Je rentre à la maison éreintée, Ruphus me saute immédiatement dessus.
- Coucou toi ! Comment tu vas ? Je t'ai manqué ?
J'entends des bruits dans la cuisine, c'est sûrement Lindsey, ma cousine et moi vivons ensemble, elle possède son propre service traiteur et elle est souvent sollicitée dans de grands événements, il faut dire qu'elle cuisine vachement bien. La maison dans laquelle nous vivons, nous a été léguée par notre grand-mère, au décès de ses parents, elle a vendu leur maison et est venue s'installer ici avec moi et c'est avec l'argent de la vente qu'elle a lancé son entreprise.
- Ça sent super bon dis-je en entrant dans la cuisine. Qu'est-ce que c'est ?
- Un risotto.
- Tu finiras par me tuer un de ces jours avec tes bons petits plats.
- Mais où est passé ton beau tailleur ? Dit-elle en me regardant d'un air circonspect.
- J'ai été trempée jusqu'aux os, je l'ai enlevé
au bureau.
- Oh mon Dieu ! Et tes magnifiques escarpins ?
- Je les ai envoyés au pressing, j'espère qu'on pourra les récupérer. Bon je vais prendre une douche.
Je monte dans ma chambre et j'actionne le robinet de la baignoire. Une fois celle-ci pleine, je mets mes sels de bains moussants à la framboise et j'entre ensuite dans celle-ci. La mousse me recouvre tout le corps, je prends mes écouteurs que j'enfile et je mets de la musique. Je reste allongée là jusqu'à ce que mes souvenirs remontent à la surface, lui et moi, cette nuit, dans cette chambre d'hôtel luxueuse, pour la première fois de ma vie je me suis laissée aller, j'ai franchi les limites que moi-même je m'étais fixée. J'ai couché avec un partenaire, chose que je ne fais jamais. Mais comment aurais-je pu résister à toute cette attraction qui me poussait irrémédiablement vers lui ?
Lorsque je l'ai vu, j'ai tout de suite voulu qu'il me fasse sienne, mais je me suis retenue jusqu'à la fin du travail que j'avais à faire et là, de lui même, il est venu et m'a murmuré à l'oreille.
- Je me demande quelle teinte prendrait ton visage après une nuit d'amour avec moi.
Bien évidemment je l'ai repoussé, mais le corps est faible. J'ai fini par céder, l'une des plus belles nuits de toute ma vie. Et aujourd'hui deux ans plus tard, je la chérie encore comme le bien le plus précieux que j'ai.
À chaque fois que je ferme les yeux, je le revois lui. Sa langue sur ma peau, j'entends encore sa voix rauque à mes oreilles lorsqu'il gémit, je connais encore tous les petits noms avec lesquels il m'appelait quand il était en moi. J'ai encore toute cette nuit en mémoire. Et ce dont je me souviens parfaitement, c'est de que j'ai ressenti toutes ces sensations grisantes qui m'ont rendues toute chose entre ses bras. Comment les oublier ?
La preuve, en deux ans, je ne me suis pas trouvé quelqu'un avec qui être et qui partagera ne serait-ce qu'une nuit, comme si je voulais garder en moi le souvenir de son corps sur le mien. Je me caresse les lèvres une minute, puis je décide de sortir du bain. Pour ne plus avoir à penser à lui, à cette nuit. J'enfile un long t-shirt, celui qui m'accompagne depuis toujours pour dormir et je descends.
- Tu en as mis du temps, j'avais déjà peur que tu ne te sois noyée dans la baignoire.
- Ah ah ! Très drôle vraiment.
Elle me sert un verre de vin et je lui en suis gré.
- Merci dis-je en levant le verre, j'en avais énormément besoin.
- Pourquoi ? Tu as passé une sale journée ? Remarque, depuis que tu es rentrée, je te trouve bizarre.
Je pousse un soupir et pose le verre de vin sur la table. Lindsey me connaît beaucoup trop bien. C'est énervant et bien à la fois, j'avale une bouchée de ce délicieux risotto qui me transporte directement en orient avec toutes ces épices.
- Putain ce que c'est bon !
- Tout le secret réside dans la cuisson du riz. Alors qu'est-ce qui t'arrive ?
- Tu te souviens de l'interview que j'ai eu à faire il y'a de cela deux ans ?
- Avec l'homme d'affaires mystère ?
- Kenneth Aura.
- Oui, et je me souviens aussi ça été l'une de vos meilleures ventes jusqu'à cette année et dit-elle en levant sa fourchette comme si c'était une épée, je me souviens aussi très bien de la nuit torride que tu as passé avec lui.
Oui, je le confirme elle se souvient vraiment de tout, je rougis jusqu'aux oreilles et je baisse la tête pour qu'elle ne le remarque pas.
- Et à en croire la couleur que prennent tes joues, toi aussi tu y repenses encore, à cette fameuse nuit.
- N'importe quoi mentis je.
- Ah ouais ? Et c'est peut-être pour cette raison que je ne t'ai pas vu sortir avec un mec depuis des mois ? C'est vrai que tu as toujours été solitaire mais au moins avant tu allais au cinéma avec des garçons même s'il ne se passait rien.
Nouveau soupir de frustration.
- Bon admettons que ce soit vrai, de toute façon ça fait deux ans que les faits se sont écoulés, il m'a déjà sûrement déjà oublié.
- C'est fou la confiance que tu peux avoir en toi.
- Mais je dis juste la vérité Lindsey, c'est un homme puissant, un homme à femme qui ne perdrait sûrement pas son temps avec moi, il m'a déjà accordé une nuit et je suis certaine que le lendemain, il est passé à autre chose.
- Admettons, mais pourquoi tu me parles de lui actuellement ?
- Walter lui a organisé une nouvelle interview avec le magazine et m'a demandé de m'en occuper.
- Pourquoi spécialement toi ?
- C'est la condition qu'a fixé Kenneth.
- Tu vois ? Hurle-t-elle, il ne t'a pas oublié.
- Ou peut-être, il aime juste le travail que j'ai fait.
- Ce qui veut dire qu'il ne t'a pas oublié.
- Tu dis n'importe quoi !
- Où se passera l'interview ?
- Je ne sais pas, je n'ai pas demandé plus de détails, la dernière fois ça s'est passé ici, je présume que ce sera la même chose.
Lindsey ferme les yeux un instant et semble réfléchir, puis elle sourit.
- Imagine un instant, il te voit puis il te sourit, te prend dans ses bras et te dit qu'il ne t'a jamais oublié.
- Bien sûr !
Je préfère garder la tête froide et surtout ne pas me bercer d'illusions. Kenneth Aura n'est pas le genre d'hommes à se souvenir d'une même femme pendant plus de deux ans. Non, c'est impossible, je suis certaine qu'il m'a oublié, et je ne sais pas pourquoi, mais à cette idée, mon cœur se serre.
- Tu as des nouvelles de tes parents ?
Ma main se crispe sur ma fourchette et je lève les yeux sur elle.
- Non.
Ma réponse n'incite pas vraiment à s'étendre sur le sujet, et Lindsey le comprend et elle n'insiste pas.
Le lendemain matin, la première chose que je fais est d'aller dans le bureau de Walter pour qu'il m'en dise un peu plus sur cette interview.
- Bonjour Liv.
- Bonjour Walter, alors dis-moi comment ça va se passer ? Vous lui avez déjà loué une suite ?
- Non, ce que j'ai oublié de te dire c'est que c'est toi qui va devoir aller à sa rencontre.
- Comment ça ? Je ne comprends pas.
- Étant donné que monsieur Aura va se livrer à cœur ouvert à nos questions, j'ai trouvé bon qu'il le fasse dans un environnement qui lui est familier, un endroit où il se sent à l'aise.
- D'accord, mais jusque-là je ne comprends toujours pas.
- J'ai trouvé ça judicieux que tu t'installe chez lui, le temps que dure l'interview.
Je regarde mon patron et je reste sans voix, la plupart du temps, c'est moi qui laisse les gens ainsi sans voix, mais là.
- Comment m'installer chez lui ?
- Dans son appartement à New-York, il se fera un plaisir de te recevoir.
- Mais moi, je ne veux pas.
Walter semble agacé et me regarde de manière étrange.
- Tu as pourtant très bien collaboré avec lui la fois dernière, qu'est-ce qui se passe Liv ?
Comment lui dire ? Est-ce que je devrais lui dire que j'ai couché avec lui ? Et que maintenant je redoute plus que tout qu'il y'ait à nouveau de la promiscuité entre nous deux ! De toute façon, il ne comprendra pas.
- Rien fini-je par répondre, on a collaboré mais ça n'a pas été aussi facile que tu sembles le penser. C' est disons compliqué.
Et c'est en partie vrai, Kenneth Aura a quelque chose de sombre en lui, quelque chose qui le rend terrifiant et et terriblement sexy à la fois, et c'est d'ailleurs cette chose qui m'a fait céder, parce que comme le dirait Lindsey je craque toujours pour les mauvais garçons. C'est pas de ma faute, c'est comme ça, qu'est-ce que j'y peux ?
- Alors tu es d'accord ?
- Bien sûr Walter dis je en souriant.
- Merci, tu es l'un de mes meilleurs éléments et la réussite de ce magazine on te la dois en grande partie.
Je secoue la tête et je ne dis rien. Il y'a de cela quatre ans, je suis arrivée dans ce magazine, il m'a offert une nouvelle famille et je me suis développée professionnellement parlant comme jamais de ma vie je n'aurais pensé le faire, avec Walter, j'avais comme l'impression d'avoir un père, c'est peut-être pour cette raison que hé ne lui refuse rien. Merci à toi d'avoir donné une chance à cette fille paumée qui venait de la Caroline du Nord. Et je ne l'ai jamais regretté. Je lui souris et je me lève, je le ferai pour lui, je lui dois au moins ça.