue le vigile qui est posté devant la maison. On discute un moment et je monte dans ma chambre. J'ouvre la porte de ma chambre et une mauvaise odeur m'accueille. J'ouvre mon armoire et prends quelques bagages, juste le nécessaire et tous mes documents administratifs. J'ouvre le coffre de Khalil avec le code qu'il m'avait donné au début de notre mariage. Je sors tous les papiers et les tourne pour voir ceux qui m'intéressent. Khalil ne sait pas à qui il a affaire, ma vengeance serait cruelle. Il m'a pris tout ce qui avait de bon en moi : ma dignité de femme, mes deux grossesses. Je referme le coffre et appelle le gardien pour qu'il fasse descendre mes bagages et les mette dans le coffre de la voiture de Chantal. Cette dernière, dés qu'elle m'aperçoit, m'ouvre la voiture. Une fois assise confortablement, je regarde la maison une dernière fois et demande à mon amie de partir. La voiture s'élance dans la nuit dakaroise laissant derrière elle tant de mauvais souvenirs.
**Khalil**
Je pousse la porte de la chambre essayant de sentir le parfum de ma femme mais ce soir, comme les autres soirs depuis deux semaines, rien. Depuis son retour de la clinique, je l'ai cherché partout mais il semble qu'elle a disparu sans laisser de traces. J'ai mis mes meilleurs hommes sur le dossier mais jusqu'à présent, je n'ai pas encore de résultat. Ce jour-là, à mon retour du travail, j'ai foncé directement chez moi. Mon ami le docteur Ndaw m'a déjà averti que ma femme est sortie. Depuis une semaine qu'elle est là bas, j'y ai pas mis les pieds rien que pour la voir. Après l'avoir déposé à la clinique, j'ai dit à mon ami de faire ce qu'il sait le plus faire : soigner et fermer les yeux. Je lui donne de l'argent pour ça et il connait ma position dans le pays au cas où il ya fuite. Il s'en occupe personnellement. Depuis lors, je devais prendre des bains mystiques avec Karamoko d'où mon absence auprès de ma femme. Et enfin elle est sortie et depuis lors je n'ai pas de ses nouvelles.
Je m'appelle Khalil Ababacar Sow mais pour faire cours, appelez-moi Khalil. Je suis ministre dans le gouvernement. J'aime le pouvoir sous toutes ses formes et, lors de la défaite de mon parti, le parti du vieux Wade aux élections présidentielles, j'ai joué finement pour me retrouver finalement avec les nouveaux leaders. Je vois la tête de mes ennemis qui disent tchipp c'est un transhumant. Je le suis, comme on dit, il n'y a que les intérêts qui comptent et mes intérêts à moi, c'est le pouvoir et avoir les gens à mes pays. Avant de me marier avec Khadija, j'ai été marié à une cousine qui m'a considéré comme le FMI. On a eu un divorce houleux et la famille a failli se diviser. Trois mois après notre divorce, elle s'est remariée avec un cousin qui était pratiquement mon bras droit. Ça m'a anéanti et je me suis juré de ne plus faire confiance aux femmes et de faire subir à toutes les autres femmes l'humiliation que m'a infligée mon ex femme.
La première fois que j'ai aperçu Rose à la télé, je me suis promis de l'avoir rien que pour moi. J'ai d'abord engagé un détective privé qui l'a suivi pendant un mois et qui m'a rassuré qu'elle n'avait personne dans sa vie. Le reste a été facile. Je me suis arrangé avec son directeur à être son prochain invité dans son émission politique et ensuite je lui ai fait une cours dans les règles de l'art. Aucune femme ne résiste à la galanterie, aux cadeaux hors de prix mais surtout à une présence constante. Je suis beau et j'ai une classe que tous les autres hommes n'ont pas. Je suis vaniteux : tant mieux j'aime être le centre du monde. Je l'ai épousé après m'être assuré qu'elle n'avait pas de parents au Sénégal. D'ailleurs, pour faire court, elle n'a pas de parents car elle ignore tout d'elle excepté sa mère qui a débarqué ici alors qu'elle était mome. Elle a changé de religion et voilà.
Lorsque je l'ai épousé, vu qu'elle animait une émission politique et qu'elle est très appréciée du petit écran, je croyais qu'elle allait faire campagne pour moi mais elle m'a freiné dans mon élan : pour elle jamais de politique. Depuis ce jour, j'ai essayé de lui montrer qui porte le pantalon dans la maison et si elle n'apprécie pas le traitement, eh bien elle peut retourner dans son modeste appartement de deux chambres salon. Je ne pensais pas qu'elle pouvait me quitter mais elle a commencé. Je vais la trouver où qu'elle soit et je lui tirerais la peau des fesses pour lui montrer que le mari se respecte. Dans tous les recoins de Dakar, mes hommes et moi avons cherché. Ce qui rend les recherches difficiles, est le fait qu'elle ne fréquentait pas beaucoup de monde sauf son amie Chantal. Mais celle-ci aussi ne sait pas où elle se trouve d'après elle. Au début, je ne voulais pas la croire mais quand elle a pris un congé d'une semaine pour participer aux recherches, je lui ai accordé le bénéfice du doute surtout que dés le départ, j'ai placé un homme qui la surveille matin et soir sans résultat.
Je m'allonge sur le lit et mon regard tombe sur une grosse enveloppe posée sur la coiffeuse. Je suis fatigué pour aujourd'hui demain je verrai le contenu. Après être sorti de la salle de bain, je vois mon téléphone qui clignote, j'hésite à décrocher car c'est un numéro privé. Ça coupe et ça recommence et je me décide de décrocher.
Moi : Allo !
... : Bonsoir M. Sow. Excusez-moi de vous appeler à cette heure mais depuis ce matin j'essaie de vous joindre sans succès.
Moi : a qui ai-je l'honneur ?
... : je m'appelle Maitre Diop et je suis l'avocate de votre femme.
Moi : A ma connaissance ma femme et moi avons le même avocat donc je ne vous connais pas.
Maitre Diop : je le suis depuis qu'elle m'a engagé pour régler les procédures du divorce.
Moi : divorce ? Je ne comprends pas.
Maitre Diop : je vois que vous n'avez pas encore pris connaissance du dossier que l'huissier vous a transmis.
Moi : quel dossier ?
Maitre Diop : dans le dossier il ya les termes du divorce voulu par ma cliente et il ya un autre dossier qui se trouve à l'intérieur et c'est pour vous.
Moi : Maitre mon avocat vous contactera dés demain mais sachez que je ne signerai pas ce divorce.
Maitre Diop : on en reparlera. Sur ce M. Sow je vous souhaite une bonne nuit.
Il raccroche. Ce Maitre Diop ne va plus jamais plaider au Sénégal. Il a défendu la mauvaise personne. Comment Khadija a –t-elle pu m'envoyer un avocat pour demander le divorce ? Je lui ai laissé trop de liberté et il est temps que ça cesse. Je me lève pour aller voir l'enveloppe sur la coiffeuse car je soupçonne que c'est le dossier dont me parle l'avocat de ma femme. Elle se croit malin, eh bien le réveil va être catastrophique pour elle. Je vais lui pourrir la vie au point qu'elle demandera grâce. Parole de Khalil ! J'ouvre l'enveloppe et je lis les fameux termes du soi-disant divorce. Elle exige le divorce sans pension ni rien. Même si elle le veut, elle n'aura aucun franc de moi. Elle a été tellement incapable au point de perdre deux grossesses suite à de simples petits coups. Elle a glissé dans le dossier une autre petite enveloppe et quand je l'ouvre mon cœur a raté un battement. Il ya des photos de moi avec de jeunes filles dont j'ai oublié le nom. J'avais envie de changer et je me suis trouvé des minettes vierges sur ordre de Karamoko. Il devait avec le sang de vierge m'assurait une puissance éternelle. Comment Khadija a-t-elle pu avoir ces photos ? Elle me menace de les publier sur le net et de donner ça à tout ce que le pays compte comme journalistes si je ne lui accorde pas le divorce sans problèmes. Depuis quand Khadija joue-t-elle à ce jeu ? Toute la nuit, je me retourne dans le lit sans trouver de sommeil. J'ai toujours trouvé des solutions à mes problèmes mais là ma femme m'a touché au plus fort de moi. Comment un homme de mon rang peut-il gérer cela ? Je suis une autorité dans ce pays et j'occupe un poste stratégique. Je ne me vois pas vivre ma vie et surtout avec de pareilles photos sur la toile. Je me suis battu pour en arriver là où j'en suis et rien ni personne ne doit me le gâcher.