Un tonnerre d'applaudissements retentit lorsque je sors de ma caisse, triomphant. Mes gars me gratifient de cris de guerre victorieux. Les accolades vont de bon train, les compliments aussi. Les filles me tournent autour, les yeux pleins de promesses grivoises. Ciro finit par arriver et seule son équipe de bras-cassés l'attend. Nous échangeons un regard lourd de sens lorsqu'il descend de sa Porsche.
Il sait.
Il sait qu'il a intérêt à respecter notre deal ou c'est un homme mort. Heureusement pour lui, mon attention est détournée par un des organisateurs.
- Te regarder rouler est un véritable cadeau du ciel, Jefe, me complimente-t-il en me donnant une épaisse enveloppe.
- J'espère que t'en as bien profité ?
- Toujours, je vous abandonne, je dois clôturer la course.
Il me salue en plaçant un poing sur son coeur et je le gratifie d'un léger hochement de tête en retour. Je glisse ma cagnotte dans la poche de mon pantalon avant de m'adresser à mes hommes.
- On décolle !
La foule se disperse, chacun retourne à son véhicule, et un magnifique brouhaha de moteurs s'élèvent à en faire vibrer les bâtiments.
Putain que j'aime ce bruit !
Une meuf, à qui j'ai l'air de plaire, me colle aux basques depuis quelques minutes, je lui jette un bref coup d'œil. Blonde, 1m20 de jambes, des gros eins', une tenue légère.
Hum, allez ... pourquoi pas, j'suis pas difficile aujourd'hui. J'enclenche le mode séducteur et l'interpelle :
- T'es déjà monté à bord d'un bolide poupée ?
Elle glousse tout en venant se coller contre moi.
- Non mais j'ai toujours eu un faible pour les gros engins.
- Qui sait ? Tu pourrais être chanceuse ce soir, ajouté-je en lui claquant la fesse.
Elle laisse échapper un gémissement de surprise et répond d'un regard aguicheur.
- Grimpe, l'invité-je en désignant la Lambo aux teintes sombres. Et attache ta ceinture.
Elle s'empresse de monter à bord de mon bijou. Je fais rugir le moteur sous ses caquètements et prends la direction du Berreta, un de mes nombreux casinos.
Ce soir, on fête ma victoire, notre victoire. Celle de la Pata Sola.
Ciro et son gang sont out.
Si on peut appeler ça un gang ..
Une petite demi-heure plus tard, j'envoie les clés au voiturier avant d'aider Valentina à s'extraire de l'habitacle. Malheureusement pour moi, j'suis tombé sur une pipelette. Maintenant, je connais son prénom, le genre d'information que j'aurai oublié dans l'heure.
- Merci bad boy, susurre-t-elle en s'accrochant au bras que je lui offre.
Je lui adresse un regard suffisant pour qu'elle comprenne que je n'apprécie aucunement ce surnom ridicule. Elle détourne les yeux, embarrassée.
Encore une fille à papa en manque de sensations fortes.
Les vigiles nous ouvrent les portes et nous nous engouffrons dans le casino déjà plein à craquer. Tel un lion en pleine savane, je traverse les lieux en détaillant tout sur mon passage. Les quelques VIP à saluer, les employés qui tirent au flanc, le noeud de cravate tordu du serveur qui s'écarte pour me laisser passer. Rien ne m'échappe. La miss sur les talons, je rejoins l'étage. J'aime surplomber. Du haut de mon perchoir, j'ai une vue imprenable sur les salles de jeux.
La plupart de mes lieutenants sont déjà là, en bonne compagnie. J'échange quelques signes de têtes avec certains tout en me dirigeant vers le fond de la salle pour m'installer à ma place habituelle, Valentina toujours à mes côtés. Je n'ai pas le temps d'interpeller une serveuse que cette dernière se ramène avec ma boisson favorite ainsi qu'un cocktail coloré pour la blonde. Je la tips généreusement avant de trinquer avec la créature qui m'accompagne et me dévore des yeux. Je n'ai pas besoin d'un dessin pour savoir ce qu'elle attend.
C'est presque trop facile.
L'arrivée de Pedro, mon second, interrompt notre échange visuel. Difficilement ratable du haut de ses un mètre quatre-vingt dix, il nous rejoint, un sourire aux lèvres.
- T'en as mis du temps, m'exclamé-je en le serrant dans mes bras.
- Tu me connais, ricane-t-il. Mademoiselle, ajoute-t-il en embrassant la main de Valentina.
Cette dernière minaude en réponse, ce qui a le don de m'irriter.
Toutes les mêmes.
Tout en me rasseyant, je fais signe à une des serveuses de nous rapporter une bouteille. Elle ne tarde pas, j'attends qu'elle termine de servir mon bras-droit pour trinquer avec lui.
- À cette victoire !
- À toi, Jefe !
Nos verres s'entrechoquent dans un tintement festif.
Pedro, c'est comme un frère. En plus de faire les quatre cents coups, on a vécu beaucoup de choses ensemble, du bon comme du mauvais. Je lui confierai ma vie. Mec de mon âge, métis à la carrure d'un Hulk, c'est un véritable aimant à gonzesses avec ses yeux bleus.
- Tu l'as humilié ! J'pense pas qu'on le revoit de sitôt.
- Vaut mieux pour lui.
- Trouillard comme il est, il respectera ses engagements.
J'allume un spliff en haussant les épaules pour seule réponse. C'est tout dans son intérêt, sinon les représailles seront lourdes et morbides.
La nuit est déjà bien avancée lorsque nous entamons une nouvelle bouteille de rhum. José et Dom, mes capos, se sont joints à nous. À tous les trois, ils font partis de mon cercle restreint, les rares qui ont toute ma confiance. Quant à Valentina, elle m'a délaissé pour les machines à sous. Malgré ses démonstrations affectueuses, je ne lui ai porté que très peu d'attention. Elle s'ennuyait alors je l'ai envoyé faire un tour. Les nanas dans son genre, ce n'est pas ce qui manque, j'en trouve à tous les coins de rue. Nous continuons la fête jusqu'au lendemain matin. Le casino ne ferme jamais. Toute la Pata Sola est là pour célébrer notre victoire mais surtout la fin d'une guérilla qui durait depuis bien trop longtemps.
Je n'ai aucune idée de l'heure lorsque je rentre chez moi, une luxueuse villa de mille cinq cents mètres carrez dont je suis très fier, c'est mon refuge. Je l'ai faite construire lorsque j'ai hérité de la Famille, lorsque el Padrino m'a cédé les rênes du gang avant de mourir d'un cancer fulgurant.
- Hey Nerò ! m'interpelle Benné lorsque je sors de la Lambo. Alors alors ?!
Je lui envoie les clés qu'il rattrape au vol.
- À ton avis ?
- Tu les as tous fumé ? me questionne l'adolescent aux boucles brunes et aux taches de rousseur.
J'esquisse une risette qui le fait bondir de joie.
- J'le savais ! J'le savais ! T'es imbattable !
Son engouement me fait rire. Il est comme ça Benné, toujours joyeux et ébahi par un rien.
- La raye pas.
- T'inquiète, je gère !
- Ouais, ouais, justement ! On sait tous ce que t'as fait au parechoc de Dom.
Il grimace avant de passer derrière le volant. Je le délaisse et remonte l'allée gravillonnée, amusé de son comportement. J'aime ce gamin comme mon petit frère. Il n'avait que dix ans lorsque je l'ai recueilli. Ses parents ont été pris dans une fusillade entre mes hommes et ceux de Ciro, le laissant orphelin. Ayant connu la disparition brutale de mes parents à un très jeune âge, je ne pouvais l'abandonner. Mon jumeau et moi avons eu la chance d'être élevés par nos grands-parents à la différence de Benné qui n'a plus de famille.
C'était moi ou les services sociaux.
Je n'ai pas réfléchi et suis son tuteur légal. Depuis, il vit avec moi et Pedro. Mon frère a quitté la villa lorsqu'il a décidé de sortir de la Famille .. mais ça, c'est une autre histoire.
Je longe la piscine à débordements avant de grimper les quelques marches qui me séparent de la terrasse.
Je ne suis pas mécontent d'être rentré.
Je me sers un verre et m'installe sur une chaise longue. Les températures sont encore agréables à cette fin de saison. Alors que je déboutonne ma chemise, je reçois un texto de Marla, une bonne copine, dirons-nous.
"Hola Jefe. Ce soir, 20h30 ? Hôtel Stanyan Park ?"
Je regarde l'heure : dix-neuf heures. Je tapote une réponse affirmative à la va-vite, descends mon verre et file prendre une douche.
Après tout, j'ai pas tiré mon coup.
Frais comme un sou neuf, je redescends au salon où Pedro, Dom et José sont en train de faire un poker sous le regard attentif de Benné.
- Je bouge.
- Ça roule, répond mon bras droit sans lever les yeux du plateau.
- Jefe, me salue Dom avec un sérieux qui me fait délirer.
A croire que je suis devenu une personne à craindre depuis que j'ai endossé le rôle de Jefe.
- Bonne soirée !
(..)
Une fois au Stanyan, une brunette aux yeux de biche m'accueille d'un chaleureux sourire.
- Bonsoir Monsieur Mandoza. C'est toujours un plaisir de vous voir.
- Bonsoir ma jolie. La soirée se passe bien ?
- Oui, merci, et vous ?
- Plutôt pas mal, oui.
Même si elle reste très professionnelle, je sais que je la travaille. Ses mimiques la trahissent.
- Mademoiselle Sanchez doit m'attendre.
- En effet, c'est la chambre 244. Douzième étage, confirme-t-elle en me donnant un badge. Je vous remercie d'avoir choisi le Stanyan Park Hotel et vous souhaite un agréable séjour.
- Merci joli coeur.
Ses joues s'enflamment et ça me régale. C'est plus fort que moi, j'adore constater les effets que je peux faire sur la gent féminine.
Alors que je passe la porte de la suite, je la capte immédiatement, accoudée au balcon, un verre à la main.
Marla.
Jeune femme de vingt-sept ans d'origine colombienne, vraiment pas dégueulasse à regarder.
- Bonsoir Jefe ..
Ses yeux noirs me dévorent avec envie. Je m'approche d'un pas nonchalant et récupère le verre qu'elle m'offre. Féline, elle enroule ses doigts autour de ma nuque et m'attire contre elle, écrasant sa forte poitrine contre mon torse.
- T'étais en manque de moi peut-être ?
- On peut dire ça comme ça ... murmure-t-elle avant de m'embrasser goulument.
Pris au dépourvu, je me recule vivement comme si elle avait perdu la tête. Jamais au grand jamais, je n'embrasse les coups d'un soir. On ne sait pas où elle est allée trainer. Consciente de son erreur , elle se confond en excuses.
- Laisse-moi me rattraper, s'empresse-t-elle d'ajouter en s'agenouillant devant moi et en défaisant la boucle de ma ceinture.
Je la laisse faire et allume un join. Sans me quitter des yeux, elle commence son affaire.
- Voilà qui est mieux, la félicité-je en me relâchant lentement.
Elle s'applique sur sa performance. Ma satisfaction est primordiale et elle le sait. Sans la ménager, j'attrape ses cheveux et lui fais accélérer la cadence, mais même après une demi-heure à me pépom, je me lasse. Elle n'est pas assez douée pour me faire venir avec le seul usage de sa langue. Frustré, je la redresse sur ses pieds et la retourne contre la rambarde du balcon. J'agrippe sa hanche d'une main et abaisse sa tête de l'autre. Je ne lui laisse aucun répit et l'attrape sauvagement sous ses geignements de salope.
- Callàte ! grogné-je en renforçant ma prise sur sa tignasse. Puta ...
J'accélère la cadence, le pétard à la bouche. Des cendres tombent dans le creux de ses reins au rythme de mes coups, mais je m'en tape, je ne suis pas loin de jouir. Elle s'arque de plus belle tout en me balançant un tas de saloperies.
Putain !
- Jamais tu la fermes ?!
Je n'aime pas sa vulgarité et son comportement m'agace. J'accélère encore mais sans succès. Je finis par abandonner sans aucune considération pour son propre plaisir. Elle m'a coupé l'envie avec ses conneries. Je me retire et me rembraille avant de me servir un verre de rhum. Elle rabaisse sa robe et disparait dans la salle de bains pour se refaire une beauté. À moitié satisfait, j'avale le liquide ambré d'une traite et quitte la suite sans un mot pour la colombienne.
Frustré au possible, je me stoppe quand l'hôtesse d'accueil me salue alors que je vais passer les portes vitrées de l'hôtel. Une idée lumineuse me traverse l'esprit avant que je ne me retourne vers elle d'un sourire carnassier.
- C'est plutôt calme ce soir, non ?
- Oui, répond-t-elle d'une voix timide.
Mon ravissement s'élargit et son rougissement s'intensifie.
Moins de deux minutes plus tard, là voila en grand écart sur ma ceinture abdominale.
- Oh ! Oh oui ! Monsieur Mandozaaaaa !
Enfin une qui a le mérite de me détendre. Son dévouement est digne d'une sexcretaire et l'interdit semble l'exciter. Pourquoi ne pas en profiter ?
Après une baise bien méritée, je remonte en voiture et prends la direction du Buena Vista Park. Proche de l'hôtel, j'aime bien y aller de temps à autres pour fumer un spliff, peinard, et faire le vide. Une fois garé, j'emprunte un des nombreux sentiers et marche sans but jusqu'à ce que j'aperçoive une jeune femme seule, assise sur un banc, le nez sur son téléphone.
Intrigué, je m'approche, les mains dans les poches. Elle ne semble pas avoir remarqué ma présence et je profite de cette opportunité pour la reluquer de la tête aux pieds. Un chignon en pagaille d'un noir ébène orne son crâne, sa peau aux teintes caramel contraste avec la couleur pastel de son débardeur et malgré sa tenue décontractée, je remarque très vite les courbes plantureuses qu'elle dissimule sous le tissu.
- Bonsoir.
(...)
La belle vient de partir et je n'ai pas eu l'occasion de lui demander son prénom, et encore moins son numéro.
Ce n'est pas de moi.
Troublé, je reste encore de longues minutes assis, à fumer. Le filtre a encore le goût de son gloss à la framboise et je me surprends à l'apprécier. Cette rencontre inopinée a eu le mérite de me faire oublier mon mauvais coup et secrètement, j'espère recroiser son chemin. Elle est bien trop jolie pour qu'elle ne vienne pas orner mon tableau de chasse.
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