Nerò
img img Nerò img Chapitre 3 Team Boulet
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Chapitre 6 Nerò img
Chapitre 7 Patience Patience img
Chapitre 8 Putain mais quelle soirée ! img
Chapitre 9 Rivalité img
Chapitre 10 Etincelles img
Chapitre 11 Conséquences img
Chapitre 12 Révélations img
Chapitre 13 Blow img
Chapitre 14 Quelle vie ! img
Chapitre 15 Speak img
Chapitre 16 Claro ! img
Chapitre 17 Weed img
Chapitre 18 Contre-temps img
Chapitre 19 Patatrac img
Chapitre 20 Aveuglés img
Chapitre 21 Règlements de compte img
Chapitre 22 Réalisation img
Chapitre 23 Vegas, babe img
Chapitre 24 I wanna be down img
Chapitre 25 Fume, ça va passer img
Chapitre 26 Bombe img
Chapitre 27 Conséquences, le retour img
Chapitre 28 Let's get the party started img
Chapitre 29 Rencontres img
Chapitre 30 Trust me img
Chapitre 31 Vacillants img
Chapitre 32 Et action ! img
Chapitre 33 Priorités img
Chapitre 34 Mesures img
Chapitre 35 Abuelita img
Chapitre 36 Menaces img
Chapitre 37 Blowing up ! img
Chapitre 38 Elle est où img
Chapitre 39 A terre img
Chapitre 40 Désespoirs img
Chapitre 41 Surtout ne dis rien ! img
Chapitre 42 Amèn img
Chapitre 43 Londres img
Chapitre 44 Être un homme img
Chapitre 45 Pris au piège img
Chapitre 46 Boum Badaboum img
Chapitre 47 Promesse img
Chapitre 48 Trade your broken wings for mine img
Chapitre 49 To be continued img
Chapitre 50 Remerciements img
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Chapitre 3 Team Boulet

Abigail

Leïla est déjà à son poste lorsque je passe les portes vitrées de l'immense building de Parker Conglomerate. Je vérifie l'heure, inquiète d'être en retard, mais il est à peine huit heures trente. Cette grande folle est encore en avance.

- Salut belle gosse !

- Hey chaton ! J'ai réservé notre table pour midi.

- T'es au top.

- Je sais.

Nous ricanons comme deux bouffonnes. C'est fou ce que nous nous entendons bien alors que nous nous côtoyons depuis peu.

- Sinon tu t'es remise de ta rencontre ?

- Hein ?

- Bah hier soir ! Ton beau gosse !

- Aaaaah ! Pardon j'y étais plus !

- Il ne devait pas être si canon que ça, alors, dit-elle en secouant la tête, dépitée.

- Oh si pourtant !

Alors que nous gloussons de nouveau, j'aperçois mademoiselle Miller qui sort d'une salle de réunion.

- On en parle à midi ? J'voudrais pas que la vipère m'harponne, ajouté-je en désignant la connasse aux faux seins d'un geste du menton.

- Ça marche, j'ai des trucs croustillants à te raconter.

Son air coquin pique ma curiosité mais je ne la questionne pas plus. La bitch m'a repérée.

- À toute ! m'empressé-je d'ajouter avant de me précipiter vers les ascenseurs. T'as intérêt à tout me raconter !

Elle m'adresse un geste de la main au moment où je m'engouffre dans la cabine. Je m'appuie contre la paroi et soupire de soulagement en regardant les chiffres des étages défiler.

Cassy 0 - Abi 1

Je ne sais pas quel est son problème avec moi, mais une chose est sûre, elle ne peut pas me saquer et le sentiment est réciproque. Heureusement que j'ai rencontré Leïla d'abord sinon je n'aurai jamais postulé ici. Elle m'a aidé à prendre mes marques dès le premier jour. C'est mon rayon de soleil, je ne sais pas comment je m'en serais sortie sans elle. Je suis reconnaissante de l'avoir rencontrée et que nous soyons devenues amies. C'est une chouette nana, toujours pleine d'entrain et de bonne humeur.

Arrivée au 42ème étage, je passe par la salle de pause pour prendre deux cafés. J'en connais un qui sera ravi mais je n'ai pas le temps d'arriver à mon poste que mon manager m'interpelle.

- Abigail, bien le bonjour !

Je me fige avant de me retourner, un sourire hypocrite collé sur la face.

- Monsieur Sinclair, bonjour.

- Tu es tombée du lit ?

Apparemment, le vouvoiement est en option aujourd'hui.

- On peut dire ça comme ça.

Il baisse les yeux sur les cafés.

- C'est sympa d'avoir pensé à moi, déclare-t-il en s'emparant d'un gobelet. Mais ne crois pas que je vais te donner une augmentation si facilement, hein ?

Décontenancée par son attitude frivole, je bégaye quelques mots en espérant que les mots sortent dans le bon ordre.

- Euh ... je ... non ... vous ...

- Tu peux me tutoyer maintenant que tu fais officiellement partie de l'équipe, ajoute-t-il en posant une main sur mon épaule d'un sourire aguicheur. J'aime à penser que nous sommes une grande famille.

Ne sachant plus où me mettre, je me contente de hocher la tête bêtement.

- Sur une note plus sérieuse, j'ai déposé un dossier sur ton bureau. J'ai besoin de Miguel et toi, il doit être bouclé avant ce soir. Je sais, le délai est bref mais j'ai une totale confiance en vous deux, rajoute-t-il en resserrant sa prise.

- Je m'en occupe immédiatement, Monsieur Sinclair.

- Gavin.

J'acquiesce, partagée entre agacement et honte. Il finit par me relâcher pour regarder l'heure sur sa luxueuse montre. Hallelujah. J'ai bien cru qu'il allait m'harponner jusqu'à mon bureau.

- Je dois y aller, j'ai réunion avec Mike. Je compte sur vous.

Il ponctue sa phrase d'un clin d'oeil avant de partir pour son meeting. Encore ahurie par son manque de civilités, je rejoins mon poste de travail d'un pas télécommandé. Ce type est vraiment ... spécial. Il n'est pas méchant mais il se prend pour un Don Juan et j'ai l'air de lui avoir tapé dans l'oeil. Pas de chance pour lui, c'est vraiment pas mon style. Les blonds aux yeux marrons, merci mais non merci. Je suis plutôt dans les basanés, les peaux mattes et toutes les saveurs que peut nous offrir l'Amérique latine. Miguel décide de faire son arrivée, illustrant parfaitement mon point.

- Salut beau gosse, l'accueillé-je alors qu'il balance ses affaires de moto sur son bureau de sa délicatesse habituelle.

- Hey bichette ...

- Oulala, t'as la tête dans le cul, toi !

Il contourne le cubicule pour déposer un baiser sur mon front, la marque de l'oreiller encore incrustée sur la joue.

- Tiens, dis-je en lui offrant mon café. T'en as plus besoin que moi, mon chou.

- Merci, t'es un ange.

Il récupère le gobelet fumant et s'affale sur son siège.

- Gavin nous a filé un sacré dossier. On a jusqu'à ce soir pour le clôturer.

- Joder ... grommelle-t-il en s'emparant des documents que je lui tends. Il casse les couilles ... (Putain)

- Moooh, pauv' petit biquet !

Sa tronche de cake illumine mes journées, j'adore ce mec. C'est comme le grand frère que je n'ai jamais eu. Il est drôle, sympa, bienveillant et loyal. Même si nous passons notre temps à nous traquer, nous formons un excellent binôme. Ce n'est pas pour rien que monsieur Sinclair nous refile toujours les dossiers les plus compliqués.

La matinée défile plus vite que je ne l'aurai imaginé. Il est déjà dix heures quarante-cinq lorsque Miguel revient de la salle de pause, deux cafés en main.

- Oh merci, c'est pas de refus !

- Avec plaisir, bichette, dit-il en s'appuyant contre le rebord de mon bureau. On mange ensemble à midi ?

- Désolée mais j'ai rencard avec Leïla.

- Et avec moi ? C'est quand le rencard ?

- Dans tes rêves les plus fous.

- Tu ne sais pas ce que tu rates ma chère, abdique-t-il en retournant à son poste. Tu serais agréablement surprise.

J'arque un sourcil circonspect.

Mais genre.

- Une fois qu'elles y goutent, elles en redemandent toutes.

Sans aucun respect, je lui ris au nez alors qu'il se renfrogne.

- J'suis désolée Miguel mais je te revois encore twerker sur le podium.

La tête qu'il tire est magistrale, j'ai de plus en plus de mal à contenir mon fou-rire.

- Ta crédibilité est morte samedi soir.

- Mouais, un jour, je t'aurai, tu verras.

- Crois-le.

- L'espoir fait vivre.

- Mais l'attente fait mourir mon chou.

- J'suis resilient comme garçon.

- Tu me fatigues ... soupiré-je en roulant des yeux. On s'y remet ? Sinon jamais on termine.

- Oui Maîtresse.

Quelle calamité.

J'aime travailler avec lui. Il est toujours de bonne humeur, avec le sourire et même si la majorité de ses blagues sont pourries, je suis reconnaissante de l'avoir comme ami et collègue.

L'heure de la pause déjeuner arrive rapidement, je m'étire sur mon siège en soufflant.

- Aaaaah, si on continue comme ça, on ne devrait pas finir trop tard !

- Tu comptes ramener ton boule à l'entrainement ce soir ?

- Il faut ...

- Cache ta joie.

- Gnagnagna !

Nous quittons l'open-space pour les ascenseurs.

- Si tu crois qu'un physique de rêve s'obtient en bouffant de la glace devant Netflix, ça se saurait.

- Merci, dis que j'suis grosse aussi, ralé-je en appuyant sur le bouton du rez-de-chaussée.

Il s'adosse à la paroi du fond, les bras croisés.

- C'est pas c'que j'ai dit, raille-t-il en se mordant la lèvre inférieure d'un air lubrique.

- Vas-y, rince-toi l'oeil tant que t'y es !

Je ne me gêne pas de lui décoller une droite dans l'épaule.

- Aïeuh !

- T'es un boulet, tu le sais ?

- C'est toi qui parle ?

Nous continuons de nous chamailler jusqu'à ce que nous nous séparions pour aller manger.

- Bon appétit, gloutonne !

- À toi aussi, face de craie !

Je me marre encore lorsque je rejoins Leïla au comptoir de l'accueil. Elle me fait signe de patienter avant de terminer son appel et de s'emparer de ses affaires.

- J'ai une dalle monumentale ! s'exclame-t-elle en s'accrochant à mon bras.

Je n'ai pas besoin de répondre, mon estomac s'en charge pour moi. Pour la discrétion, on repassera. Bras dessus, bras dessous, nous voilà parties pour notre restaurant préféré, le Little Italy. Comme à chaque fois, Giuseppe nous accueille chaleureusement de son accent chantant.

- Belle Ragazze !! Come stai ? Yé vous ai gardé votre table habitouelle. (Jolies filles ! Comment allez-vous?)

Nous le remercions et prenons place à la table en question pendant qu'il nous énonce le plat du jour.

- Ça ira très bien pour moi.

- Pour moi aussi.

- Molto bueno, confirme-t-il avant de repartir en cuisine. (Très bien.)

Je sers mon amie en eau gazeuse qui est déjà disposée sur la table. Giuseppe connait toutes nos habitudes et ça me plait, j'ai l'impression d'être une V.I.P.

- Merci. Bon alors, raconte-moi cette rencontre au parc.

Je repose la bouteille en haussant un sourcil.

- Y'a rien à raconter, je t'ai déjà tout dit au téléphone.

- Tu ne m'as rien dit du tout, s'indigne-t-elle. T'es pas rentrée dans les détails.

Je lève les yeux au ciel en me désaltérant.

- Qu'est-ce que tu veux que je te dise de plus ? Je promenais Yuki, un mec a débarqué de nulle part ...

- Un beau gosse, m'interrompt-elle. Il faut être précise.

- Un canon débarque, rectifié-je. Il me surprend, j'ai failli éclater mon téléphone au passage ... au cas où tu t'en soucierais...

Elle secoue la tête avec désespoir, un rictus amusé en coin.

- Bref, il m'offre son join, Yuki arrive, tu m'appelles, fin de l'histoire. Ça te va là ?

- Ha ha ! C'que tu peux être marrante comme fille ! râle-t-elle en attaquant un gressin.

Son expression désabusée me fait sourire. Je sais qu'elle est friande de détails.

- Mais c'est vrai, y'a bien un truc que je ne t'ai pas dit. Je suis sûre de l'avoir déjà vu quelque part. Son visage ne m'était pas étranger.

- Ah bon ? Où ça ?

- C'est bien là le truc, j'en sais rien ! Et ce n'est pas comme s'il y avait 36 solutions. À part toi, Miguel et Chris, je ne connais personne ici.

- Tu ne lui as pas demandé ?

- Bien-sur que si.

- Et ?

- Il m'a dit que non. "Que je m'en serais souvenu et lui aussi", dis-je en mimant des crochets avec mes doigts. Non mais tu vois le genre quoi !

- Oh oh ! Mais il semblerait que t'es tombé sur un charmeur de catégorie un !

- T'es grave.

- Tu parles, c'est toi qui est grave, oui ! T'as même pas eu l'idée de lui demander son prénom !

- Comme si un prénom allait changer la donne. On est à San Francisco, Leïla, c'est grand .. au cas où t'aurais pas remarqué !

- Ha, ha, si seulement. Y'a que les montagnes qui n'se croisent pas, ma chérie.

Je décide de changer de sujet, pas besoin d'épiloguer pendant dix ans. J'ai croisé un mec et basta, rien de dingue.

- T'as fait quoi du coup hier ?

- Je suis allée manger en ville avec ma mère. On a fait les boutiques, je me suis trouvée une superbe petite robe, elle est trop belle. Et toi ?

- Comatage sur le canapé.

Elle éclate de rire tandis que je la relance sur notre samedi soir dernier.

- Et du coup, le mec qui t'as branché toute la soirée, t'es rentrée avec ?

Alors qu'elle va pour répondre, Giuseppe nous interrompt pour déposer les assiettes.

- Buon Appetito ! nous gratifie-t-il avec enthousiasme. (Bon Appétit)

Nous le remercions et portons toute notre attention sur les plats : Cannelloni en sauce, accompagnés d'une salade verte. Gourmandes, nous dégustons quelques bouchées en silence. Quand ça concerne la bouffe, nous sommes identiques : c'est sacré, ça passe avant tout, même une histoire croustillante.

- Mmh ... C'est toujours aussi bon !

La bouche pleine, elle acquiesce d'un signe de tête.

- Bon, déballe !

Elle sourit avant de boire une gorgée et de reprendre son récit. J'adore ses histoires, elles sont toujours déjantées. Pas de chance pour elle, elle ne tombe que sur des cas sociaux, mais pour moi, c'est un régal d'écouter ses dernières aventures.

- Non mais j'te jure ! Il voulait que je lui marche sur le dos avec mes talons aiguilles en plus de l'humilier verbalement.

Je manque de m'étouffer, je ne m'attendais pas à ça. Les mecs peuvent être vraiment bizarres parfois, je suis bien contente d'avoir mis cet aspect là de ma vie en pause.

- Et tu l'as fait ?

- Bien sûr !

- Mais naaaan ?!

- Mais si !!

Nous explosons de rire telles des mouettes. Je l'imagine déjà en train de jouer la sadique et c'est à se plier en deux. Je ne sais pas comment elle fait, je n'aurais jamais pu assouvir un fantasme pareil en gardant mon sérieux.

- Et toi ? T'es rentrée avec quelqu'un ?

- À ton avis ?

- Sérieux Abi ...ça t'ferait pas d'mal de t'envoyer en l'air un peu !

Sa réflexion me fait avaler de travers.

- Quoi ?!

- Parle plus fort non ? J'suis pas sûre qu'ils t'aient entendu au fond de la salle.

- Oh ça va ... marmonne-t-elle en piquant dans sa salade. Allez, sérieux ! Ça va faire quoi ? Trois ? Quatre mois qu'on se connait ?

- À peu près.

- Et je ne t'ai jamais vue avec un homme ...

- Et alors ? répliqué-je en continuant de manger.

- T'aimes pas les mecs ? Tu préfères les femmes ?

- La salade de fruits de mer ? Très peu pour moi, merci, gloussé-je. J'préfère largement les saucisses.

- Ma question te fait rire ?

- Non, juste ta tronche.

- Y'a jamais moyen d'être sérieuse avec toi.

- Oh ça va, je rigole ... et non, j'suis hétéro, si c'est ça ta question.

- Ah. Bah alors, ne me dis pas que tu ne trouves pas chaussure à ton pied ?

- Non, j'en ai simplement rien à foutre. La gente masculine et moi sommes en froid pour le moment.

- Oh, je vois ...

Elle marque une pause tandis que je termine mon assiette sans la relancer. Si on pouvait changer de sujet, ça ne me dérangerait pas.

- Si t'as envie d'en parler, tu sais que je suis là pour toi.

Je me force à sourire, ce n'est pas contre elle mais évoquer de ma vie sentimentale me ramène à des souvenirs que j'essaie d'enterrer profondément.

- C'est gentil Leïla, merci.

Elle n'insiste pas et nous terminons le repas en parlant d'autre chose.

(..)

Il est treize heures quinze lorsque nous arrivons au bureau.

- Bon après-midi !

- À toi aussi, chaton !

Nous nous séparons pour reprendre nos postes respectifs. Elle à l'accueil, moi au quarante-deuxième étage. Lorsque je sors de l'ascenseur, Miguel me fait signe. Accompagné de Christopher, ils boivent un café.

- Kawa, bichette ?

- Avec plaisir. Salut Chris.

- Salut Candy Girl.

Je souris au surnom qu'il m'a donné du fait que j'ai toujours une sucrerie dans mon sac pour les coups de mou. Chris est le meilleur pote de Miguel qui me l'a présenté le jour même de mon arrivée. C'est une tronche en informatique, un vrai hacker digne des Anonymous. Personnellement, je suis une brêle avec les ordinateurs, je ne les comprends pas et eux non plus apparemment.

- Tiens bichette.

Je saisis le gobelet que mon cher binôme me tend et le remercie. Un silence s'installe. En pleine digestion, je commence à capoter.

- À quoi tu penses ?

- Au boulot qu'il nous reste à faire, soupiré-je sans grand enthousiasme.

- C'est sûr que c'est pas avec lui que tu dois avancer, se moque Chris. S'il était efficace, ça se saurait !

- Bâtard ...

Je termine mon café sous leurs chamailleries d'adolescents qui sont assez divertissantes pour être honnête.

(..)

Le soleil est en train de baisser à l'horizon lorsque je sors de mon immeuble, Yuki au pied. Je suis repassée par chez moi après le boulot pour me changer. Nous partons en petites foulées : direction, la salle. Miguel m'y attend de pied ferme et je ne voudrais pas le décevoir. Son gym se situe dans un quartier de Inner Sunset, ce n'est pas à côté mais ça a le mérite de nous échauffer. Yuki en profite pour se dégourdir pendant que je crache mes poumons.

Vive la clope !

Enfin arrivés, j'aperçois Miguel qui aide un jeune à perfectionner sa technique. Il m'adresse un signe de la main avant de reprendre ses explications en espagnol. Ça me fait toujours drôle de l'entendre parler dans sa langue maternelle. Moi-même étant d'origine colombienne, je le parle mais il ne nous est jamais venu à l'idée de le pratiquer ensemble. Finalement, Miguel est autant secret que moi sur sa vie privée, et c'est très bien comme ça.

Je m'installe dans un coin pendant que Yuki se couche à côté de mon sac, il sait que j'en ai pour un moment. J'enfile mes gants et entame l'entrainement. D'abord lentement puis de plus en plus cadencé.

Je me défoule.

- T'es en forme, bichette !

- Plutôt ouais, confirmé-je en essuyant la sueur de mon front d'un revers du bras.

- Prête pour une raclée ?

- Allez !

Il écarte les cordes du ring pour me laisser passer. Je profite qu'il enfile ses gants pour jeter un oeil à mon chien qui nous observe avec attention.

Torse nu, la garde haute, Miguel sautille sur ses pieds et y'a pas à chier, il est vraiment bien gaulé !

- Tu me dis quand t'as fini de baver, on s'y met.

- Tais-toi et ramène ta fraise !

Nous nous tournons autour sans nous quitter des yeux. Il envoie le premier coup que j'esquive je-ne-sais-comment. J'en profite pour lui envoyer un kick dans les côtes qui le fait grimacer et remonter sa garde.

- Depuis quand on envoie les jambes ?

- Depuis maintenant !

Il rétorque d'un gauche que je ne peux esquiver. Je me gaine et encaisse difficilement le coup.

- Ouch !

Pensant m'avoir fait mal, il retient son enchainement et j'en profite pour lui décocher un uppercut de la mort qui tue.

- Saleté ! s'exclame-t-il en bougeant sa mâchoire de droite à gauche.

- J'suis pas une princesse mon chou, j'crois que t'avais besoin d'un rappel.

- Une vraie furie, ouais !

Nous continuons notre échange une longue demi-heure avant que je ne stoppe le combat.

- J'en peux plus ! abdiqué-je. J'suis rincée !

- Déjà ?

Je relève les yeux vers lui, c'est à peine s'il a transpiré alors que je suis sur le point d'exploser.

- C'est ça, moque-toi.

- Tu manques d'endurance, bichette.

- Je sais ...

- Arrête de fumer.

- C'est mort !

- Boulet !

- Casse-pieds !

Nous rejoignons le banc où je retire mes gants avant de vider la moitié de ma gourde.

- Quelle séance !

- Ouais, tu t'améliores de jour en jour.

- Merci.

- Ne me remercie pas, remercie celui qui t'a inculqué les bases.

Je me contente de sourire.

S'il savait.

- D'ailleurs, tu ne m'as jamais dit qui t'avais appris tout ça ?

Surprise, je réponds sans réfléchir.

- Mon père était passionné de boxe.

Ouh, la menteuse, je ne connais même pas mon paternel.

Bravo ! On va pouvoir m'appeler Aby la mito !

- Ça devait être un homme bien.

- Sûrement, dis-je en me relevant, coupant court toute conversation. J'vais prendre une douche.

- Si t'as besoin d'aide pour te frotter le dos, tu sais que ...

- Ouais ouais, t'inquiète, je sais !

Je m'esquive dans les vestiaires, suivie de Yuki qui ne me quitte jamais. Si je pouvais l'emmener au boulot, je le ferais. J'suis certaine que Cassy ne me casserait pas autant les pieds s'il était là. Gavin non plus. La porte de la cabine de douche verrouillée, je laisse échapper un long soupir de soulagement. Si Miguel avait davantage creusé le sujet, il aurait bien vite compris que je le menais en bâteau. Heureusement, je ne lui ai pas laissé le temps d'approfondir son interrogatoire.

J'ai commencé à m'entrainer quand mon ex m'a décollé la première droite. Naïve que j'étais, je pensais que je me serais défendue mais l'amour rend clairement aveugle. À la différence de ce connard, je n'ai jamais pu lui asséner un coup. Je chasse ces idées noires et termine de me changer.

Laissons le passé au passé.

Lorsque je reviens dans la salle, Miguel est en train de ranger le matériel. Encore à moitié à poil, je distingue parfaitement les lignes de ses muscles gonflés par l'entrainement. Sa peau matte tranche avec la couleur de ses prunelles noisettes.

- Alors ? Pas trop courbaturé ?

- Pfff ... il m'en faut plus bichette. C'est à toi que j'devrais poser la question.

Il range le dernier poids sur son socle avant de se retourner. Il doit faire une bonne tête et demi de plus que moi et quelques mèches de cheveux retombent sur son front.

- Besoin d'un massage ?

- Tu proposes le service après-vente à tous tes adhérents ?

- Seulement lorsqu'elles valent le détour, sourit-il en s'approchant d'un pas.

Je relève la tête vers lui alors qu'il passe une mèche de mes cheveux derrière mon oreille, un sourire au coin des lèvres.

- Suffit de demander, murmure-t-il, une lueur différente au fond des yeux. Tu sais que je suis à ton entière disposition.

J'inspire profondément et pose une main sur son torse. Il frémit à mon contact.

- Miguel ... soufflé-je en ancrant mon regard au sien. Dans tes rêves.

Il soupire et recule sous mes ricanements. Ravie de mon petit jeu, je me moque de lui.

- Tu pourras pas venir te plaindre que j't'ai jamais proposé le total package.

- Le total package ?

- Bah ouais .. déclare-t-il en désignant son corps. Matte-moi ça, c'est du premier choix, bébé.

J'éclate de rire pour de bon. Son sens de l'humour m'éclate, ce mec est vraiment atteint.

Faut qu'il se la raconte.

- Bon, sur ces bonnes paroles, j'y vais. Merci pour cette séance mon chou.

- C'est toujours un plaisir ma biche. Tu rentres comment ?

- À pied.

- Prend un taxi s'il te plait.

- Miguel ...

- S'il te plait.

- Je t'écris quand je suis chez moi, c'est bon comme ça ?

Il cède.

- T'as pas intérêt à oublier.

- Promis. juré-je en déposant un baiser sur sa joue.

- Mouais ...

Je lui adresse un dernier signe de main avant de passer les portes du gymnase. Son inquiétude à mon égard me touche, il peut être vraiment chou quand il veut. Yuki s'empresse de se soulager contre un arbre pendant que j'allume une clope. Je sais que ce n'est pas du tout recommandé mais il n'y a rien de meilleur après un bon entrainement comme celui-ci. Nous reprenons tranquillement le chemin de la maison. Les rues sont encore animées à cette heure-ci. Yuki trottine fièrement devant moi, se retournant de temps à autre pour s'assurer que je le suive toujours.

- Tu veux que j'aille où, toutouille ?

Il jappe en réponse. Ce chien est tout bonnement génial.

(..)

Arrivés dans notre immeuble, nous empruntons les escaliers. Yuki ne supporte pas les endroits clos, supprimant l'option ascenseur. Après avoir grimpé les sept étage, nous voila enfin devant la porte de l'appartement et je n'en peux plus.

Je suis rincée !

À son habitude, il se précipite sur sa gamelle d'eau tandis que je m'étale comme une crèpe sur le canapé.

- Que c'est bon d'être chez-soi.

(..)

Posée devant Le voyage de Chihiro, je savoure le pétard d'après-manger, Yuki couché contre moi. L'arrivée d'un nouveau message détourne mon attention des noiraudes qui s'excitent à l'écran.

- Merde ! Miguel !

"T'as pas oublié quelque chose espèce de boulet ? T'as intérêt à me répondre rapidos si tu veux pas me voir débarquer chez toi !"

Je m'empresse de tapoter une réponse.

"Ouuups ! Je suis bien arrivée :)"

"J'espére bien, j'me suis inquiété !"

"Et t'as attendu minuit pour t'affoler ? Tu parles d'un pote ! :P"

"Retourne pas la situation, tu m'en dois une."

"Ça va, ça va, t'as gagné. Qu'est-ce tu veux ?"

"Accompagne-moi à la soirée de mon frère samedi soir."

"Depuis quand t'as un frère ?"

"Depuis que je suis né boulet. C'est un oui ?"

Je ne sais pas quoi répondre.

"Allez bichette, promis je serai sage."

"Okay."

"C'est un date ! :P"

"Tu me soules déjà."

"Dors bien ma biche. A demain. Rêve pas trop de moi."

"Ta bouche ! À demain."

Je repose le téléphone, pensive. Je ne savais pas que Miguel avait un frère, il ne l'a jamais mentionné. En même temps, je ne lui ai jamais posé la question non plus. Je me demande si Leïla sera là aussi. Connaissant le bougre, ça m'étonnerait qu'il ne l'invite pas. Je termine le film avant de migrer vers la chambre.

La semaine ne fait que commencer et j'suis déjà cuite.

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