Chapitre 4 Te protéger

Le lendemain matin vers 9h, lorsque Éliane et Alvine se réveillèrent, elles constatèrent les dégâts. Jusqu'à son réveil, l'adolescente était persuadée qu'elle avait rêvé. Qu'au petit matin, elle trouverait sa soeur entrain de faire le petit-déjeuner comme à leur habitude.

La réalité la rattrapa et la frappa de plein fouet au visage. Elles avaient dormi dans la chambre d'Ellie car la bête avait saccagé celle d'Alvine hier.

Elles descendirent au rez-de-chaussée, le parquet était jonché de brisures de verre, de morceaux de bois et on voyait des traces de sang un peu partout. À la cuisine, les assiettes et les verres étaient fendillés, d'autres complètement cassés. La vue de tout cela fit partir l'appétit.

Elles arrivèrent ensuite au salon, Ellie récupéra son téléphone qui avait survécu aux assauts de la nuit précédente et Alvine s'assit sur l'un des fauteuils qui avait échappé aux coups de griffes de la bête. La jeune femme prit son visage entre ses mains et soupira d'exaspération. Elle était à bout de nerfs. les fenêtres avaient volées en éclats, la porte n'était plus en place, laissant l'entrée béatement ouverte. Tout ce qu'elle voyait c'était les factures lors de la réparation.

- Alvine, que va t'on faire maintenant ?

Elle regarda sa petite sœur. Elle était debout à coté de la télévision, serrant son téléphone contre sa poitrine. Son visage avait encore les traces de larmes de la nuit dernière et des cernes s'étaient formées. Éliane n'avait pas fermé l'oeil, elle s'agitait dans son sommeil et criait comme si elle était poursuivie dans ses songes.

Alvine ferma les yeux un moment ne sachant quoi répondre. Elle tapota la place à ses côtés pour inviter sa soeur à s'asseoir et elle s'exécuta.

- Je ne sais pas... mais la priorité actuelle c'est de trouver où dormir et être en sécurité, le temps que la maison soit en réparation.

Ellie ne répondit pas, elle était plongée dans ses pensées. Elle posa sa tête sur l'épaule d'Alvine et une larme roula sur sa joue. Sa tête cognait tellement fort mais elle essayait d'ignorer la douleur et de se concentrer sur la suite des événements. Elle a failli être tuée et cette pensée la faisait tressaillir.

- Je l'ai appelé, il n'est pas venu...

- De qui tu parles ?

- De Jude.

À l'entente de ce nom, sa grande sœur grimaça de dégoût.

- En plus tu lui as donné un nom, pourquoi tu continues de le fréquenter ?

- Je l'ai appelé hier soir mais il n'est pas venu, continue Ellie en ignorant sa grande sœur. J'ai failli mourir et il n'a pas daigné m'aider. Pourquoi ?

Cette fois-ci, Ellie avait relevé sa tête pour faire face à sa sœur. L'adolescente paraissait tellement vulnérable en ce moment, elle était encore secouée des événements de la nuit dernière. Alvine n'ajouta rien, évitant les yeux insistants de sa petite sœur.

- Tu as fait quelque chose n'est-ce pas ?

- L'encens...

Éliane écarquille les yeux, stupéfaite et reste coi devant la répartie de la jeune femme brune.

- Je l'ai fait pour qu'il n'entre plus lorsque je ne suis pas ici... Je dois te protéger !

- Alvine !

- Quoi ? Regarde les marques sur tes bras, elles s'étendent !

- On s'en tape des marques ! J'ai failli mourir hier soir ! Si tu étais venue une minute en retard, j'allais creuver ! Par Apollon, tu allais trouver mon cadavre déchiqueté !

Ellie a raison, si elle avait encore traîné ne serait-ce qu'une seule minute de plus, sa petite sœur n'allait plus être de ce monde. Cette pensée la fit frissonner d'horreur. Si sa sœur mourait, elle allait être dévastée et son honneur de guerrière d'Artémis allait en prendre un bon coup.

Il eût un blanc où aucune d'elles n'osaient affronter le regard de l'autre. Ce fût les pas d'Ellie qui brisa le silence, elle monta les escaliers et alla s'enfermer dans la douche. Alvine entendit l'eau ruisseller pendant un temps et Ellie sortit pour se diriger dans sa chambre. Quelques minutes passèrent et Éliane descendit à nouveau, changée et prête pour aller au lycée.

- Vraiment ? Questionna Alvine en haussant les sourcils.

- Nous sommes vendredi aujourd'hui et à ce que je sache, ce n'est pas férié. Et c'est toujours mieux que de rester ici et attendre qu'un autre je-ne-sais-quoi essaie de m'assassiner.

- Tu as de l'argent au moins ?

- Oui j'en ai. Bon à plus tard.

- Fais attention et surtout appelle moi si tu as besoin de quelque chose !

Ellie opina du chef et tourna le dos pour sortir.

Éliane n'avait pas cours, ils ont été annulés. Elle a menti à sa sœur. Elle ne voulait juste pas rester à la maison, la pensée d'y passer une minute de plus lui donnait de l'angoisse. Les souvenirs des coups de la bête sur la porte de la chambre étaient encore trop frais dans la mémoire de la jeune fille. Elle voulait prendre de l'air et oublier un peu.

Ses pas la menèrent jusqu'au parc de son quartier. Des familles jouaient ensemble. Les enfants couraient, sautaient et criaient de joie. Le soleil venait à peine de se lever, les rayons matinaux faisaient du bien sur le visage triste d'Ellie.

Malgré sa grise mine, elle attirait tout de même le regard des passants. Elle recevait des compliments, que ce soit de la gente masculine ou féminine. Elle baisse le visage un peu plus pour que ses cheveux noirs et sa frange cachent son visage. Elle remarque quelques bancs publics à l'écart, à côté de rosiers rouges en floraison et part prendre place.

- Je ne pouvais pas entrer hier soir.

- Je sais.

Jude, sortit de nulle part comme à son habitude, s'assit à son tour aux côtés de l'adolescente.

- De toute façon, tu n'allais pas mourir hier soir.

- Tu n'étais pas à ma place hier soir. J'avais peur, je tremblais et j'ai eu une crise d'angoisse. Tu ne peux pas comprendre.

Elle fusillait le jeune homme de ses yeux gris face à son insensibilité. Que pouvait-elle attendre de la mort elle-même ? Un ballon roula jusqu'aux pieds d'Ellie et elle le ramassa. Un petit garçon, elle lui donnait 5 ans environ, s'approcha d'elle. Elle lui sourit et tendit son ballon.

- Merci mademoiselle, dit-il avec une dent en moins. Vous êtes très jolie.

Le compliment venant du petit garçon la fit sourire davantage. Il était trop mignon. Elle caressa ses cheveux et les joues du garçon rougirent.

- Et vous monsieur, il s'adressait à Jude à présent, vous me faites peur.

Les paroles de l'enfant arracha un rictus de la part du garçon brun au teint pâle. Éliane demanda au garçon de rejoindre sa mère et il partit en faisant rebondir la balle à nouveau.

- Jude, je t'en prie, il est trop petit...

Il me fait signe de me taire en posant un doigt sur ses lèvres et pointa devant nous. Le petit garçon jouait toujours avec sa balle et celle-ci roula jusqu'au bitume. La mère de l'enfant était distraite, trop occupée à montrer son nouveau sac de marque à ses comparses. Voulant récupérer son jouet à tout prix, il s'aventura en route et une voiture fonça sur lui. Son petit corps fit un vol plané dans les airs avant d'atterrir sur le goudron dans un fracas d'os. Son crâne s'était ouvert et du sang commençait à envahir le sol. Les cris des mères à côté alertèrent celle du petit garçon mort et elle accourut vers son fils, pleurant et secouant le corps de son enfant sans vie. Le conducteur qui a causé l'accident, s'était enfui après l'impact. Les gens s'étaient attroupés autour pour voir et d'autres appelaient une ambulance.

- Ce n'est pas moi qui fait les règles, dit-il dans un haussement d'épaules et se lève. Je dois faire mon travail, ça sera difficile vu que j'effraie le gosse apparemment.

Et il se dirige vers le lieu de l'accident.

- Sois gentil avec lui surtout !

Il fait un signe de main à Éliane montrant qu'il a compris sans se retourner. Elle se lèva à son tour et s'en alla, ayant assez vu. Son ventre se mit à grommeler et elle décide d'aller dans une cafétéria.

Elle commande une salade de légumes et un frappuccino. Son téléphone vibra dans la poche de son pull et elle le sort pour constater qu'elle a reçu un message d'Alvine:

«J'ai demandé à Robin de t'héberger pour deux nuits, ça te va ?»

Je sirote ma boisson lorsque je reçois un deuxième:

«Et je sais que tu n'as pas eu cours aujourd'hui. »

Je souris et envoie un emoji qui tire la langue.

            
            

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