Que je le veuille ou non Safi avait raison, je devais parler de ce qu'ils ou elles avec plus de précision m'avaient faite. Maman m'avait promis que ça n'allait pas faire mal qu'elles étaient toutes passées par là et que pour mériter le statut de femme, je devais passer par là. J'avais 8 ans quand maman avait planifié ce qui devait être des vacances pour moi au pays. On était que toutes les deux et même si j'avais trouvé bizarre que pour une fois Souleymane ne nous accompagne pas mais je pensais pas à un mal alors qu'en fait c'était exclusivement un truc de fille et Souley n'avait rien à faire là.
Hey... Je détesterais toujours cette femme qu'on appelle communément exciseuse et j'en voudrais toujours à maman de m'avoir amenée en Guinée pour que je souffre. Elle dit qu'elle était passée par là mais est-ce une raison pour que moi aussi j'y passe ?
Depuis des années, je me suis battue pour refouler cet atroce souvenir du plus profond de ma mémoire. J'ai toujours apprécié mes séjours en Guinée mais celui-là sera toujours sur liste noire.
Le pire est que ces femmes organisent une sorte de cérémonie rituelle où sont placées toutes les filles en âge d'être excisées et chacune y passe son tour. Non seulement elles te coupent mais après elles prennent quelque chose que je ne saurais nommer pour boucher ton entrée te laissant juste une sortie pour le liquide urinaire et les menstruations. Odieuses elles étaient. Je me souviendrais toujours de mes cris. J'étais la deuxième à y passer la première était une cousine, elle a toujours vécue en Guinée. Ses cris m'ont alertée je voulais juste fuir. Après vint mon tour, la douleur était telle qu'un trou noir s'en est suivi.
Maman a toujours dit qu'on faisait ça pour que les filles maitrisent leurs pulsions sexuelles. Que cet organe était sacré et que je n'avais pas le droit de le toucher sous peine d'être maudite. J'ai cru en cette raison jusqu'à ce que j'apprenne que ma cousine, la première à être excisée avait été châtiée de sa maison car elle était tombée enceinte hors mariage. Donc elles peuvent dire autre chose mais cette raison ne tient pas debout.
-Depuis toute à l'heure je te parle mais tu ne réponds pas. T'es toujours avec nous ??? J'entends Safi se plaindre me rappelant que j'étais encore dans sa chambre.
-Oui. Oui. Je pensais juste à cette histoire.
-J'imagine.
-Je ne sais pas si je dois lui dire. Safi c'est un wolof et vous les wolofs vous ne connaissez pas ça. J'ai vraiment peur.
-Il n'y a pas quoi. S'il tient à toi, il l'acceptera. Parle-lui avant c'est mieux. De toutes les façons, une fois marié il le saura.
-Donc il le saura quand on va se marier.
-C'est ta vie, ce n'est pas à moi de te dire ce que tu dois faire mais c'est quand même préférable de commencer un mariage sur de bonnes bases.
-Safi qui me parle de mariage. T'es mariée, toi ?
-Non, je veux mon diplôme d'abord.
-A quoi bon, t'as assez appris non ?
Elle éclate de rire.
-Apprendre sans diplôme c'est comme être analphabète. Et j'entends trop de femmes se plaindre qu'elles n'ont pas pu continuer leurs études après le mariage. Il est impossible de savoir sur quel con on va tomber avant le mariage.
-Laye a dit qu'il va me trouver un prof particulier.
-Ah c'est cool ça. Même si je pense qu'il le fait avant tout pour lui. Mariama quand tu seras madame Mar, tu vas entrer dans la haute société. Les riches sont tous très hautains. Il voudra pas t'amener à une fête et que quelqu'un parle français à sa femme sans qu'elle ne sache quoi répondre.
-Oui c'est vrai ça. Moi tant que j'arrive à me débrouiller rek, c'est bon.
-Vu sa fortune, s'il te trouve un prof particulier ce sera un des meilleurs.
-Ce que j'espère surtout c'est qu'il m'aide avec maman. Elle dit qu'elle ne peut même pas payer ses ordonnances car coûtant trop cher.
-Non t'inquiètes pas il le fera et quand tu seras sa femme, le mot cher ne fera plus partie de ton dictionnaire.
-Tu sais que j'ai toujours été radine.
-Ton avare de père ne pouvait pas t'éduquer autrement.
On éclate de rire. Safi et mon père, une longue histoire d'amour.
-Tu te souviens quand je ne marchais à n'en plus finir juste pour économiser 50fr parce que mon père disait que c'était beaucoup d'argent mis bout à bout.
-Tu me faisais pitié.
-Moi aussi je me faisais pitié...Dis-je en souriant.
-Mais ne t'en fais pas. Tu vas faire partie de la haute société dakaroise. Au lieu de prendre un car, ton mari te trouvera une voiture et ton chauffeur à toi.
-Hiii, Mariama avec une voiture et un chauffeur. N'y pense même pas.
-Tu ne seras plus Mariama mais madame Mar et je pense que madame Mar aura bien un chauffeur. Son époux doit y tenir.
-Même si j'ai un chauffeur ce sera pour aller où ?
-Je sais pas tu auras des courses à faire et du shopping.
-En parlant de shopping, sa cousine m'a dit toute à l'heure qu'elle m'amènera faire les boutiques.
-Le contraire m'aurait étonné. Tu peux plus t'habiller n'importe comment. Même si je te l'ai jamais dit car ne voulant pas te frustrer, tes habits craignent.
-Comment ça ?
-Soit trop large ou soit décoloré car étant trop lavé. Tout est juste bon à jeter.
-Alors ça c'est méchant... Me renfrognai-je.
-Ce n'est que la vérité. En passant il est où ton futur mari ?
-Je t'avais dit toute à l'heure qu'il était sur la terrasse en train de parler avec mon père.
-Oui c'est vrai. A ton avis de quoi sont-ils en train de parler ?
-J'en ai aucune idée. Mais il avait dit qu'il essayerait de négocier avec papa pour que je revienne ici le temps que le mariage soit célébré.
-Il faudra d'abord que ton père accepte le mariage. Pendant tout le temps qu'on parlait j'avais oublié ce détail.
-Quel détail ?
-Tu le sais mieux que moi. Vous les peulhs vous n'aimez que vos frères et sœurs peulhs. Est-ce que ton père acceptera sakh de donner sa fille en mariage à un wolof.
-Non papa ne fera pas ça. Il refusera pas ce mariage simplement parce qu'il est wolof. Quelle débilité !!!
-En tous cas dal, c'est vous. Moi je ne ferais pas de débat là-dessus.
J'entends la fille de ma belle-mère m'appelait au loin avant d'entrer dans la chambre.
-Woppa vient répondre.
Je fais un soupir d'agacement. J'espère que quand je me marierais que personne ne m'appellera comme ça.
-Je vais voir ce qu'ils veulent... Dis-je à Safi avant de sortir de la chambre.
En marchant dans les couloirs, Idy m'intercepte et me tire dehors. Devant l'entrée de la maison, il commence.
-J'ai parlé avec ton père, il est d'accord pour le mariage mais aussi que tu restes ici pour le temps qu'il faut.
-Comment t'as fait ?
-J'avais de bons arguments, il ne pouvait en être autrement.
-Si tu le dis.
-En fait, pour être simple il voulait en finir avec cette histoire. Il était prêt à te donner en mariage dès demain, moi ça m'arrangerait mais j'ai pensé que toi comme toutes les filles aimaient en faire tout un plat de ces histoires. Tu voudrais sans doute avoir plus de temps pour te préparer et faire une fête.
-Je ne peux pas faire une fête.
-Pourquoi ça ? Je pensais que c'était ce que tu voulais.
-J'aurais aimé en faire mais ma mère est trop malade pour s'occuper de quoi que ce soit et moi je n'ai aucune idée de comment se passent ses choses-là.
-Ok, je vois.
-Et même je pense que maman a besoin de calme pas que des gens viennent s'enquérir de son état qui va de plus en plus mal.
-C'est vrai que ça m'a semblé bizarre de la trouver coucher.
-Elle est malade et ça dure. 5 ans maintenant,.
-5 ans c'est quand même beaucoup. Vous l'avez amené à l'hôpital.
-Papa essaie avec les trucs traditionnels mais ça ne marche pas. On l'a seulement amené au poste de santé et bien sûr, ils peuvent pas faire grand-chose. Maman dit qu'ils lui ont donné une ordonnance et que ça coûtait trop chère et que mon père ne pouvait les acheter.
-Va m'amener l'ordonnance je vais les acheter pour elle. Il doit avoir une pharmacie non loin d'ici, non ?
-Tu vas faire ça ???
-Oui. Si tu deviens ma femme c'est normal que j'aide ta famille.
Si j'étais pas si gênée, je l'embrasserais sur place. Je retourne voir maman.
-Maman, donne-moi ton ordonnance, Idy va te les payer.
-Au moins pour une fois dans ta vie tu vas servir à quelque chose... Dit mon père... Ton fiancé a promis de m'amener à la Mecque après votre mariage et de financer mon commerce et maintenant il va payer les ordonnances de ta mère. Un bon petit...
Je lâchais un rire de dépit. Un bon petit parce qu'il l'a tout bonnement acheté. Baba ne changera jamais, son amour pour l'argent dépasse tout entendement. Je suis sûr que s'il était pauvre, il l'aurait envoyé au diable
Maman me tend l'ordonnance que je prends de ses mains avant de sortir. Je le remets à Idy qui me demande de monter avec lui pour que je lui indique la pharmacie la plus proche.
Une fois là-bas, Idy voulait payer avec sa carte parce qu'il n'avait pas assez de liquide. Maman avait raison, il y a beaucoup de médicaments et ça coute cher. Sauf que dans cette pharmacie de banlieue, cette fonction n'est pas disponible. Ce qui l'a obligé d'aller faire un retrait dans une banque et revenir acheter. Nous retournons ensemble à la maison et je remis le tout à ma mère qui a recommencé avec ses multiples prières. Si Dieu les entend, je serais heureuse à vie.
Idy me dit qu'il fallait qu'il rentre mais avant on devait se mettre d'accord sur le mariage. Moi je lui ai dit de faire comme il le voulait.
-Si ça ne dépendait que de moi, je t'épouserais demain et le mariage à la mairie le plus important à mes yeux aura lieu lundi matin et l'après-midi même j'irais flanquer mon oncle dehors avec un coup de pieds aux fesses.
-Comment ça ? C'est qui cet oncle que tu veux mettre dehors ?
-Histoire de famille, trop compliqué pour toi.
-Si tu veux on peut le faire demain. Moi je n'ai rien à préparer donc pourquoi attendre.
-En tout cas c'est ce qui m'arrange. Donc je vais appeler mes cousins, oncles et amis espérant qu'ils puissent finir leurs journées assez tôt demain et qu'ils viendront pour la célébration.
-D'accord...Dis-je en haussant les épaules.
-Je vais le dire à ton père pour qu'il se prépare pour demain.
-Ok.
Il part me laissant toute seule mais ne tarde pas à de revenir. Il n'avait pas beaucoup de chose à dire vue que c'était même l'idée de papa.
-Attends, même si tu ne fais rien je me dis que des gens vont venir et que tu ne vas pas les regarder. Tiens... Je le regarde ouvrir son calepin... Voici une de mes cartes, il y a assez d'argent dessus...Il marque une pause... Non, appelle-moi Safi c'est mieux.
Je tourne les talons, merci pour le manque de confiance. Je vais chercher Safi pour lui demander de répondre à Idrissa. Elle était assez curieuse de le rencontrer alors elle ne se fait pas prier.
-Bonsoir... Dit-elle à Idy.
-Chez moi d'habitude on se fait la bise mais depuis que je connais Mariama, j'ai l'impression d'être dans la quatrième dimension. Donc je préfère demander avant de faire quelque chose de déplacer. On se fait la bise ou je te tends la main ?
-La bise... Dit Safi en s'approchant de lui.
Etrangère à la scène, je me contente juste de les regarder faire. Safi est d'une telle aisance. Seigneur serais-je un jour comme elle ?
-Je t'ai appelée pour... Reprend Idy... Demain, de faire des courses s'il y a des choses à acheter.
-Il y aura quoi demain ?
-On va se marier... J'interviens avant qu'Idy n'eut le temps de le faire.
Je regarde Safi qui est juste bouche bée.
-Aussi rapidement...
-Il se trouve que le temps me manque, je n'ai pas trop de choix... Répond Idy à Safi.
Il lui tend la carte avec une petite feuille.
-Je t'ai noté le code secret. Tu pourras aller avec elle faire un retrait en fonction de la somme dont vous pensez avoir besoin. Il y a assez d'argent dedans, je doute que vous puissiez tout épuiser mais dans le cas contraire faites-moi signe, je vous ferais un virement.
-D'accord... Dit Safi en prenant le tout des mains de Laye.
-Je pense que tout est dit. Je peux partir.
-Sauf qu'on a pas ton numéro... Dit Safi moi j'avais même pas fait attention à ça.
-Oui c'est vrai.
Il lui dicte son numéro que Safi enregistre sur son portable.
Moi aussi j'aurais un portable un jour.
Je regarde Idy s'en aller et avec Safi nous retournons à sa chambre.
-Tu vas acheter une robe ?
-Avec quel argent ?
-Dois-je te rappeler qu'il t'a laissé une carte ?
-Il a dit pour les courses.
-Les courses incluent aussi que tu te fasses belle. Des membres de sa famille viendront ici quand ils quitteront la mosquée, tu ne vas pas les accueillir n'importe comment.
-Oui c'est vrai.
-Ça n'a pas besoin d'être une robe de mariée mais juste un truc nouveau. J'ai vu Aziz tailleur accrocher un très beau modèle devant son atelier et en plus c'est ta taille. Je pense que ça doit être un prêt à porter et même si ça appartient à une autre, on connait Aziz, il faut juste lui proposer de l'argent.
-Ça c'est moche.
-L'argent domine le monde ma chérie. Attends ton mariage, tu verras à quel point j'ai raison.
Je lui fais juste un sourire.
-On va voir Aziz ??? Dit-elle en se levant.
-Oui je te suis. C'est toi qui négocie.
-Je te laisserais pas entre les mains de ce truand.
Aziz étant le tailleur du coin, nous ne marchons pas longtemps avant d'atteindre son atelier et Safi avait raison c'est vraiment très joli. C'est une robe basin rose avec des garnitures violettes fait en gros fils. Aziz est sacrément doué faut l'avouer.
-Salut Aziz... Dit Safi... Cette robe nous intéresse. Mariama se marie.
-Félicitation Mariama. Désolé Safi mais je doute que tu aies de quoi acheter ce modèle... Dit-il de manière assez hautain je dois dire. Merci de nous sous-estimer.
-Détrompe-toi Aziz. Son futur mari peut non seulement acheter cette robe mais aussi tout ton atelier et même toi avec.
-N'importe quoi je suis sûr que Mariama va se marier avec un marchand de fruit.
Safi éclate de rire quant à moi je suis très en colère contre Aziz. C'est quoi ça ?
-Tu vas être surpris... Réplique Safi.
-Aziz à ta place je ne parierais pas là-dessus...Intervient Naby un de ses apprentis... Quand tu étais sorti toute à l'heure, j'ai vu Mariama descendre d'une voiture avec un type. Mais je te promets que si c'est lui son futur mari, vu la voiture dans laquelle il est descendu, ce mec n'est pas un marchand de fruit.
-Comment ça ?
-Un 4x4 comme on en voit que dans les films américains. C'est lui Mariama ?
Je hoche la tête fièrement. Moi aussi je peux avoir qu'autre chose qu'un marchand de fruits.
-Si Naby le dit alors on peut parler chiffre.
-N'espère pas nous arnaquer...Grogne Safi.
-Vous êtes mes partenaires, j'oserais jamais.
-Ah c'est maintenant que nous devenons tes partenaires... Dis-je étant très fâchée...Viens Safi on s'en va.
-Mais Mariama quand même. On se connait depuis toujours. Ne te fâche pas, je vais vous faire un bon prix. Ce mariage c'est pour quand ?
-Demain.
-C'est du rapide ça. Ok, puis que tu vas changer de statut tu ne vas pas marchander. Donne-moi XXX et ce sera bon.
-N'importe quoi. Je vais pas payer une somme pareille.
-Et même si elle accepte, moi je refuserais. C'est ça que tu appelles un bon prix ??? Se plaint Safi.
-Vous avez bien vu qu'on parle d'un basin de qualité et de plus je l'ai rempli de gros fils. C'est parce qu'on est amis que je vous ai fait ce prix-là.
-Safi on s'en va... Dis-je en tirant Safi.
-Attendez...Dit Aziz... Je peux diminuer.
-D'accord à combien ??? Demande Safi.
Aziz redonne un prix. C'est toujours aussi inadmissible. Safi me chuchote à l'oreille.
-C'est vrai que c'est cher mais quand même ce n'est pas non plus comme si tu n'avais pas de quoi l'acheter.
-Safi ce n'est pas une raison pour faire du gaspillage.
-C'est ton mariage. Fais-toi plaisir.
Je ne dis rien et Safi enchaîne.
-On la prend.
-Je savais que vous ne me laisserez pas tomber. Vous êtes des nobles.
-C'est ça oui...
-Mariama doit quand même l'essayer... Dit Safi.
-Viens... Dit Aziz en se levant de sa chaise derrière sa machine à coudre. Je le regarde enlever la robe du mannequin avant de me demander de le suivre. Il m'amène dans sa chambre où je trouve son épouse Mami que je salue. Ils s'éclipsent tous les deux afin de me laisser mon intimité.
J'essaie et une fois de plus le fait que je sois maigrichonne a eu raison de moi. Il faudra retailler la robe.
Je sors voir Aziz qui est du même avis mais et d'accord pour le faire cette nuit. Je retourne dans la chambre pour me changer avant de revenir à l'atelier.
-Quand aurais-je mon argent ??? Demande-t-il.
Je vois Safi lui brandir la carte bancaire sous ses yeux.
-Tu reconnais une carte bancaire non ? On va à la banque faire un retrait et quand la robe sera prête, t'auras ton argent.
-Vous êtes devenues des « khalé carte gab »
Là c'est moi qui éclate de rire. C'est expression ne me laisse jamais indifférente.
-On rentre. Aziz tâche de ne pas nous faire faux bond...Menace Safi.
-Quand il y a de l'argent en jeu, je n'oserais pas.
Nous sortons de l'atelier et Safi me dit que mieux vaut qu'on aille directement à la banque avant qu'il ne fasse encore plus nuit. Je la suis et on fait comme prévu. Elle a quand même retiré une coquette somme et je m'en suis plainte. C'est vrai qu'elle abuse.
-Quoi? Si l'argent sur la carte est fini, ton futur époux a dit qu'il nous fera un virement. Dagua soff nak torop.
-Safi, y a des choses mome c'est du gaspillage.
-Ton homme a de quoi nous permettre du gaspillage.
Elle a arrêté un taxi car elle a dit qu'elle ne va aucunement prendre les transports en communs avec autant d'argent. Elle a raison, c'est plus sage. Mais elle m'a amenée au marché pour acheter une pochette et des chaussures, quant à moi je craignais pendant tout le temps qu'on vole son sac. Heureusement tout s'est bien passé.
Une fois à la maison, maman me fait savoir que papa lui a prêté son portable et qu'elle a appelé quelques tantes qui viendront demain. Moi qui pensais ne rien faire, Laye avait raison de nous laisser de l'argent. La maman de Safi est venue parler avec ma mère et dit qu'elle s'occupera de tout. Ah elle, elle est vraiment ma deuxième maman. Que deviendrais-je sans elle ?
Elle m'a demandée à propos de la dote et tout. Je lui ai dit que Laye avait prévu de le faire mais vu que tout s'est précipité, il a dû changer ses plans. Safi soutient que l'argent dans la carte représente la dote que je devais dépenser au lieu d'être radine.
******
Je me marie aujourd'hui à ce qu'il parait. Mes tantes sont arrivées accompagnées de quelques cousines. A croire que personne n'a quelque chose à faire dans ce monde. Il faut avoir des journées vides pour faire un déplacement aussi vite et aussi inattendu. A ce moment je regrette de ne pas avoir 2 tenues. Safi m'a dit d'aller chercher Aziz à nouveau pour voir s'il avait pas quelque chose que je pourrais mettre le matin. J'ai refusé disant que je pouvais mettre mes vieux trucs.
Safi m'a obligée d'aller au salon l'après-midi, elle dit que c'est une chose de ne pas faire de fête mais c'en est une autre d'avoir une tête d'enterrement son jour de mariage.
Comme d'habitude dans un salon, les commérages vont bon train. Les femmes toujours à se mêler de ce qui ne les regarde pas.
J'ai opté pour une coiffure très simple si je peux appeler ça coiffure. Juste un rajout car j'ai quand des cheveux assez longs. Juste pour dire que ça n'a vraiment rien à voir avec les tours que se mettent les femmes sénégalaises quand elles se marient. Elle a coiffé le greffage en raie de côté faisant quelques fantaisies. Maquillage aussi assez simple, elle a regardé la robe avant de me maquiller. J'avoue que le résultat est satisfaisant.
Safi a appelé un taxi pour ce qui est 15 mn de marche mais je ne me plains pas car quand même je n'ai jamais été à l'aise avec les hauts talons, j'en mets jamais.
Une fois arrivée, l'accueil a été chaleureux. On a chanté les louanges de ma mère qui a fait l'effort de se lever. La voir en pleurs me laisse sur la même action, coulant ainsi mon maquillage. J'essaie de me ressaisir et nous entrons dans la chambre. Il est 17h et le mariage doit bientôt être célébré. Ma belle-mère (la deuxième femme de mon père) me demande de m'installer sur le lit jusqu'à ce que les hommes reviennent de la mosquée. Ça doit être de bon augure, je suppose.
Mon frère Souleymane de retour me fait savoir que le mariage a été célébré et la maman de Safi vient me voir me disant que ma belle-famille a été accueillie dans son salon, vu que mon père n'en a pas. Elle me demande de sortir pour les saluer.
Une fois dans le salon, je remercie Safi intérieurement, comment aurai-je pu être quelconque dans un jour si spécial ? Ils sont tous sur leurs 31. Contente d'être pas trop mal, je les salue un à un et beaucoup me souhaitent la bienvenue dans la famille.
C'est officiel maintenant je suis madame Mar. J'ai pas entendu mon mari de la journée. Que faisait-il ? Aucune idée.
Il est presque nuit tous les invités sont presque rentrés. Beaucoup de gens du quartier sont passés, les nouvelles passent vite. C'est sûr que plusieurs sont venus par simple curiosité. Des copines sont aussi venues, ça m'a fait plaisir de les voir. Malheureusement Rama n'a pas pu faire le déplacement. Je pense que ma belle-mère a dû le lui interdire.
Ça fait plus d'une heure que je n'ai pas vu Safi mais où est-elle ?
Alors que je suis dans la chambre de Safi en train de me demander où se cache-t-elle, Souley vient me voir.
-Ton mari est venu chercher sa femme....Dit-il et automatiquement mon cœur fait un raté.
-Il est venu aussi vite. Mais Safi je dois lui parler avant de partir.
-J'ai vu Safi entrer dans la chambre de sa mère.
-D'accord je vais la voir.
Je sors en direction de la chambre de ma deuxième maman. Je vois Safi qui tient une valisette.
-Je savais que si je te laisse faire, tu allais te montrer en face de cet homme les mains vides. Tiens j'ai pensé à te mettre le nécessaire... Dit-elle en me tendant la valisette.
-Merci beaucoup.
-Maintenant file, tu vas pas le faire attendre plus longtemps.
Je sors de la chambre avec ce que Safi m'a donné et avec ma tenue de cérémonie sans m'être changée.
Durant toute la journée, j'y ai pensé. Ce soir sera mon grand soir. Maman j'ai peur.
Je le rejoins dans la chambre de mes parents. A ma vue il s'est automatiquement levé et a pris la valisette de mes mains. Après des au revoir, nous quittons ensemble la maison.
Dans la voiture je ne pipe mot, bien trop stressée à cause de ce qui va se passer ce soir et surtout du fait que je ne lui ai pas parlé de mon excision. Comment réagira-t-il ? Je serais surprise s'il le fait bien.
J'en ai parlé avec une de mes cousines mariées avant d'aller au salon avec Safi mais je l'ai automatiquement regretté. Elle m'a dit que ça faisait extrêmement mal et qu'elle me souhaitait que je ne sois pas serrée car plus je le serais et plus ce sera douloureux. Que pour certaines filles, il fallait appeler l'exciseuse pour une incision. Comme si on avait pas autant souffert étant petite, il falloir en remettre une couche. J'ai vraiment très peur.
Je me souviens de la conversation que j'ai partagé avec ma mère et mes tantes dans la chambre après que les membres de ma belle-famille soient partis. La seule chose que je retiens de cette conversation est celle qui revenait incessamment. Une fois à la maison, il fallait que je sois stoïque.
Souffrirai-je ?
Je l'espère pas mais vu comment mes aînées ont parlé, il y a de quoi penser que le mariage n'est fait que de malheurs, de désillusions et de déceptions.
-Déstresse, tu sais au moins que je ne vais pas te manger ??? Rigole celui qui est devenu mon mari depuis peu.
Je lui fais un sourire en guise de réponse avant de replonger dans mes pensées de plus belle.
Les lampadaires m'interpellent quand je le vois prendre un chemin inhabituel.
-On ne va pas chez toi?
-Chez nous et non, je vais pas passer ma nuit de noce sachant que ma mère est sous le même toit et écoute.
Ça m'a quand même fait rire. Sa mère douterait-elle de ma virginité ?
-A-t-elle des doutes sur tu sais quoi ?
-Je ne sais pas. Quoi qu'il en soit ta virginité me regarde et je n'ai de compte à rendre à personne.
-Où va-t-on ?
-Dans un hôtel.
-D'accord... Dis-je avant de reposer ma tête sur le verre de la porte.
*****
Vu qu'il gare sa voiture, j'en déduis que nous sommes arrivés
Il sort et je sors à mon tour. Nous rejoignons ensemble le dit hôtel. Il se sépare de moi pour aller parler à quelqu'un avant de revenir vers moi et m'amener vers une chambre me disant qu'on ne les appelle pas chambre mais suite. Très grand et très beau c'est tout ce que j'ai à dire sur le lieu où nous nous trouvons.
-Tu peux prendre une douche. Il y a des serviettes propres... Me dit-il en m'indiquant la salle de bains du doigt.
Je la rejoins avec ma valisette sachant toujours pas ce qu'il y a dedans.
Je pris une douche et c'est dans la salle de bain que je fouille la valise pour voir quelque chose à mettre.
Oh mon Dieu...Rappelez-moi de tuer Safi. Elle n'a mis que des choses qui ressemblent à des slips mais qui n'en sont pas vu qu'ils sont juste faits de fils. Et des choses qui ressemblent à des bodys mais qui sont juste transparents et n'ont pas beaucoup de tissus.
Que vais-je mettre ?
Je ne peux pas mettre ça devant Laye. Que vais-je faire ?
Je ne peux pas porter la robe en basin.
Je me résigne à mettre quelque chose de ce que Safi a mis mais je veille à entourer mon corps avec la serviette. Jamais je ne pourrais me montrer devant lui vêtue ainsi.
Je sors de la salle de bain et je le vois coucher sur le lit avec seulement un short qui ne laisse pas beaucoup de place à l'imagination. A ma vue il se lève, vient jusqu'à moi et me tire sur le lit en me chuchotant à l'oreille « tay la tay » (C'est le grand soir)
Seigneur, ayez pitié....