-Vous habitez dans une zone assez calme, commence-t-elle.
-C'est parce que c'est une nouvelle cité. Il y a plusieurs maisons en construction. Mais les femmes se sont quand même arrangées pour faire des rencontres (Tourou kogne).
-J'espère que tu n'en fais pas partie.
-Tu me connais assez pour savoir que ce n'est pas mon truc. Sans oublier que je n'ai pas le temps. Je passe mes journées à la fac, je ne peux pas consacrer mon dimanche soir à des inconnues. Ce sera une bonne raison pour qu'Aziz pète un câble.
Nous continuons à marcher et je remarque que Saliou traine les pieds. Je suis sûre que Saint-Louis doit lui manquer.
-Et ta belle-mère ?
-Je te demande pardon...
-Je ne sais pas, cela fait 3 jours que nous sommes j'ai comme l'impression que ta belle-mère ne veut rien à faire avec nous. Quand j'essaie de faire la conversation, j'ai des réponses à demi-mots. Peut-être que nous ne sommes pas les bienvenus. Aziz t'a dit quelque chose ?
-Non. Je ne voulais pas t'en parler mais je dois t'avouer que ma belle-mère ne me porte pas réellement dans son cœur. Je me disais que le fait tu restes n'était pas une bonne idée, j'avais peur qu'elle...
-Ne va pas trop vite, comment ça vous ne vous entendez pas bien ? Qu'est-ce qu'elle te reproche ?
-De ne pas être Radia et d'avoir pris sa place en quelques sortes.
Ma mère lâche un sourire assez nerveux en secouant la tête.
-En quoi, est-ce ta faute si Radia a décidé de partir ?
-Parfois je me demande si mon amour pour Aziz en vaut réellement la peine. Quand je me regarde devant le miroir je ne suis pas sûre d'être heureuse.
Ma mère se stoppe automatiquement m'obligeant à retourner sur mes pas.
-Il y a des bancs là-bas, allons-nous y mettre. On pourra parler plus calmement et je commence à être fatigué.
Je la suis. Saliou prend ma main. On traverse la rue avant d'y accéder. C'est comme un jardin avec des bancs publics. Il fait nuit, nous ne comptons que sur les lumières des lampadaires.
Nous nous installons.
Je me demande si je n'ai pas lâché une bombe en voyant l'air sérieux de ma mère.
Dire que je ne m'inquiète pas serait un mensonge.
Saliou est en train de jouer avec le portable. Je pense qu'on est tranquille pour un moment.
-Dis-moi toute la vérité. Azizatou, je suis ta mère. Je pense te l'avoir déjà dit. J'aurais dû être davantage là pour toi et tes sœurs. Je n'ai pas choisi une vie loin de vous mais le choix me fut imposé.
Je peux voir une mine triste. Sa voix a même craquée quand elle disait cette phrase. Je sais qu'elle aurait qu'elle aurait voulu que les choses se passent autrement. En revanche, je ne suis pas d'accord avec ce qu'elle vient de dire.
-Je suis désolée de te le dire mais je pense qu'on a toujours le choix.
-J'aurais dû choisir de ne pas refaire ma vie après ton père ?
-Non mais refaire ta vie ne devait pas t'éloigner de 3 de tes enfants.
-Dans ta nouvelle famille, tu comprendras.
-C'est parce que je suis dans ma nouvelle famille que je ne comprends pas. Maman, malgré une situation tendue avec ma belle-mère, je ne t'ai pas demandé d'aller chez Tonton. Parce que tu es ma mère et si je ne peux pas me battre pour toi, pour qui le ferais-je ? De toute façon, qu'est-ce qu'on peut dire aujourd'hui qu'on a pas déjà dit ? Je pense être fière de ce que je suis devenue. Grand-mère a dû faire ce qu'il fallait. En outre, Leïla a encore besoin de sa mère. Maman, rattrape le coup avec elle. Va la chercher. Je connais Oumou, elle est forte. Si tata tente quelque chose contre elle, je pense que c'est de tata dont il va falloir s'en faire. Ceci n'est pas valable pour Leïla.
-Ton père sera d'accord.
-Il nous a bien laissés pendant des années. Une fille a plus besoin d'une mère que d'un père.
-Je vais en parler avec mon époux.
-D'accord. C'est déjà ça.
-Je vois qu'on a finalement changé de discussion. Azizatou qu'est-ce que tu me caches ?
-Rien.
-Tu vas pas me dire que tu as des problèmes avec ton mari après seulement 6 mois de mariage.
-Même quand on sortait ensemble, on avait des problèmes.
-Mais la situation a changé.
-Mais nous sommes restés les mêmes. Maman je savais que je n'étais pas prête pour le mariage. Vous avez quand même réussi à tout accélérer. Abdoul Aziz en premier et toi dès que tu as su que je sortais avec le mari de ta belle-fille, tu en as fait une arme de guerre.
-Tu penses que j'étais plus vielle que toi quand je suis devenue la femme de ton père ?
-Maman, c'est pas la même chose.
-Explique moi la différence.
-Quand tu étais mariée à papa des cours à l'université ne t'attendaient pas.
-Si tu concevais la situation ainsi, tu aurais dû mieux faire de ne jamais te lancer dans une situation avec Aziz. Et non je n'ai pas fait de cette situation une guerre et voir que c'est que tu en as pensé me montre que tu as une faible estime de moi. Chose qui me blesse au plus haut point.
-Je ne l'ai pas dit pour te blesser, jamais je ne pourrais faire ou dire quelque chose avec cet objectif. Mais maman, j'avais peur de ta réaction si tu apprenais que je sortais ave le mari de ta belle-fille mais la première chose que tu as dit quand tu as tout su, fut que je devienne sa seconde épouse. Je n'ai senti que le fait que tu veuilles transcender la rivalité que tu partageais déjà avec la mère de Radia sur nous.
-De toute façon, elle est partie. Je vois pas l'intérêt de parler de ça.
-J'aurais quand même préféré qu'elle reste.
-Tu ne serais pas folle parfois ?
-Non maman, j'ai toujours l'impression d'avoir brisé un foyer uni. Même si Abdoul fait de son mieux pour me montrer que leur décision de se séparer Radia et lui ne concerne qu'eux. Je reste convaincue que j'y suis pour quelque chose. C'est moi qu'Aziz a épousé et c'est bien pour ça que Radia est partie.
-Radia est partie de son plein gré. Elle n'est pas partie parce que tu l'as marabouté ou parce que tu l'as contrainte à partir. Si tu as envie de te prendre la tête pour ça, sois sûre que tu seras seule dans ce combat.
-C'est pas un combat.
-J'espère bien. Tant que tu m'assures que tout va bien avec ton époux et tout ce qu'il y a c'est juste des broutilles, ça me va.
-Tout va bien avec Aziz. On a eu du mal quand j'ai fait une fausse couche. Mais je t'en avais parlé. Là aujourd'hui à part mes cours et le fait qu'il déteste être à la maison avant, je pense que le reste on peut gérer.
-Comment tu gères les choses qu'il déteste ?
J'ai du mal à comprendre la question de ma mère. Elle me demande comment je gère les sauts d'humeur d'Abdoul. Je ne savais même pas que je devais les gérer.
-Il me fait la gueule, je l'ignore. Je sais qu'après quelques heures, il se calmera. Je suis sûre qu'il est un peu bipolaire.
-Que veut dire bipolaire ?
-C'est une maladie mentale qui provoque des troubles d'humeur.
-Tu veux dire que ton époux est fou ?
Ah ma mère aussi. Elle a toujours le chic pour te faire dire ce que tu n'as pas dit. Et je suis sûre d'avoir dit le mot bipolaire sur un ton taquin.
-Non, j'ai trop de respect pour lui pour dire ça.
-Je l'espère bien. Parfois je me demande si tu ne considères pas la chose comme un jeu.
-Comment ça ?
-Je te demande comment tu gères quand ton mari est mécontent et tu me dis que tu penses qu'il est fou.
-Maman, j'ai l'impression que tu...
-Ne me coupe pas. Ce n'est pas une impression, j'analyse en fonction de ce que tu dis. Azizatou, tu es une épouse. Une place que tu dois montrer que tu mérites. Je me demande si tu ne te prends pas pour une princesse et que ton époux doit te montrer qu'il mérite la fleur que tu lui as donné en acceptant de devenir son épouse.
Ma mère finit de parler et la seule question que je me pose est de savoir si c'est réellement l'impression que je donne à tout le monde et surtout à Aziz car si c'est oui. J'ai merdé.
-Réponds-moi, dit ma mère face à mon mutisme.
-Je ne sais pas quoi dire après ça. Je n'ai jamais agi en me disant ça.
-Ta grand-mère ne t'a pas éduqué pour devenir une épouse. C'était à moi de le faire et c'est compliqué à distance. Azizatou, je pense qu'on t'avait beaucoup parlé durant ton mariage.
-Tout ce qu'on m'a dit durant mon mariage c'est de bien me comporter, d'être obeissante et stoïque. Je pense l'être. Sinon, j'aurais fait moi aussi la gueule à chaque fois qu'Abdoul se montrait fâché.
-Sauf qu'il est fâché contre toi. Essaie de t'arranger. Tu sais ce qui le dérange, pourquoi tu ne cherches pas à t'arranger ?
-Comment pourrais-je m'arranger ? Maman ce que j'ai c'est des cours. Je ne fais pas les emplois du temps. Normalement en tant que professeur devait être le premier à comprendre. Et même c'est comme si je le livrais à lui-même. Je me suis arrangée pour avoir une bonne qui ne rentre que les week-ends. Ce qui est synonyme peu importe l'heure à laquelle Aziz est à la maison, il a quelqu'un qui s'occupera de son repas. Je ne pourrais pas en faire plus.
-Quand ta bonne deviendra ta coépouse, tu comprendras qu'il y a des choses qu'une épouse doit faire et pas une bonne.
Ce que ma mère dit me fait froid dans le dos. Non, j'ai rien à craindre. Je fait confiance aux deux.
-Aziz n'osera jamais me faire quelque chose pareille.
-Il reste un homme. Je te conseille de faire attention à toi.
-On peut rentrer, je commence à avoir froid et demain j'ai cours à 8h. Je dois me lever tôt.
-Avant de partir, écoute-moi bien. Azizatou je te l'ai dit et je te le redis, le mariage n'est pas un jeu. Maintenant on est loin du je suis prête ou je ne suis pas prête. Tu as mangé la dote, tu dois t'en montrer digne.
-On peut en parler en marchant.
-Allons-y.
-On rentre...dit Saliou. Pas très bavard, si je ne le voyais pas, j'allais oublier qu'il était là.
*****
Sur le chemin du retour, ma mère m'a un peu plus conseiller sur comment je dois me comporter avec Aziz. Mais j'ose pas vous parler de la partie ou elle a voulu que je parle de mon intimité avec mon mère. C'est ma mère mais je suis bien trop pudique pour parler de ça avec n'importe qui. Elle m'a quand même donner des conseils. Elle y tenait. Je vais essayer de les appliquer Aziz dit déjà que djonguerwouma (Je ne suis pas coquine).
Quand nous arrivons à la maison, maman va au salon. La conversation avec ma belle-mère, elle l'impose que cette dernière le veuille ou non. Peut-être qu'il est tant que je commence à faire comme elle. Abdoul me demande de faire des efforts. Je dois pouvoir faire ça pour lui.
Quand je partais, il corrigeait des copies. Je rentre dans notre chambre et je vois qu'il y est encore.
Je m'assois à côté de lui et j'essaie de me blottir contre lui.
-Qu'est-ce que tu fais ? Demande-t-il l'air intrigué.
-Je voulais m'excuser.
Il lâche son stylo et me prend dans ses bras.
-Des excuses pourquoi ?
-Je viens de parler avec ma mère.
-Peu importe ce qu'elle t'a dit mais dès l'instant que tu reviens avec des excuses, je peux deviner que c'est à ma faveur. Cependant j'aimerai savoir pourquoi tu t'excuses.
-Je pense qu'il est tant que je devienne la femme que tu mérites que je sois.
-Si tu ne l'étais pas je ne t'aurais pas épousé. Ne t'inquiète pas pour ça. Même si les choses ne vont pas toujours comme on le souhaiterait au moins elles vont toujours de sorte à ce qu'on puisse les gérer.
-Je sais, dis-je en me séparant de l'étreinte.
-Donc on est bon, dit-il comme pour me rassurer.
-Oui, on est bon. Ma mère m'a parlé d'une chose qui m'a un peu secoué.
-Laquelle ?
-Que j'agissais comme si je t'avais fait une faveur en acceptant de t'épouser. Je sais pas si tu ressens mes actions ainsi. Je tiens seulement à te dire que si c'est ça, je l'ai fait inconsciemment et que jamais je me suis comportée en diva à ton égard.
-Je comprends mieux maintenant. Tu m'as jamais donné l'impression de te comporter mal devant moi et je pense que tu me connais, j'ose l'espérer mieux que n'importe qui. Si tu agis mal à mon égard, j'hésiterais pas à te recadrer. Donc crois-moi sur parole. C'est juste une impression. Ta mère ne vit pas avec nous donc elle n'a aucune idée de ce qu'on vit. Je peux dire si j'ose que même ma mère qui vit avec nous n'a aucune idée de ce qu'on vit tous les deux. Ok ça va pas toujours comme je le voudrais mais j'essaie toujours de me calmer en disant que ça reste temporel. Je pense que toi aussi.
-Oui c'est temporel.
-Ma petite étudiante, dit-il avant de me faire un bisou sur la tempe.
Je lui fais un sourire et il continue.
-Tu veux te coucher ? Il me reste encore... Il marque une pause pour compter le nombre de copies...6 copies et j'ai fini.
-Je te laisse finir je vais dans le salon. J'ai vu ma mère discuter avec la tienne.
-Ah oui. Ma mère est parfois particulière.
-Je sais. Maman m'a dit qu'elle lui répond à demi-mot.
Il fait un sourire en secouant la tête.
-Maman m'étonnera toujours. Je pensais qu'elle ferait au moins semblant avec ta mère.
-Semblant...
-Rien oublie. Vas-y. Je t'appelle quand j'ai fini.
-Ok, dis-je avant de sortir.
Une fois dans le salon, je vois que ma mère parle de Saint-Louis avec Diatou mais je peux dire de là que ma belle a préféré être étrangère à la conversation. C'est son problème à elle.
-J'ai été à Saint-Louis une fois. Malheureusement je pense que j'ai eu peu de chance d'y avoir fait aussi peu de temps, dis-je en m'incrustant dans la conversation.
-Tu n'auras qu'à revenir avec Aziz et cette fois-ci ce sera pour plusieurs jours, propose ma mère.
-Aziz n'osera jamais remettre les pieds dans cette maison après ce qu'il a fait, dit ma belle-mère avec dédain.
-Dans la maison de mon époux, mon beau-fils n'aura jamais de sens interdit.
-Je me demande encore ce qu'il pense lui de tout ça. Voir sa belle-fille mariée au mari de sa fille doit représenter un dilemme. Et Azizatou quand tu as décidé d'être la deuxième femme de mon fils, as-tu pensé à lui, elle parle en pointant Saliou du doigt. As-tu pensé au fait qu'il verra deux de ses sœurs partageaient le même époux ?
Avant que ma mère ne dise quelque chose qui rendra mes relations avec ma belle-mère plus tendue qu'elle n'est déjà, je la supplie du regard de ne rien dire. Je fais un soupir avant de répondre car je sais que si je ne dis rien ma mère le fera.
-Saliou comprendra que je n'ai fait qu'écouter mon cœur. Quand j'ai connu Aziz, je ne savais pas ce qu'il représentait. Malheureusement le coup était déjà parti. Tout ceci n'est en rien ma faute et je refuse de m'excuser pour ça. Je vais voir si mon mari a fini ce qu'il faisait.
Je me lève avant de me rendre compte que ce serait une mauvaise idée de laisser ma mère dans la même pièce que la mère d'Aziz.
-Maman, je peux te parler ?
Elle se lève et je tends la main à Saliou.
On se rend dans l'ancienne chambre de Radia.
Ma mère me fait savoir qu'elle a trouvé ma réplique trop moue.
Mais qu'est-ce qu'elle voulait que je lui dise, non mais sérieusement.
Je n'avais rien à lui dire, je retourne trouver mon mari dans notre chambre mais je ne lui parle pas de ce qui s'est passé dans la chambre et de la pique que sa chère maman venait juste de me lancer.
Il a pas non plus besoin de tout savoir.
Sa mère ne m'aime pas et malheureusement on ne peut pas forcer l'amour. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas.
*****
Abdoul Aziz et ses potes ont un rendez-vous (tour) qu'ils font chaque année. Ça dure une journée ou les gars se retrouvent avec leurs épouses chez quelqu'un. Le tour d'Aziz était l'année passée. Connaissant Radia, c'est sûr qu'elle a dû mettre les petits plats dans les grands.
Je connais ses amis, je pense les avoir tous rencontré par contre je ne connais pas leurs épouses, à part Sokhna pour qui j'ai travaillé.
Sokhna m'avait dit clairement que si elle devait choisir entre Radia et moi, ce sera Radia. Elle me l'a bien montré. Elle ne m'a jamais appelé. Elle aurait pu me féliciter pour mon mariage.
A dire vrai, je crains que les épouses des potes d'Aziz me reprochent ce mariage et me considèrent comme celle qui a pris la place de leur amie. Je crains qu'elles me rejettent sans me donner la chance de me connaître.
Nous arrivons devant chez Pathé. Aziz sonne et on attend que quelqu'un vienne ouvrir.
A ma grande surprise, je vois Coumba. Mon cœur fait un raté en me demandant si elle était l'épouse de Pathé mais je me suis ressaisie en me rappelant que Coumba n'est pas mariée et Aziz m'avait déjà dit que la femme de Pathé s'appelait Fatim.
Aziz la salue et me présente et c'est ainsi que j'apprends qu'il s'agit en fait de la sœur de Fatim. Je me demande finalement si la curiosité à mon égard était gratuite.
Nous avançons et dans la cuisine, deuxième surprise de la journée, je vois Radia et Sokhna dans la cuisine en train de rire aux éclats.